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29/12/2006 | FRANCE | N°06PA02505

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, Juge des reconduites à la frontière, 29 décembre 2006, 06PA02505


Vu la requête, enregistrée le 10 juillet 2006, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0607015/8 du 6 juin 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 11 avril 2006 décidant la reconduite à la frontière de M. C... A... ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... A... devant le Tribunal administratif de Paris ;

Il soutient que, contrairement à ce qu'a jugé le magistrat délégué par le président du Tribunal admini

stratif de Paris, M. A... peut bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine ; qu'...

Vu la requête, enregistrée le 10 juillet 2006, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0607015/8 du 6 juin 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 11 avril 2006 décidant la reconduite à la frontière de M. C... A... ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... A... devant le Tribunal administratif de Paris ;

Il soutient que, contrairement à ce qu'a jugé le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris, M. A... peut bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine ; qu'ainsi, l'arrêté par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. A... ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'arrêté décidant la reconduite à la frontière de M. A... a été pris par une autorité compétente ; qu'en outre, l'intéressé, qui ne justifiait pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans à la date du refus de titre de séjour, ne peut se prévaloir des dispositions du 3° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'enfin, l'intéressé, qui est célibataire et sans enfant et ne justifie pas être dépourvu d'attaches familiales au Mali n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière aurait porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, les mémoires enregistrés les 8 et 11 décembre 2006 par lesquels M. A... demande à la cour de rejeter la requête du PREFET DE POLICE ; il demande également la condamnation à l'Etat au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que les pièces produites par le PREFET DE POLICE ne permettent pas d'établir que le traitement nécessaire est disponible au Mali ; que l'avis du médecin-chef de la préfecture de police est irrégulier ; que le médicament dont il a besoin n'est pas disponible au Mali ; qu'il justifie résider en France depuis plus de dix ans ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du 1er septembre 2006 par laquelle le président de la cour a délégué les pouvoirs qui lui sont attribués par l'article L. 512-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à M. B... ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir au cours de l'audience publique du 15 décembre 2006, présenté son rapport et entendu :

- les observations orales de Me Sadoun, pour M. A... ;

- les conclusions de Mme Giraudon, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " l'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C... A..., de nationalité malienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 21 juillet 2005, de la décision du préfet de police lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi " ;

Considérant que si l'intéressé fait valoir qu'il souffre d'un asthme grave nécessitant un suivi médical et un traitement par corticoïdes et bétamimétiques, il ressort des différentes pièces produites par le préfet de police devant la cour, qui ne sont pas efficacement contestées par M. A..., qu'il existe à Bamako un service de pneumo-phtisiologie susceptible de prendre en charge l'affection dont souffre M. A..., et que les médicaments nécessaires au traitement de cette affection sont disponibles au Mali ; que la circonstance que certains médicaments disponibles en France ne le soient pas au Mali ne saurait suffire à établir que M. A... ne pourrait être soigné dans son pays d'origine ;

Considérant qu'il suit de là que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté du 11 avril 2006 par lequel le préfet de police a ordonné la reconduite à la frontière de M. A... ; que ce jugement doit, par suite, être annulé ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... ;

Sur la légalité externe de l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué :

Considérant en premier lieu que par un arrêté en date du 13 janvier 2006, régulièrement publié au recueil des actes administratifs, le préfet de police a donné délégation à Mme D... pour signer notamment les arrêtés ordonnant la reconduite à la frontière des étrangers ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté comme manquant en fait ;

Considérant en deuxième lieu que M. A... soutient que l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure substantiel en raison de l'irrégularité de l'avis du médecin chef de la préfecture de police ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7-5 introduit le décret du 30 juin 1946 par le décret du 5 mai 1999 : " Pour l'application du 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée, le préfet délivre la carte de séjour temporaire, au vu de l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé. A Paris, l'avis est émis par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'intégration, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...)L'état de santé défini au 8° de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée est constaté dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues aux deux premiers alinéas du présent article. " ; que l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999 pris pour l'application de ces dispositions impose au médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales d'émettre un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays, quelle est la durée prévisible du traitement, et indiquant si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers le pays de renvoi ; qu'aux termes de l'article 6 du même arrêté : " A Paris... le médecin-chef du service médical de la préfecture de police... émet l'avis comportant les prescriptions exigées par l'article 4 ci-dessus et le transmet au préfet de police " ;

Considérant que l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 qui prévoit que toute décision doit comporter la mention du nom, du prénom et de la qualité de son auteur et que les administrés ont également le droit de connaître les mêmes renseignements en ce qui concerne les agents instruisant leurs demandes, ne concerne pas les auteurs des avis que les autorités ayant le pouvoir de décision ou d'instruction doivent recueillir ; que par ailleurs ni l'arrêté susvisé du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades, ni aucun autre texte ne prévoit que l'avis que le médecin chef doit adresser au préfet dans le cadre de la procédure d'instruction du dossier des étrangers concernés doit comporter les noms, prénoms et qualités de ce médecin ; que dès lors le moyen tiré de ce que la signature de l'avis litigieux étant précédé de la mention P/O, il n'est pas possible d'identifier le nom et la qualité du signataire doit être écarté ;

Sur la légalité interne de l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit: (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. (...) " ;

Considérant que s'il est constant que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une extrême gravité, il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il l'a été dit précédemment, qu'il ne pourrait bénéficier du traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'ainsi, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en date du 11 avril 2006 par lequel le préfet de police a ordonné sa reconduite à la frontière aurait méconnu les dispositions précitées ; que cet arrêté n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressé ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit: (...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant. Les années durant lesquelles l'étranger s'est prévalu de documents d'identité falsifiés ou d'une identité usurpée ne sont pas prises en compte (...) " ;

Considérant que si M. A... soutient qu'il réside en France depuis 1992, les pièces qu'il produit sont insuffisantes pour établir qu'il résidait habituellement en France depuis plus de dix ans à la date du refus de renouvellement de son titre de séjour, notamment pour la période allant de 1995 à 2000 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police ne pouvait légalement prendre à son encontre l'arrêté attaqué sans méconnaître les dispositions précitées ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ... Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure ... nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales " ;

Considérant que si M. A... soutient qu'il est présent en France depuis 1992 et qu'il y a aujourd'hui l'essentiel de ses centres d'intérêts, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, qui n'établit pas la durée de séjour en France qu'il allègue, est célibataire et sans charge de famille ; qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Mali, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-sept ans ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions de séjour de M. A... en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet de police en date du 11 avril 2006 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que M. A... n'est, par suite, pas fondé à soutenir que ledit arrêté méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, pas plus que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation du jugement du 6 juin 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 19 avril 2006 décidant la reconduite à la frontière de M. C... A... ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 6 juin 2006 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... A... devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées devant la cour sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE et à M. C... A.... Copie en sera adressée au préfet de police.

Lu en audience publique le 29 décembre 2006.

Le magistrat délégué,

F. B...Le greffier,

L. BELOT

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 06PA02505


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 06PA02505
Date de la décision : 29/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02-01 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. - Légalité interne. - Étrangers ne pouvant faire l`objet d`une OQTF ou d`une mesure de reconduite.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme GIRAUDON
Avocat(s) : Avocat1

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-12-29;06pa02505 ?
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