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29/11/2006 | FRANCE | N°03PA01649

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre - formation a, 29 novembre 2006, 03PA01649


Vu, enregistrée au greffe de la cour le 18 avril 2003, la requête présentée pour la SOCIETE COOPERATIVE DE PRODUCTION AUX NETTOYEURS ENCAUSTIQUEURS REUNIS (SCOP ANER), dont le siège est 34, rue de la Prévoyance 75019 Paris, par Me Guiroy ; la SCOP ANER demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 18 février 2003 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 1988 à 1991 ainsi qu' a

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Vu, enregistrée au greffe de la cour le 18 avril 2003, la requête présentée pour la SOCIETE COOPERATIVE DE PRODUCTION AUX NETTOYEURS ENCAUSTIQUEURS REUNIS (SCOP ANER), dont le siège est 34, rue de la Prévoyance 75019 Paris, par Me Guiroy ; la SCOP ANER demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 18 février 2003 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 1988 à 1991 ainsi qu' au titre des exercices clos en 1992 et 1993 et, d'autre part, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 1988 au 30 septembre 1991 et de la période du 1er octobre 1992 au 30 septembre 1993 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de lui accorder la somme de 20 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

…………………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2006 :

- le rapport de M. Magnard, rapporteur,

- les observations de Me Guiroy, pour la SCOP ANER,

- et les conclusions de M. Evgenas, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite de deux vérifications de comptabilité successives de la SOCIETE COOPERATIVE DE PRODUCTION AUX NETTOYEURS ENCAUSTIQUEURS REUNIS (SCOP ANER) ayant porté successivement en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés sur la période du 1er octobre 1988 au 30 septembre 1991, puis sur celle du 1er octobre 1991 au 30 septembre 1993, l'administration a estimé que les honoraires versés par cette société au cours des exercices clos de 1989 à 1993 à M. Jean-Claude X et aux sociétés Socopap, Communication et service, FMJ Conseil Entreprise et Gerfi étaient injustifiés ; qu'elle a réintégré en conséquence les sommes correspondantes dans le résultat imposable de chacun des exercices concernés et remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante ; qu'après avoir invité la SCOP ANER en application de l'article 117 du code général des impôts à faire connaître dans un délai de trente jours à compter de la réception de la notification de redressement du 19 avril 1995 les bénéficiaires des honoraires payés à M. X et aux sociétés Socopap et Gerfi au cours des exercices clos en 1992 et 1993 qu'elle a regardés comme des bénéfices distribués, l'administration a en outre appliqué à la SCOP ANER, en l'absence de réponse de celle-ci, la pénalité prévue à l'article 1763 A de ce code ; qu'elle a enfin remis en cause une provision pour créance douteuse d'un montant de 78.000 F constituée par la SCOP ANER au cours de l'exercice clos le 30 septembre 1992 ; que, par le jugement attaqué, rendu le 18 février 2003, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la SCOP ANER tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de ces redressements ainsi que de l'amende pour défaut de désignation des bénéficiaires de distributions occultes prévue à l'article 1763 A du code général des impôts ;

Sur le bien fondé des impositions litigieuses :

En ce qui concerne les commissions versées par la SCOP ANER à M. Jean-Claude X et aux sociétés Socopap, Communication et service, FMJ Conseil Entreprise et Gerfi :

Considérant d'une part qu'aux termes de l'article 272-2 du code général des impôts : «La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies à l'article 283-4 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture ou le document en tenant lieu» ; qu'aux termes de l'article 283-4 du même code : «Lorsque la facture ou le document ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de service ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée» ; qu'aux termes de l'article 223-1 de l'annexe II audit code : «La taxe dont les entreprises peuvent opérer la déduction est celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs fournisseurs » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucune marchandise ou prestation de services ou qui n'était pas le fournisseur réel de la marchandise ou de la prestation effectivement livrée ou exécutée ; que, dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et se présentait à ses clients comme assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, sans qu'il soit manifeste qu'il n'aurait pas rempli les obligations l'autorisant à faire figurer cette taxe sur ses factures, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ;

Considérant, d'autre part, que dans le cas où une entreprise, à laquelle il appartient toujours de justifier, tant du montant de ses charges que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est à dire du principe même de leur déductibilité, justifie d'une charge comptabilisée par une facture émanant d'un fournisseur, il incombe à l'administration, si elle entend refuser la déduction de cette charge, d'établir que la marchandise ou la prestation de services facturée n'a pas été réellement livrée ou exécutée ;

Considérant que les écritures de charge et la déduction de taxe sur la valeur ajoutée litigieuses correspondant à des honoraires versés à M. Jean-Claude X et aux sociétés Socopap, Communication et service, Fjm Conseil Entreprise et Gerfi ;

Considérant que les honoraires versés à M. X se sont élevés à 415 587 F, 359 899 F, 402 446 F, 142 760 F et 117 989 F pour les exercices clos respectivement en 1989, 1990, 1991, 1992 et 1993 ; que ces sommes ont été payées en exécution d'une convention conclue entre les parties le 12 mars 1987 confiant à M. X « une mission de prospection et d'assistance commerciale auprès des maîtres d'ouvrage pour la recherche et l'obtention de marchés de prestations de services, rémunérée par des honoraires dont le taux serait à déterminer affaire par affaire et par convention particulière» ; que le montant annuel des honoraires de M. X pour l'exécution de cette mission a été fixé par les avenants successifs à cette convention ; que ceux versés à la société Socopap s'élevant à 119 368 F, 126 054 F et 109 356 F pour les exercices clos respectivement en 1989, 1990 et 1991 ont été payés en exécution de conventions particulières à un protocole d'accord général désignant les marchés publics pour l'attribution desquels était confiée à cette société une mission d'assistance et de conseil ; qu'enfin, les sommes versées par la requérante à la société Gerfi d'un montant de 48 000F pour l'exercice clos en 1992 et 48 000F pour l'exercice clos en 1993 ont été payées en exécution d'une mission de prospection et d'assistance commerciale définie par une convention produite au dossier et comportant la recherche et l'obtention de marchés correspondant à la nature de son activité contre une rémunération comprenant une indemnité mensuelle et des honoraires calculés pour chaque affaire traitée à raison d'un pourcentage fixé à 1 % du montant du marché obtenu ;

Considérant que si l'administration fait valoir que ces conventions et les factures émises par M. X et les sociétés Socopap et Gerfi pour avoir paiement des honoraires en cause sont trop imprécises pour justifier la réalité des prestations, la réalité de leur entremise commerciale est corroborée par la hausse importante du chiffre d'affaires réalisé par la société requérante, notamment à partir de l'exercice clos en 1989, avec les offices publics d'HLM de Paris et de la Seine-Saint-Denis ; que, dans ces circonstances, et alors même que les interventions des intéressés présenteraient un caractère illicite au regard de la réglementation des marchés publics, le lien entre les commissions effectivement versées et l'obtention des marchés doit être regardé comme établi ; que, compte tenu de la nature des prestations fournies par les intéressés, celles-ci n'avaient pas à donner nécessairement lieu à un rapport d'exécution ni à un quelconque document écrit ; qu'enfin, il n'est pas contesté que la SCOP ANER a procédé au règlement des honoraires facturés ; que, dès lors, la réalité des prestations en cause doit être regardée comme établie ; que l'administration ne pouvait par suite, réintégrer dans le montant des bénéfices de la SCOP ANER pour les exercices clos de 1989 à 1993 les honoraires versés tant à M. X qu'aux sociétés Socopap et Gerfi ni remettre en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante ;

Considérant en revanche que, s'agissant des honoraires versés au cours de l'exercice clos en 1989 à la société Communication et services d'un montant de 204 000 F et à la société Fjm Conseil entreprise d'un montant de 55 000 F , eu égard à l'absence de toute précision concernant le cadre dans lequel lesdites sociétés sont intervenues et notamment les contrats en exécution desquels elles ont été rémunérées, l'administration doit être regardée comme établissant que les prestations de services facturées par ces entreprises n'ont pas été réellement exécutées ;

En ce qui concerne la provision pour créance douteuse :

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu du 1 de l'article 209 du même code : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... notamment : ... 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables … » ; que pour contester le redressement résultant de la remise en cause de la provision pour créance douteuse constituée au titre de l'exercice clos en 1992 pour un montant de 76 000F correspondant au solde demeuré impayé d'un marché de nettoyage réalisé pour le compte de la ville d'Athis-Mons, la SCOP ANER, qui n'est pas en mesure d'indiquer les raisons du défaut de paiement de cette créance se prévaut exclusivement de l'ancienneté de celle-ci ; que, contrairement à ce qu'elle soutient, le délai supérieur à quinze ans pendant lequel cette créance est restée impayée n'est pas par lui-même de nature à justifier la constitution de la provision en litige ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729-1 du code général des impôts : « Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40% si la mauvaise foi de l'intéressé est établie... »;

Considérant qu'en se bornant à faire état de l'absence de pièces justificatives sérieuses à l'appui des commissions versées au cours de l'exercice 1989 aux sociétés Communication et services et Fjm Conseil entreprise, l'administration ne démontre pas, eu égard notamment au montant desdites commissions, l'intention délibérée de la SCOP ANER d'éluder l'impôt ;

Considérant qu'il suit de là que la SCOP ANER est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a refusé de réduire les bases de l'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre des exercices clos de 1989 à 1993 à concurrence du montant des honoraires en litige versés à M. Mery et aux sociétés Socopap et Gerfi, soit respectivement 534 955 F , 485 853 F, 511 802 F, 190 760 F et 165 989 F, et de la décharger en conséquence, en droits et pénalités des compléments d'impôt sur les sociétés correspondants, de l'amende prévue à l'article 1763 A du code général des impôts qui lui a été infligée pour les exercices clos en 1992 et 1993 , ainsi que des majorations de 40 % qui lui ont été appliquées au titre de l'exercice clos en 1989 et du rappel de taxe sur la valeur ajoutée procédant de la remise en cause de la déduction de la taxe ayant grevé ces honoraires ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'affaire, de faire application des dispositions susvisées et de condamner l'Etat à verser à la SCOP ANER la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les bases de l'impôt sur les sociétés auxquelles la SOCIETE COOPERATIVE DE PRODUCTION AUX NETTOYEURS ENCAUSTIQUEURS REUNIS (SCOP ANER) a été assujettie au titre des exercices clos en 1989, 1990, 1991, 1992 et 1993 sont réduites respectivement des sommes de 534 955 F, 485 853 F, 511 802 F, 190 760 F et 165 989 F.

Article 2 : La SCOP ANER, est déchargée en droits et pénalités, des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos de 1989 à 1993 à concurrence de la réduction de ses bases d'imposition définie à l'article 1er et de l'amende à laquelle elle a été assujettie au titre des exercices 1992 et 1993 en application de l'article 1763 A du code général des impôts.

Article 3 : La SCOP ANER est déchargée du surplus des pénalités de mauvaise foi qui lui ont été appliquées au titre de l'exercice clos en 1989.

Article 4 : La SCOP ANER est déchargée des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période comprise entre le 1er octobre 1988 et le 30 septembre 1993 à concurrence du montant de la taxe ayant grevé les honoraires versés à à M. X et aux sociétés Socopap et Gerfi.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SCOP ANER est rejeté.

Article 6 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 18 février 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

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N° 03PA01649


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre - formation a
Numéro d'arrêt : 03PA01649
Date de la décision : 29/11/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés FARAGO
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme EVGENAS
Avocat(s) : GUIROY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-11-29;03pa01649 ?
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