Vu la requête enregistrée le 11 juillet 2006, présentée par le PREFET DE POLICE de Paris ; le PREFET DE POLICE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°0606520, en date du 24 mai 2006, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté en date du 6 avril 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X et l'a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai de trois mois ;
2°) de rejeter la demande de M. X ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le décret n°46-1574 du 30 juin 1946, modifié, réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du 1er septembre 2006 par laquelle le président de la cour a délégué les pouvoirs qui lui sont attribués par l'article L. 512-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à M. Magnard ;
Après avoir au cours de l'audience publique du 15 décembre 2006, présenté son rapport et entendu :
- les observations de Me Ostier, pour M. X,
- les conclusions de Mme Giraudon, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « l'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité mauritanienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 27 mai 2005, de la décision du PREFET DE POLICE du 18 mai 2005 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Considérant, qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (…) 4º La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. (…) ; qu'aux termes de l'article L. 742-6 du même code : « L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2º à 4º de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le PREFET DE POLICE a notifié un refus de séjour à M. X, après le rejet de sa demande d'admission au statut de réfugié par l'office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 4 février 2005 par une décision de la commission de recours des réfugiés ; que pour justifier sa demande de nouveau titre de séjour effectuée en vue de saisir l'office français de protection des réfugiés et apatrides d'une demande de réexamen de son dossier, l'intéressé a fait état d'un avis de recherche lancé à son encontre par les autorités mauritaniennes pour activités subversives ; que, toutefois, le document qu'il a fourni à l'appui de sa demande, émis six ans après son départ de Mauritanie et dont l'authenticité ne peut être retenue, l'intéressé ayant déjà fait usage de documents falsifiés, n'était pas suffisamment probant pour établir la réalité d'un fait nouveau de nature à justifier une nouvelle demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié ; que, par suite, cette demande relevait des dispositions susvisées de l'article L. 741-4-4° ; que contrairement à ce que soutient M. X, il appartenait au Préfet de police d'apprécier, sous le contrôle du juge, l'authenticité et le caractère probant des documents fournis afin de déterminer si la demande de l'intéressé tendant au réexamen de son statut de réfugié avait un caractère abusif ou dilatoire ; que dans ces conditions le PREFET DE POLICE a pu légalement, après avoir refusé l'admission au séjour de M. X , qui, ainsi qu'il été dit ci-dessus, s'est maintenu sur le territoire plus d'un mois après la notification le 27 mai 2005 de ce refus, décider sur le fondement du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sa reconduite à la frontière par une décision du 6 avril 2006 ; que, dès lors, le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 6 avril 2006 au motif que celui-ci aurait privé M. X de la possibilité de se maintenir en France jusqu'à une décision de la commission des recours des réfugiés ;
Considérant toutefois qu'il appartient au magistrat délégué, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant lui et devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant, que Mme Christine Y, chargée de mission auprès du sous-directeur de l'administration des étrangers de la préfecture de police, qui a signé l'arrêté attaqué, a reçu délégation de signature par un arrêté du préfet de police en date du 13 janvier 2006 publié au recueil des actes administratifs ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué manque en fait ;
Considérant que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. X, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivé ;
Considérant que M. X ne saurait en tout état de cause se prévaloir, à l'encontre de l'arrêté en date du 6 avril 2006 ordonnant sa reconduite à la frontière de l'irrégularité des démarches accomplies par l'administration postérieurement à la date de la décision attaquée ;
Considérant que si M. X fait état des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine en raison de son origine ethnique et de ses liens avec un groupe de réfugiés opposant au gouvernement mauritanien et se prévaut des dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen est inopérant à l'encontre de l'arrêté de reconduite à la frontière ; que s'il est opérant à l'encontre de la décision distincte, contenue dans l'article 2 de l'arrêté, prévoyant sa reconduite à destination du pays dont il a la nationalité, il ne démontre pas par les documents qu'il produit, notamment par le document mentionné plus haut, le bien fondé de ses allégations, déjà examinées pour le reste par l'OFPRA et la commission de recours des réfugiés ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;
Considérant que M. X dont la femme et les cinq enfants résident au Sénégal n'établit pas que l'arrêté attaqué aurait porté à son droit à mener une vie familiale normale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris ; que ledit arrêté n'est dès lors pas contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté de reconduite à la frontière ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution particulière ; qu'il n'y a pas lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer la situation de M. X ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 24 mai 2006 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Paris et les conclusions présentées devant la cour par M. X sont rejetées.
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N° 06PA02500