Vu, enregistrés les 18 avril et 7 juillet 1994, la requête et le mémoire ampliatif présentés pour la société QUILLERY, dont le siège social est ... agissant en son nom personnel et en qualité de mandataire d'un groupement comprenant les entreprises ARSOL, GARNIER, ZELL, FONTELEC et GERMOT-CRUDENAIRE, par la SCP Guiguet-Bachelier de la Varde ; les requérantes demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 852187 en date du 1er février 1994 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 24 637 856,01 francs ;
2°) de condamner l'Etat (ministère de l'éducation nationale) à leur payer ladite somme hors taxes (valeur juin 1984) assortie des intérêts moratoires capitalisés ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 25 000 francs par application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu la loi n° 96-1182 du 30 décembre 1996 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 janvier 2007 :
- le rapport de Mme Corouge, rapporteur,
- les observations de Me Potier de la Varde pour la société QUILLERY,
- et les conclusions de M. Trouilly, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que, par marché en date du 28 mai 1979, le ministre de l'éducation nationale a confié à un groupement de 20 entreprises conjointes ayant pour mandataire la société QUILLERY, les travaux de construction du lycée technique d'hôtellerie et de tourisme de Saint-Quentin-en-Yvelines pour un montant forfaitaire de 40 337 045 francs HT ; qu'après la réception des ouvrages qui a eu lieu les 17 septembre 1981 et 15 juin 1982, la société QUILLERY, agissant en son nom et en qualité de mandataire des entreprises ARSOL, GARNIER, ZELL, FONTELEC et GERMOT-CRUDENAIRE, a demandé, le 10 février 1984, le versement d'une somme complémentaire de 22 840 783 francs ;
Considérant que la société QUILLERY a saisi le Tribunal administratif de Versailles du rejet de son mémoire de réclamation par le maître d'ouvrage ; que, par jugement du 1er février 1994, le tribunal a rejeté sa demande ; qu'à nouveau saisie du litige après cassation, par décision du 6 décembre 1998 du Conseil d'Etat, de son précédent arrêt du 30 mars 1995, la Cour administrative d'appel de Paris a, par arrêt du 8 juillet 2003, annulé le jugement attaqué du Tribunal administratif de Versailles et a, avant dire droit, ordonné une expertise aux fins de réunir tous éléments de nature à permettre à la cour de se prononcer sur la demande de la société QUILLERY, agissant en son nom et en qualité de mandataire des entreprises ARSOL, GARNIER, ZELL, FONTELEC et GERMOT-CRUDENAIRE, tendant au paiement de travaux et frais supplémentaires ;
Sur la demande de la société QUILLERY :
En ce qui concerne les travaux supplémentaires du lot n° 1 et 1 bis « gros oeuvre » :
Considérant qu'il ressort de l'acte d'engagement du 28 mai 1979 que la société QUILLERY s'est engagée à réaliser les lots n° 1 « gros oeuvre » et 1 bis « Terrassements VRD » du lycée technique d'hôtellerie et de tourisme de Saint-Quentin-en-Yvelines pour un montant global et forfaitaire de 17 456 429 francs HT et de 1 162 048 francs HT ; qu'en raison du caractère forfaitaire de son contrat, la société QUILLERY était tenue de s'assurer avant de signer le marché de l'étendue des obligations qu'elle devait assumer et de tenir compte des divers aléas qu'elle pourrait rencontrer ;
Considérant que si la société QUILLERY soutient avoir du engager, en raison des modifications techniques apportées au projet initial par le maître d'oeuvre, des dépenses d'un montant supérieur à celui libellé au marché à forfait, il ne ressort pas de l'instruction que la plupart des travaux qualifiés par l'entreprise de « travaux supplémentaires » n'auraient pas été au nombre des travaux que l'entrepreneur avait l'obligation de réaliser dans le cadre de son forfait ;
Considérant toutefois que l'entrepreneur peut demander à être indemnisé, d'une part, pour les travaux supplémentaires utiles qu'il a réalisés avec ou sans ordre de service régulier du maître d'oeuvre ou du maître de l'ouvrage, d'autre part, du montant des travaux, non prévus au contrat, qui sont indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art ;
Considérant que, par application de ces principes, doivent être regardés comme des travaux supplémentaires ouvrant droit à indemnisation de l'entreprise les remblais complémentaires autour des galeries techniques (mémoire 060.1) d'un montant de 52 884 francs HT, l'exécution d'un caniveau en béton armé sous dallage (mémoire 060.21) d'un montant de 41 587 francs HT, la modification des travaux de VRD d'un montant de 133 655 francs HT, le sablage des planches de coffrage (mémoire 32) non prévu au cahier des clauses techniques particulières et imposé par le maître d'oeuvre pour un montant de 53 363 francs HT, le renforcement des contreventements (mémoire 25) demandé par le maître d'oeuvre pour un montant de 171 210 francs HT ainsi que l'exécution d'un plancher en béton armé sur remblais (mémoire 60.17) pour un montant de 137 607 francs HT ; qu'enfin, il ressort du rapport de l'expert que l'entreprise a dû exposer des prestations complémentaires de coordination technique excédant les obligations de son contrat (mémoire 019) qu'il y a lieu de prendre en compte à hauteur de 95 200 francs HT ; que, par suite, la société QUILLERY est en droit de prétendre, en sus du montant forfaitaire de son marché, à une somme de 685 506 francs HT au titre des travaux et prestations supplémentaires ;
En ce qui concerne le bouleversement de l'économie du contrat :
Considérant que l'indemnisation des sujétions imprévues n'est possible que si les difficultés rencontrées dans l'exécution du contrat présentent un caractère à la fois exceptionnel, imprévisible et extérieur aux parties et, pour les marchés à forfait, si, en outre, ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l'économie générale du contrat ;
Considérant que, compte tenu de l'importance du marché à forfait dont était titulaire la société QUILLERY, ni les dépenses supplémentaires exposées par elle du fait de la livraison anticipée de la tranche ferme et de la première tranche conditionnelle ni l'évolution de la législation sociale en cours de chantier ne présentent le caractère de sujétions imprévues de nature à bouleverser l'économie du contrat ; que, si l'entrepreneur soutient également qu'il a du faire face à des intempéries qui ont retardé les travaux et généré des surcoûts, il ne ressort pas de l'instruction que les travaux objet de son marché aient été effectivement entravés par des intempéries excédant les 45 jours contractuellement prévus ; qu'ainsi, les conclusions de la société QUILLERY tendant à l'indemnisation des surcoûts tels que retracés dans les mémoires 7, 21, 50, 51 et 52, ne peuvent qu'être rejetées ;
Considérant toutefois, que la modification des normes de ciment, intervenue au 1er janvier 1979, postérieurement à la remise de l'offre de la société QUILLERY, a entraîné pour celle-ci des charges extracontractuelles dont elle est fondée à demander réparation ; que, conformément aux conclusions de l'expert, il y a lieu de fixer à 45 868 francs HT (mémoire 54) et à 289 913 francs HT (mémoire 20) les indemnités dues à ce titre et de rejeter le surplus des demandes de l'entreprise au titre des sujétions imprévues ;
En ce qui concerne les réclamations à caractère financier :
Considérant que l'entreprise ne saurait prétendre ni au remboursement des frais de cautionnement et d'assurance exposés par elle en vertu de son contrat, ni à l'indemnisation des frais généraux qui sont compris dans le prix des travaux supplémentaires alloués par le présent arrêt ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le montant de l'indemnité à laquelle est en droit de prétendre la société QUILLERY, au titre des lots n° 1 et 1 bis, doit être fixée à la somme de 1 021 287 francs HT ;
Sur la demande des cotraitants :
Considérant que, par décision du 6 novembre 1998, le Conseil d'Etat, statuant comme juge de cassation, a jugé que la réclamation formée par la société QUILLERY, agissant en son nom propre et en qualité de mandataire de la société ARSOL, était recevable ; que par suite la recevabilité de la réclamation de la société ARSOL n'est plus susceptible d'être discutée devant le juge du fond ;
Considérant qu'il ressort du rapport d'expertise que seule la société ARSOL, titulaire du lot n° 6 « Sols et murs scellés », est en droit de prétendre, au titre des revêtements de faïence, au paiement de travaux non prévus dans la masse initiale des travaux du marché à prix forfaitaire, d'un montant de 115 634 francs HT ;
Sur la révision des prix et la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant que l'indemnité de 1 021 287 francs HT allouée à la société QUILLERY, titulaire des lots n° 1 et 1 bis, et l'indemnité de 115 634 francs HT allouée à la société ARSOL, titulaire du lot n° 6, doivent être augmentées d'un coefficient moyen de révision des prix fixé par l'expert à 0,314 et de la taxe à la valeur ajoutée au taux de 18, 60 % ; que l'Etat doit par suite être condamné à verser à la société QUILLERY une somme de 1 591 577 francs TTC (242 634 euros) et à la société QUILLERY, en qualité de mandataire de la société ARSOL, une somme de 180 204 francs TTC (27 472 euros) ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
Considérant que les sommes susvisées porteront intérêts à compter du 10 février 1984, date de la réclamation des entreprises devant le maître d'ouvrage ; que le taux des intérêts moratoires sera calculé par application des dispositions de l'arrêté du 17 janvier 1991, dans sa rédaction issue des arrêtés des 17 décembre 1993 et 31 mai 1997 pris en application de l'article 50 de la loi de finances rectificative pour 1996 ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois le 27 septembre 1985 ; qu'à cette date, ils étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ; qu'enfin, ni les intérêts moratoires ni les intérêts capitalisés ne seront majorés du montant de la taxe sur la valeur ajoutée ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 74 024,99 euros, à la charge de l'Etat qui remboursera à la société QUILLERY les allocations provisionnelles de 20 000 euros et de 6 000 euros allouées, respectivement, à l'expert et au sapiteur, par ordonnances des 1er mars 2004 et 3 avril 2006 du président de la cour ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à la société QUILLERY une somme de 4 000 euros au titre de frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : L'Etat est condamné à verser à la société QUILLERY, en qualité de titulaire des lots n° 1 et 1 bis du marché de construction du lycée technique d'hôtellerie et de tourisme de Saint-Quentin-en-Yvelines, une somme de 242 634 euros (1 591 577 francs TTC) et à la société QUILLERY, en qualité de mandataire de la société ARSOL titulaire du lot n° 6 de ce marché, une somme de 27 472 euros (180 204 francs TTC).
Article 2 : Les sommes de 242 634 euros et de 27 472 euros allouées à l'article 1er porteront intérêts au taux contractuel à compter du 10 février 1984 ; les intérêts échus le 27 septembre 1985 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts.
Article 3 : L'Etat versera à la société QUILLERY une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par la société QUILLERY devant le Tribunal administratif de Versailles et des conclusions de sa requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eiffage Construction IDF Paris venant aux droits de la société QUILLERY, aux entreprises ARSOL, GARNIER, ZELL, FONTELEC et GERMOT-CRUDENAIRE et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Copie en sera adressée à M. Pierre Gorsse, expert.
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N° 98PA04212