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24/11/2006 | FRANCE | N°04PA02479

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre - formation b, 24 novembre 2006, 04PA02479


Vu la requête et le mémoire, enregistrés le 13 juillet et le 15 octobre 2004, présentés pour la société anonyme FRANCAISE DE SERVICES, dont le siège social est situé 1, avenue Sonia Delaunay à Champigny-sur-Marne (94506), représentée par son président directeur général en exercice, par Me Daval, avocat ; la société FRANCAISE DE SERVICES demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 25 mars 2004 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont ét

é réclamés pour la période d'avril 1994 à décembre 1997, des droits supplément...

Vu la requête et le mémoire, enregistrés le 13 juillet et le 15 octobre 2004, présentés pour la société anonyme FRANCAISE DE SERVICES, dont le siège social est situé 1, avenue Sonia Delaunay à Champigny-sur-Marne (94506), représentée par son président directeur général en exercice, par Me Daval, avocat ; la société FRANCAISE DE SERVICES demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 25 mars 2004 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période d'avril 1994 à décembre 1997, des droits supplémentaires de taxe d'apprentissage et de participation à la formation professionnelle continue qui lui ont été réclamés pour la période de janvier 1995 à décembre 1997 et des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1995, 1996 et 1997 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités dont elles ont été assorties ;

3°) de mettre les frais de l'instance à la charge de l'Etat ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2006 :

- le rapport de M. Dalle, rapporteur ;

- les conclusions de M. Bataille, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société FRANCAISE DE SERVICES fait appel du jugement en date du 25 mars 2004 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge de compléments de taxe sur la valeur ajoutée, d'impôt sur les sociétés, de taxe d'apprentissage et de participation à la formation professionnelle continue, qui lui ont été assignés après deux vérifications de comptabilité portant, l'une, sur la période du 1er avril 1994 au 31 décembre 1996, l'autre, sur la période du 1er janvier au 31 décembre 1997 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-3 du même code : Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-2 du même code : Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne. ;

Considérant qu'il ressort de l'examen du dossier de première instance que l'avis d'audience indiquait comme date d'audience le 11 mars 2004 ; qu'à défaut d'une ordonnance fixant la clôture de l'instruction, celle-ci est intervenue le 7 mars 2004 à minuit ; que la société FRANCAISE DE SERVICES a déposé un mémoire en réplique, qui contenait des moyens nouveaux, le 6 mars 2004 ; que le tribunal ne pouvait rejeter la demande de la société FRANCAISE DE SERVICES sans avoir communiqué ce dernier mémoire à l'administration et sans avoir laissé à celle-ci un délai suffisant pour répondre ; que le tribunal a communiqué ce mémoire à l'administration fiscale le 8 mars 2004, trois jours avant l'audience ; que la société requérante est dès lors fondée à soutenir qu'en procédant de la sorte, le Tribunal a méconnu les dispositions précitées de l'article R. 611-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société FRANCAISE DE SERVICES devant le tribunal administratif ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le chef des services fiscaux :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article R* 199-1 du livre des procédures fiscales, les requêtes doivent être introduites devant le tribunal administratif dans les deux mois à partir du jour de la réception de la décision prise par l'administration sur la réclamation préalable du contribuable ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la requérante a reçu le 1er juin 2001 les décisions par lesquelles l'administration a rejeté sa réclamation relative à la taxe d'apprentissage et a partiellement rejeté celle afférente à la participation des employeurs à la formation professionnelle continue concernant les années 1995 à 1997 ; que le délai dont disposait l'intéressée pour saisir le tribunal administratif expirait, en application des dispositions précitées du livre des procédures fiscales, le 2 août 2001 ; que, par suite, la requête enregistrée au greffe du tribunal est tardive pour ce qui concerne les impositions susvisées et donc irrecevable en tant qu'elle tend à leur décharge ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L 47 du livre des procédures fiscales : « … une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix… L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'avis de vérification de comptabilité adressé le 3 février 1998 à la société FRANCAISE DE SERVICES précisait que le vérificateur se présenterait le 27 février 1998 au siège social de l'entreprise, en vue de vérifier l'ensemble des déclarations fiscales ou opérations susceptibles d'être examinées et portant sur la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1996 ; qu'ayant été informé que l'exercice clos le 31 décembre 1995 avait débuté le 1er avril 1994, le service a adressé le 26 février 1998 par télécopie à la société un courrier précisant à cette dernière que la vérification de comptabilité porterait sur l'intégralité des exercices clos en 1995 et 1996 et que l'entrevue prévue pour le 27 février 1998 serait une simple prise de contact, la présentation des pièces comptables étant remise à une date ultérieure, à fixer d'un commun accord ;

Considérant que la société requérante soutient que la procédure est irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été avisée dans un délai raisonnable de ce que la vérification porterait sur une période plus étendue que celle indiquée dans l'avis de vérification et qu'un nouvel avis de vérification ne lui a pas été adressé ; que, toutefois, il ne résulte pas des pièces du dossier que l'examen au fond des pièces comptables aurait débuté lors de la réunion du 27 février 1998 et que la société FRANCAISE DE SERVICES n'aurait ainsi pas disposé d'un délai suffisant pour avertir son conseil des modifications résultant du courrier du 26 février 1998 en ce qui concerne la période contrôlée ; que, par ailleurs, l'administration, qui avait décidé de reporter le début des opérations de vérification, n'était pas tenue d'envoyer ou de remettre au contribuable un avis de vérification rectificatif mais seulement d'informer celui-ci en temps utile par tous moyens de la date de report du début des opérations de vérification, afin de lui permettre de se faire assister d'un conseil ; qu'il ne résulte pas de l'instruction et qu'il n'est pas allégué par la requérante que cette condition n'aurait pas été respectée en l'espèce par l'administration ;

Considérant, par ailleurs, que l'administration a diligenté simultanément en 1998 deux vérifications de comptabilité à l'encontre de la société FRANCAISE DE SERVICES, l'une, susmentionnée, portant sur la période du 1er avril 1994 au 31 décembre 1996, l'autre sur la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1997 ; que le moyen tiré de ce que « les deux opérations de contrôle ont été confondues » est dépourvu des précisions permettant d'en apprécier la portée ; qu'en tout état de cause, aucune disposition légale ne s'oppose à ce que les redressements envisagés à la suite de vérifications de comptabilité portant sur des périodes successives annoncées dans deux avis distincts soient notifiés dans une seule notification de redressements ;

Considérant, enfin, qu'en ce qui concerne le redressement relatif à la taxe sur la valeur ajoutée non déductible, afférente aux prestations qu'auraient rendues à la société FRANCAISE DE SERVICES l'entreprise Itier Protection, la notification de redressements est suffisamment motivée, au regard de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dès lors qu'elle précise clairement les raisons pour lesquelles la réalité des prestations rendues par cette entreprise ne peut être regardée comme établie ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée collectée :

Considérant que, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, il y a lieu d'écarter les moyens soulevés par la société FRANCAISE DE SERVICES, relatifs à la remise en cause par le service des montants de taxe sur la valeur ajoutée collectée par la société au cours de la période en litige ;

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée déductible et l'impôt sur les sociétés :

Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 272, 2 et 283, 4 du code général des impôts et de l'article 223, 1 de l'annexe II à ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la TVA dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucune marchandise ou prestation de services ; que dans le cas où l'auteur de la facture est régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et se présente à ses clients comme assujetti à la TVA, sans qu'il soit manifeste qu'il n'aurait pas rempli les obligations l'autorisant à faire figurer cette taxe sur ses factures, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agit d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que, par ailleurs, dans le cas où une entreprise, à laquelle il appartient toujours de justifier, tant du montant de ses charges que de la correction de leur inscription en comptabilité, justifie d'une charge comptabilisée par une facture émanant d'un fournisseur, il incombe à l'administration, si elle entend refuser la déduction de cette charge, d'établir que la marchandise ou la prestation de services facturée n'a pas été réellement livrée ou exécutée ;

Considérant que la société FRANCAISE DE SERVICES, qui exerçait une activité de nettoyage de locaux, a déduit de la taxe due au titre de ses opérations imposables la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur des factures émises par une entreprise « Itier Protection », correspondant à des prestations d'organisation, d'encadrement et de contrôle de chantiers ; qu'elle a par ailleurs déduit le montant de ces factures de ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés ;

Considérant que l'administration a relevé que la société FRANCAISE DE SERVICES n'avait pu justifier de la réalité des prestations rendues par l'entreprise Itier Protection par la production de documents ou de comptes rendus écrits ; que les documents produits par la requérante en réponse à la notification de redressements laissaient seulement apparaître que Y était « chef de secteur » au sein de la société FRANCAISE DE SERVICES mais non qu'il aurait agi comme prestataire de services indépendant ; que Y utilisait des numéros « Siret » ne correspondant pas à l'activité alléguée d'encadrement et de contrôle de chantiers mais à une activité de gardiennage exercée jusqu'en 1994, par X, et à une activité de plomberie exercée par lui jusqu'en 1986 ; que Y n'avait signalé son existence aux services fiscaux, en déclarant ses opérations des années 1995 à 1997, qu'en 1998, après le début de la vérification de comptabilité de la société FRANCAISE DE SERVICES ; qu'eu égard aux différents éléments ainsi réunis par l'administration, qui tendent à établir que l'entreprise « Itier Protection » n'avait pas d'existence et qu'elle n'a pas pu accomplir de prestations au profit de la société requérante, il appartient à celle-ci de justifier que les factures établies à son nom par l'entreprise « Itier Protection » correspondent à des prestations réellement exécutées par cette entreprise ; qu'elle n'apporte pas cette preuve en se bornant à soutenir que Y a régularisé sa situation fiscale en 1998 en déclarant, pour chacune des années 1995, 1996 et 1997, le montant des recettes réalisées par lui avec la société FRANCAISE DE SERVICES et avec ses autres clients ;

Sur les pénalités :

Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition légale ni aucun principe n'impose à l'administration de répondre aux observations du contribuable relatives aux sanctions fiscales qui lui ont été assignées ; que les dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales n'ayant pour objet que de limiter les droits de l'administration de procéder à un rehaussement des bases d'imposition et ne concernant donc pas les pénalités, la société requérante ne peut invoquer utilement, pour demander la décharge des pénalités de mauvaise foi qui lui ont été infligées, la documentation administrative 13 L-1611 n° 16, à jour au 1er avril 1995 ; qu'en tout état de cause, cette doctrine n'impose pas à l'administration de répondre aux observations émises par le contribuable quant aux pénalités mises à sa charge ;

Considérant, en deuxième lieu, que les insuffisances en matière de taxe sur la valeur ajoutée collectée ont été constatées pour les trois années vérifiées ; que la société FRANCAISE DE SERVICES avait déjà fait l'objet d'un redressement analogue à la suite d'une précédente vérification de comptabilité ; qu'elle ne pouvait ignorer le caractère fictif des prestations facturées par l'entreprise « Itier Protection » ; qu'elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que les impositions litigieuses ont été à tort assorties de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts ;

Considérant, en troisième lieu, que les intérêts de retard prévus au premier alinéa de l'article 1727 du code général des impôts s'appliquent indépendamment de toute appréciation portée par l'administration fiscale sur le comportement du contribuable et n'ont, dès lors, pas le caractère d'une sanction mais constituent, même pour la part qui excéderait l'application du taux d'intérêt légal, une réparation du préjudice subi par le Trésor public à raison du non respect par le contribuable de ses obligations déclaratives ; que, dès lors, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de l'absence de motivation de la part des intérêts de retard excédant l'application du taux d'intérêt légal pour en demander la décharge ; qu'elle ne peut pas non plus invoquer, pour contester cette fraction des intérêts, des dispositions de la charte du contribuable, résultant d'une rédaction de cette charte postérieure à la mise en recouvrement de ces intérêts ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin de décharge présentées par la société FRANCAISE DE SERVICES doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à que les frais, d'ailleurs non chiffrés, supportés par la société FRANCAISE DE SERVICES soient mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société FRANCAISE DE SERVICES devant le Tribunal administratif de Melun est rejetée.

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N° 04PA02479


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 04PA02479
Date de la décision : 24/11/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ESTEVE
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: M. BATAILLE
Avocat(s) : DAVAL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-11-24;04pa02479 ?
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