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08/11/2006 | FRANCE | N°03PA00657

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre - formation a, 08 novembre 2006, 03PA00657


Vu l'arrêt avant dire droit, en date du 28 décembre 2005, par lequel la cour de céans a prescrit une expertise avant de statuer sur les conclusions de la requête du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE VILLENEUVE-SAINT-GEORGES qui demandait à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 7 novembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Melun l'a déclaré responsable des conséquences dommageables du retard avec lequel le diagnostic du cancer dont souffrait Mme Y a été posé, l'a condamné à verser à cette dernière la somme de 33 000 euros au titre de ses différents p

réjudices et à l'Etat, la somme de 90 641, 04 euros au titre du préjud...

Vu l'arrêt avant dire droit, en date du 28 décembre 2005, par lequel la cour de céans a prescrit une expertise avant de statuer sur les conclusions de la requête du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE VILLENEUVE-SAINT-GEORGES qui demandait à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 7 novembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Melun l'a déclaré responsable des conséquences dommageables du retard avec lequel le diagnostic du cancer dont souffrait Mme Y a été posé, l'a condamné à verser à cette dernière la somme de 33 000 euros au titre de ses différents préjudices et à l'Etat, la somme de 90 641, 04 euros au titre du préjudice matériel et a mis à sa charge les frais d'expertise ;

2°) de rejeter les demandes de Mme Y et de l'Etat présentées devant le tribunal administratif ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin de déterminer l'étendue des préjudices réparables consécutifs au seul retard de diagnostic reproché au CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE VILLENEUVE-SAINT-GEORGES ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, de réduire les demandes de Mme Y et de l'Etat à de plus justes proportions ;

5°) de condamner Mme Y à lui payer la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, en date respectivement du 8 février 2006 et du 21 mars 2006, les ordonnances du président de la cour de céans désignant en qualité d'expert le professeur , cancérologue et en qualité de sapiteur le docteur , radiologue ;

Vu le rapport d'expertise, enregistré le 29 mai 2006, remis par le professeur et le docteur ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2006 :

- le rapport de M. Boulanger, rapporteur,

- les observations de Me Cosme pour le CENTRE HOSPITALIER INTECOMMUNAL DE VILLENEUVE-SAINT-GEORGES,

- et les conclusions de Mme Folscheid, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte du rapport de l'expertise du professeur et du sapiteur auquel il a eu recours, le docteur , que les clichés de mammographie effectués en 1993 et 1994 par le docteur B, radiologue, étaient techniquement satisfaisants ; qu'aucune anomalie n'a alors été relevée par ce praticien, conforté dans sa lecture rassurante de ces mammographies par des échographies confirmant le caractère kystique du nodule palpé dans le sein droit : que les experts relèvent toutefois que l'image spiculée dans le cadrant supéro-externe du sein droit visible sur ces clichés, ignorée par le praticien qui n'a ni signalé cette image sur ses comptes rendus ni envisagé d'examens complémentaires, si elle n'est pas nécessairement de nature cancéreuse est cependant compatible avec une image de cancer ; qu'elle pouvait, dès lors, attirer l'attention et justifier dès 1993 ou au plus tard en 1994, d'autres gestes tels que des clichés sous d'autres incidences ou des clichés en compression, en l'absence d'IRM alors indisponible : qu'ils contestent en revanche la nécessité d'investigations supplémentaires pour la recherche d'un cancer, du fait de la présence de micro-calcifications mentionnées dans ces comptes rendus, de même que le recours à une biopsie du nodule du sein droit, contrairement à ce qu'ont prétendu les experts désignés par les premiers juges, la patiente souffrant depuis 1990, antérieurement à son cancer, d'une dystrophie polykystique des seins, pathologie bénigne, chronique et non constamment douloureuse, qui doit être économe de gestes invasifs ; qu'enfin le professeur et le docteur récusent tout lien de causalité entre le retard au diagnostic du cancer du sein et la survenue du cancer à gauche, avant de confirmer le retard fautif du diagnostic, par rapport à ce qui aurait été possible, retard qu'ils associent à une perte de chance statistique, significative dans l'hypothèse où le cancer aurait été exempt d'atteinte ganglionnaire deux ans plus tôt ; que ces experts relèvent certes que le retard dans l'établissement du diagnostic reproché au centre hospitalier s'explique au moins pour partie par le caractère rassurant du compte rendu du médecin radiologue, de surcroît parfaitement concordant avec l'histoire de la mastopathie kystique de Mme Y, bien connue du praticien hospitalier, le docteur C qui la suivait ; que, toutefois, si le docteur B, radiologue privé a sans doute sous-évalué les résultats des examens pratiqués, induisant ainsi en erreur le praticien hospitalier, il incombait au docteur C, gynécologue et chef de service, s'il a examiné les clichés, de déceler les signes qui seront vus et par le docteur D et par les différents experts consultés, et au besoin de rechercher l'avis du praticien hospitalier spécialiste de l'imagerie médicale ; que pour contester le jugement entrepris qui le déclare entièrement responsable des conséquences dommageables de l'erreur de diagnostic et du retard dans la mise en place d'un traitement approprié, le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE VILLENEUVE-SAINT-GEORGES ne peut ainsi se prévaloir d'une faute imputable à un tiers, de nature à atténuer sa responsabilité ;

Considérant que les experts désignés par le président de la cour insistent surtout sur l'importance du préjudice moral subi par Mme Y, qui a eu le sentiment d'avoir été « mal écoutée et mal prise en charge » avant de relever que si Mme Y a « peut être subi un préjudice en matière d'alourdissement du traitement….ceci est loin d'être certain » et « qu'on ne peut affirmer que le poids des séquelles subies ait été aggravé par le retard du diagnostic » ; que toutefois, cette erreur de diagnostic et le retard consécutif dans la mise en oeuvre du traitement approprié ont eu des conséquences quant à l'importance des interventions et des traitements mis en oeuvre, notamment quant à la durée et à la fréquence des séances de chimiothérapie que l'intéressée a du subir ; qu'il y a lieu d'évaluer, selon les règles de droit commun, le dommage directement imputable à l'erreur et au retard de diagnostic et de soins ; que, compte tenu, d'une part, des troubles directement imputables à la maladie de Mme Y, laquelle a en elle-même nécessité la mise en place de thérapeutiques lourdes telles que la chirurgie bilatérale et la radiothérapie mais également, d'autre part, du retard de diagnostic et de mise en oeuvre du traitement qui a entraîné, notamment, la mise en oeuvre d'une chimiothérapie lourde (six cures) peut-être évitable, le tribunal a fait une juste appréciation des faits de l'espèce en mettant à la charge du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE VILLENEUVE-SAINT-GEORGES la moitié des préjudices indemnisables ;

Sur l'évaluation du préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, l'Etat établit avoir maintenu l'intégralité de la rémunération de Mme Y durant la période de congés de maladie ou de reprise d'activité pour un mi-temps thérapeutique et justifie lui avoir versé à ce titre une somme de 181 282, 08 euros ; qu'il a droit à en obtenir le remboursement, dans la limite de la part relative aux seuls dommages nés du retard de diagnostic susvisé, en application des dispositions de l'ordonnance du 7 janvier 1959 modifiée, relative aux actions en réparation civile de l'Etat, aux termes de laquelle l'Etat est fondé à solliciter du tiers responsable, le remboursement des prestations maintenues à l'un de ses agents consécutivement aux faits dommageable dont celui-ci a été la victime ;

Considérant par ailleurs, que les premiers juges ont fait une juste appréciation des faits de l'espèce en fixant à 9 000 euros le montant du préjudice afférent aux souffrances physiques subies par Mme Y, évaluées à 4,5 sur une échelle de 7 et à une somme globale de 57 000 euros, le préjudice moral qualifié d'important par les experts, le préjudice esthétique lié essentiellement à quatre cicatrices et les troubles de toute nature dans les conditions d'existence, comprenant le préjudice d'agrément, compte tenu notamment d'une période d'invalidité permanente totale de juillet 1996 au 20 septembre 1997, de l'incapacité permanente partielle évaluée à 30 % et des difficultés professionnelles, psychologiques et affectives rencontrées par Mme Y ;

Considérant que c'est à bon droit que les premiers juges ont mis à la charge du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE VILLENEUVE-SAINT-GEORGES la moitié du montant total des préjudices invoqués par Mme Y et par l'Etat, son employeur, soit la somme de 123 641, 04 euros, imputable à la seule faute de ce centre hospitalier ;

Sur les frais d'expertise exposés en appel :

Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 500 euros à la charge du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE VILLENEUVE-SAINT-GEORGES ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE VILLENEUVE-SAINT-GEORGES n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 7 novembre 2002, le Tribunal administratif de Melun l'a déclaré responsable des préjudices subis tant par Mme Y que par l'Etat, en raison de l'erreur de diagnostic et du retard consécutif dans la mise en oeuvre d'un traitement approprié à la pathologie de Mme Y et l'a condamné à indemniser la victime et l'Etat ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que celles tendant à ce que la cour ordonne la restitution des sommes déjà versées à Mme Y et à l'Etat, en exécution du jugement de première instance ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE VILLENEUVE-SAINT-GEORGES le paiement à Mme Y d'une somme de 2 000 euros au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE VILLENEUVE-SAINT-GEORGES est rejetée.

Article 2 : Les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 1 500 euros sont mis à la charge du CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE VILLENEUVE-SAINT-GEORGES.

Article 3 : Le CENTRE HOSPITALIER INTERCOMMUNAL DE VILLENEUVE-SAINT-GEORGES versera à Mme Y une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 03PA00657


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre - formation a
Numéro d'arrêt : 03PA00657
Date de la décision : 08/11/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme CARTAL
Rapporteur ?: M. Christian BOULANGER
Rapporteur public ?: Mme FOLSCHEID
Avocat(s) : SCPA DUMONT BORTOLOTTI COMBES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-11-08;03pa00657 ?
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