Vu la requête, enregistrée le 5 février 2003, présentée pour Mme Véronique X, demeurant ..., par Me Bibal ; Mme X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0003032/6 en date du 10 décembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris et de l'Etablissement français du sang à l'indemniser des préjudices subis à la suite de la contamination de son père, M. Marin X, par le virus de l'hépatite B ;
2°) de dire que l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris ou l'Etablissement français du sang sont responsables de cette contamination ;
3°) de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris ou l'Etablissement français du sang à lui payer une somme totale de 102 598, 19 euros au titre du préjudice résultant de la contamination subi par son père aujourd'hui décédé, la somme de 457, 35 euros correspondant à l'incapacité temporaire totale, la somme de 22 867, 35 euros aux troubles physiologiques, la somme de 76 224,51 euros à la diminution de sa qualité de vie, enfin la somme de
3 048, 98 euros au pretium doloris, ces sommes portant intérêt de droit et intérêts composés ;
4°) de condamner les mêmes parties à lui payer la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 671-1 (lire L. 761-1) du code de justice administrative ainsi que les dépens comprenant en particulier les frais d'expertise médicale ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive 85/374/CEE du conseil des communautés européennes du
25 juillet 1985 ;
Vu la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;
Vu la loi n° 2002-1577 du 30 décembre 2002 relative à la responsabilité médicale ;
Vu le code civil ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2006 :
- le rapport de M. Boulanger, rapporteur,
- les observations de Me Christin, pour Mme X, celles de Me Perinetti, pour l'Etablissement français du sang, et celles de Me Tsouderos, pour l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris,
- et les conclusions de Mme Folscheid, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que
M. X a demandé réparation à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris et à l'Etablissement français du sang, des conséquences dommageables d'une contamination par le virus de l'hépatite B diagnostiquée en 1996, qu'il estimait imputable à des transfusions de produits sanguins lors de l'intervention qu'il a subie en 1994 à l'hôpital Cochin ; que
Mme X, sa fille et unique héritière, a repris l'instance à la suite du décès de son père en 2001 et fait appel du jugement en date du 10 décembre 2002, par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de condamnation de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris et de l'Etablissement français du sang à l'indemniser des préjudices subis à la suite de la contamination de son père par le virus de l'hépatite B ;
Sur la responsabilité :
Considérant que M. X, âgé de 56 ans et atteint d'une cirrhose décompensée due à un éthylisme chronique, a bénéficié d'une greffe hépatique à l'hôpital Cochin le 14 décembre 1994 et a été transfusé durant les soins post-opératoires ; qu'à la suite de nombreux incidents notamment biliaires ayant suivi l'opération, une nouvelle hospitalisation a été nécessaire au cours du mois de mai 1995 ; qu'une hépatite chronique non évolutive de type B a été diagnostiquée avec certitude le 10 janvier 1996 ; que M. X est décédé le 15 septembre 2001 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X a été transfusé de deux culots globulaires le 21 décembre 1994, postérieurement à l'opération ; que l'Etablissement français du sang produit en appel les résultats de l'enquête transfusionnelle desquels il ressort que « le donneur du culot globulaire n° 5270638 a été contrôlé VHB négatif à l'occasion d'un don ultérieur en mai 1996 et (que) le donneur du culot globulaire n° 5467101 (a été contrôlé VHB négatif) au moment du don » ; que ces résultats ne sont pas contestés par Mme X qui ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 susvisée, relatives à la charge de la preuve en matière de contamination par le virus de l'hépatite C et non par le virus de l'hépatite B, et ne peut davantage invoquer l'absence d'enquête transfusionnelle ; que les donneurs en cause ne présentant pas d'antigène HBS et l'expert désigné par les premiers juges ayant retenu la contamination par le greffon comme étant l'hypothèse la plus vraisemblable, le lien de causalité entre la transfusion subie par M. X le 21 décembre 1994 et sa contamination par le virus de l'hépatite B n'est ainsi pas établi et la responsabilité de l'Etablissement français du sang ne peut être engagée ;
Considérant que si, sans préjudice d'éventuels recours en garantie, le service public hospitalier est responsable, même en l'absence de faute de sa part, des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance des produits et appareils de santé qu'il utilise, cette responsabilité sans faute ne saurait s'étendre aux organes transplantés qui ne constituent pas en tant que tels des « produits de santé » dont la défaillance pourrait le cas échéant engager la responsabilité de l'hôpital même sans faute ; qu'en outre, la transplantation à l'origine du présent litige étant intervenue le 14 décembre 1994, Mme X ne saurait, en tout état de cause et à supposer établi que le greffon implanté ait été contaminé, se prévaloir du régime général de responsabilité du fait des produits défectueux rendant tout fournisseur professionnel responsable du défaut de sécurité du produit dans les mêmes conditions que le producteur, dont les principes résultent des dispositions de la loi du 19 mai 1998 susvisée, transposée aux articles 1386-1 et suivants du code civil, lesquels n'étaient pas encore applicables, faute d'être entré en vigueur à la date de l'opération en cause ; que Mme X ne peut non plus se prévaloir de la directive européenne n° 85/374/CEE du 25 juillet 1985 susvisée, laquelle n'inclut pas dans son champ d'application des éléments tels que les organes internes du corps humain ; que, dès lors, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Paris a jugé que les opérations d'expertise n'ayant pas révélé de faute médicale, de soins ou dans l'organisation du service et, eu égard aux examens pratiqués sur le donneur, à l'état des connaissances médicales à la date de l'intervention et à l'état de santé de M. X nécessitant de manière vitale et urgente une greffe de foie, la responsabilité de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris ne pouvait être engagée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 10 décembre 2002, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'indemnisation ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que celles relatives aux frais d'expertise ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative précité, de mettre à la charge de Mme X le paiement à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris et à l'Etablissement français du sang, chacun, de la somme de 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.
Article 2 : Mme X versera à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris et à l'Etablissement français du sang chacun, une somme de 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
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N° 03PA00636