Vu la requête, enregistrée le 31 octobre 2005, présentée pour
M. Eduardo X, demeurant ..., par Me Froment-Meurice ; M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0424404/7 en date du 28 juillet 2005 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision en date du 20 septembre 2004 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rejeté sa demande tendant au versement de la somme de 7 683 880, 12 euros en réparation du préjudice subi par sa famille du fait de la spoliation de ses biens en Russie et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser ladite somme au même titre ;
2°) d'annuler la décision précitée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser au même titre la somme précitée assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 août 2004 ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le mémorandum d'accord du 26 novembre 1996 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie et l'accord entre les mêmes gouvernements en date du 27 mai 1997 relatifs au règlement définitif des créances réciproques financières et réelles apparues antérieurement au 9 mai 1945, publiés par le décret n° 98-366 du 6 mai 1998 ;
Vu la loi n° 97-1160 du 19 décembre 1997 autorisant l'approbation du mémorandum d'accord et de l'accord susvisés ;
Vu la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, et notamment son article 73 ;
Vu l'article 48 de la loi de finances rectificative pour 1999 (n° 99-1173 du 30 décembre 1999) ;
Vu le décret n° 98-552 du 3 juillet 1998 fixant les conditions de recensement des personnes titulaires de créances mentionnées à l'article 73 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses mesures d'ordre économique et financier ;
Vu le décret n° 2000-777 du 23 août 2000 pris pour l'application de l'article 48 de la loi de finances rectificative pour 1999 (n° 99-1173 du 30 décembre 1999) ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2006 :
- le rapport de M. Jarrige, rapporteur,
- les observations de Me Coulon-Petitfrère, pour M. X,
- et les conclusions de Mme Folscheid, commissaire du gouvernement ;
Sur la responsabilité pour faute :
Considérant que l'article 3 de l'accord du 27 mai 1997 entre la République française et la Fédération de Russie stipule que : « En qualité de règlement complet et définitif de toutes les créances financières et réelles réciproques apparues antérieurement au 9 mai 1945, la Partie russe verse à la Partie française, et la Partie française convient d'accepter, une somme d'un montant de quatre cents millions de dollars des Etats-Unis. (…) La Partie française assume la responsabilité exclusive du règlement des créances financières et réelles qu'elle a renoncé à soutenir conformément aux conditions du présent Accord ainsi que de la répartition des sommes perçues conformément au présent Accord entre les personnes physiques et morales françaises, conformément à la législation française en vigueur, sans que la responsabilité de la Partie russe soit engagée à aucun titre de ce fait » ; qu'aux termes de l'article 5 du même accord : « A compter de l'entrée en vigueur du présent accord, aucune des Parties n'entreprend à l'encontre de l'autre partie ou de personnes physiques et morales de l'Etat de l'autre Partie (ou du prédécesseur de l'Etat de l'autre Partie) d'actions sur la base de créances financières ou réelles de quelque nature que ce soit apparues antérieurement au 9 mai 1945 » ; qu'enfin, aux termes de l'article 7 dudit accord : « Le versement de la somme mentionnée à l'article 3 du présent Accord n'est pas réputé valoir reconnaissance par l'une ou l'autre Partie de l'existence d'une responsabilité lui incombant au titre de quelque créance que ce soit réglée par le présent Accord, ni valoir confirmation de la réalité juridique de l'une quelconque desdites créances. Chaque Partie jouit pleinement de la propriété des actifs restant sur le territoire de son Etat conformément aux conditions du présent Accord » ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des stipulations précitées qu'elles ont entendu apurer un contentieux entre la République française et la Fédération de Russie, le règlement des litiges liés aux créances entre les particuliers et chacun de ces Etats demeurant exclusivement de la compétence nationale ; qu'ainsi, les premiers juges n'ont entaché leur jugement d'aucune erreur de droit ou irrégularité en estimant que lesdites stipulations ne produisent pas d'effet direct à l'égard des particuliers, et n'ont notamment ni pour objet ni pour effet de les priver du droit à faire valoir leurs créances auprès de la Fédération de Russie ; que, de même, ils ont opposé à bon droit à M. X que ces stipulations n'avaient pas pour objet de réparer les préjudices subis par les détenteurs de telles créances, dont les victimes de spoliations ;
Considérant, en second lieu, que si l'Etat français a renoncé à soutenir vis-à-vis de la Fédération de Russie les créances des particuliers à compter de l'entrée en vigueur de l'accord du 27 mai 1997, la signature de cet accord n'est pas détachable de la conduite des relations internationales et n'est pas susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat français sur le terrain de la responsabilité pour faute ; qu'en tout état de cause, le préjudice qui pourrait résulter pour des particuliers du non recouvrement de leurs créances ne trouve pas son origine directe dans le fait de l'Etat français ;
Sur la responsabilité sans faute :
Considérant, en premier lieu, que le mémorandum d'accord du 26 novembre 1996 et l'accord du 27 mai 1997, dont les stipulations ne produisent pas d'effet direct à l'égard des particuliers, n'ont en eux-mêmes causé à M. X aucun préjudice dont il peut demander la réparation à l'Etat français sur le fondement de l'égalité des citoyens devant les charges publiques ;
Considérant, en second lieu, qu'il ressort des termes de l'article 48 de la loi du
30 décembre 1999 portant loi de finances rectificative et de ses travaux préparatoires que le législateur a entendu répartir la somme versée par la Fédération de Russie en application des stipulations de l'accord du 27 mai 1997 selon des modalités plus favorables aux détenteurs de valeurs mobilières et de liquidités qu'aux détenteurs d'autres créances ; qu'il a ainsi entendu exclure toute indemnisation complémentaire de ces derniers sur le fondement de l'égalité des citoyens devant les charges publiques ; que, par suite, M. X ne saurait demander sur ce fondement la réparation du préjudice qui lui aurait été causé par l'Etat du fait de l'édiction de ces règles d'indemnisation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision en date du 20 septembre 2004 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rejeté sa demande tendant au versement de la somme de 7 683 880, 12 euros en réparation du préjudice subi par sa famille du fait de la spoliation de ses biens en Russie et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser ladite somme au même titre ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
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N° 05PA04233