Vu la requête, enregistrée le 8 octobre 2003, présentée pour la société SUNSET, représentée par son gérant en exercice, dont le siège social est sis ..., par la SELARL Juris-Cal ; la société SUNSET demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 7 août 2003 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle Calédonie a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Nouméa à l'indemniser des préjudices subis à la suite de l'inondation de ses locaux le 2 octobre 2001 ;
2°) de condamner la commune de Nouméa à lui verser une somme de 17 211 000 FCFP au titre de ses pertes matérielles et une somme de 2 000 000 FCFP au titre de sa perte d'exploitation ;
3°) de condamner la commune de Nouméa à lui payer la somme de 250 000 FCFP au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) subsidiairement, de désigner un expert à l'effet de procéder à la vérification du préjudice allégué et à son estimation ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2006 :
- le rapport de M. Boulanger, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Folscheid, commissaire du gouvernement ;
Sur la responsabilité :
Considérant, que même en l'absence de faute, les personnes publiques sont responsables des dommages causés aux tiers par un ouvrage public, à moins que ce dommage soit imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté par les parties au litige, que l'inondation qui s'est produite dans les locaux de la société SUNSET, à l'occasion des précipitations orageuses qui se sont abattues dans la journée du 2 octobre 2001 sur la commune de Nouméa, a été causée par le débordement des eaux s'écoulant par le réseau d'évacuation des eaux pluviales passant sous la route des Portes de Fer à proximité desdits locaux, survenu non du fait de la montée en charge de la canalisation publique mais en raison de son obstruction par divers déchets qui s'y étaient accumulés ; qu'il n'est pas non plus contesté que l'inondation dont s'agit a causé des dommages à la société exposante qui ont d'ailleurs été constatés par voie d'huissier le lendemain ; que si ces inondations ont été la conséquence des précipitations importantes enregistrées ce jour-là à Nouméa, qui ont atteint une hauteur de 171 millimètres en 24 heures, dont notamment 110 millimètres entre 11 h 30 et 14 h 15, il n'est pas établi que ces précipitations aient présenté, par rapport à tous les précédents connus dans la région et alors même qu'elles auraient correspondu à une fréquence de retour de 36 ans, un caractère de violence imprévisible constitutif d'un cas de force majeure ; que si la commune de Nouméa fait en outre valoir que le comportement des riverains qui ont abandonné divers déchets à l'air libre lesquels ont été charriés par les eaux de ruissellement obstruant ainsi l'ouvrage dont s'agit, peut également avoir amplifié le phénomène constaté, cette circonstance ne saurait exonérer la commune de sa responsabilité vis ;à-vis de la société requérante à qui elle ne peut utilement opposer la faute de tiers ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, dans la mesure où il est établi que le sinistre dont s'agit trouve son origine dans un défaut d'entretien du réseau communal relevant de la responsabilité de la commune de Nouméa, la société SUNSET est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement en date du 7 août 2003, le Tribunal administratif de Nouvelle Calédonie a rejeté sa demande d'indemnisation ;
Sur les préjudices subis :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que le total des pertes matérielles correspondant aux stocks de l'entreprise, au matériel confié à celle-ci par sa clientèle pour réparation, aux appareils mis en dépôt et appartenant à la société Canal Satellite et au mobilier et matériel d'exploitation de la requérante s'élève à la somme réclamée en appel de 17 211 000 FCFP ; que toutefois, si le sinistre a nécessairement occasionné un manque à gagner pour la société, celle-ci s'est contentée de l'évaluer forfaitairement à la somme de 2 000 000 FCFP sans aucunement en justifier ; que ce chef de préjudice ne peut donc qu'être écarté ; que, dans ces conditions et sans qu'il soit besoin de faire procéder à la mesure d'expertise réclamée par la société SUNSET, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Nouméa une somme de 17 211 000 FCFP à titre de réparation des préjudices subis par la société requérante ;
Sur les conclusions d'appel en garantie formées par la commune de Nouméa à l'encontre de la société Calédonienne des eaux :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'inondation des locaux de la société requérante a été causée par un défaut d'entretien des ouvrages et non par l'insuffisante capacité du réseau communal dont l'amélioration et l'extension notamment en cas d'insuffisance des installations existantes relève de la commune ; qu'il ressort de l'examen du contrat d'exploitation par affermage du service de la distribution d'eau potable et de l'assainissement passé entre la commune de Nouméa et la société Calédonienne des eaux, que le fermier est chargé de la surveillance, du bon fonctionnement et de l'entretien de l'ensemble des ouvrages et canalisations enterrées constituant le réseau d'assainissement dont il doit assurer la désobstruction immédiate ainsi qu'un curage régulier et s'agissant des collecteurs à ciel ouvert, à l'exception des caniveaux en terre ou engazonnés, de leur entretien courant et de leur désobstruction en cas de mauvais écoulement des eaux pouvant provoquer une aggravation de la situation ; qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Nouméa est fondée à appeler en garantie la société Calédonienne des eaux et à demander que cette dernière soit condamnée à la garantir intégralement des condamnations prononcées contre elle par le présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société SUNSET qui n'est pas partie perdante, la somme que la commune de Nouméa demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Nouméa à verser à la société SUNSET une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nouvelle Calédonie du 7 août 2003 est annulé.
Article 2 : La commune de Nouméa est condamnée à verser à la société SUNSET une indemnité de 17 211 000 FCFP.
Article 3 : La commune de Nouméa est condamnée à verser à la société SUNSET une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La société Calédonienne des eaux garantira la commune de Nouméa de la totalité des condamnations prononcées à son encontre par le présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société SUNSET et des conclusions de la commune de Nouméa est rejeté.
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N° 03PA03967