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22/12/2006 | FRANCE | N°06PA00609

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, Juge des reconduites à la frontière, 22 décembre 2006, 06PA00609


Vu la requête, enregistrée le 14 février 2006, présentée pour Mme Luz Marina Y, demeurant ..., par Me Vidal ; Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0519657 du 10 janvier 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 novembre 2005 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, sous astreinte, de lui délivrer un titre de

séjour ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1000 euros au titre de l'article ...

Vu la requête, enregistrée le 14 février 2006, présentée pour Mme Luz Marina Y, demeurant ..., par Me Vidal ; Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0519657 du 10 janvier 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 novembre 2005 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, sous astreinte, de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le décret n° 95 ;304 portant publication de la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision en date du 1er septembre 2006 par laquelle le président de la cour a délégué les pouvoirs qui lui sont attribués par l'article L. 512-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile modifié à Mme Régnier-Birster ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 décembre 2006 :

- le rapport de Mme Régnier-Birster, magistrat délégué ;

- les observations de Me Vidal ;

- les conclusions de Mme Giraudon, commissaire du gouvernement ;

Considérant, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « l'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3°) Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Luz Marina Y, de nationalité colombienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 3 octobre 2005, de la décision du préfet de police du 25 septembre 2005 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant qu'indépendamment de l'énumération, donnée par les articles L. 511-4 et L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi ou un accord international prescrivent que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse être légalement l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;

Considérant qu'il est constant que Mme Y, après le décès ou la disparition de plusieurs membres de sa famille en Colombie, est entrée en 2000 en France où elle a été rejoint peu après par son compagnon et leur fille née en 1993 ; qu'un deuxième enfant est né de leur union en 2002 ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des témoignages produits, que Mme Y et sa famille, d'abord hébergés par des parents, ont noué ultérieurement des liens personnels en France leur permettant d'y être intégrés ; que leurs deux enfants sont scolarisés, l'une depuis 2001, l'autre depuis 2005 ; que dès lors, dans les circonstances particulières de l'espèce, et nonobstant le fait que le père de l'intéressée soit demeuré en Colombie, l'arrêté attaqué a porté au droit de Mme Y au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue duquel il a été pris, et méconnaît de ce fait les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il résulte de ce qui précède que Mme Y est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions à fin de régularisation de la situation administrative des intéressés :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé » ; que l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : « Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé,(…) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas » ;

Considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe à l'autorité administrative, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet de police de se prononcer sur la situation de Mme Y dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Mme Y d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0519657 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris du 10 janvier 2006 et l'arrêt de reconduite à la frontière du préfet de police du 21 novembre 2005 sont annulés.

Article 2 : Le préfet de police statuera sur la situation de Mme Y dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à Mme Y une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Luz Marina Y, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et au préfet de police.

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N° 06PA00609


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 06PA00609
Date de la décision : 22/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Françoise REGNIER-BIRSTER
Rapporteur public ?: Mme GIRAUDON
Avocat(s) : VIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-12-22;06pa00609 ?
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