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05/07/2006 | FRANCE | N°04PA02046

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 05 juillet 2006, 04PA02046


Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2004, présentée pour la SOCIETE ARTACREA, dont le siège est 105 rue de l'abbé D...à Paris (75015), par MeB... ; la SOCIETE ARTACREA demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 02-3591 en date du 25 mars 2004 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 2 octobre 1998, implicitement confirmée sur recours hiérarchique, par laquelle l'inspecteur du travail de la 4ème section de Seine-et-Marne a autorisé le licenciement de M. C...pour motif économique ;

2°) de rejeter la demande de M.C... ;

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°) de condamner M. C...aux entiers dépens ;

La SOCIETE ARTACREA fait valoir que le...

Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2004, présentée pour la SOCIETE ARTACREA, dont le siège est 105 rue de l'abbé D...à Paris (75015), par MeB... ; la SOCIETE ARTACREA demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 02-3591 en date du 25 mars 2004 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 2 octobre 1998, implicitement confirmée sur recours hiérarchique, par laquelle l'inspecteur du travail de la 4ème section de Seine-et-Marne a autorisé le licenciement de M. C...pour motif économique ;

2°) de rejeter la demande de M.C... ;

3°) de condamner M. C...aux entiers dépens ;

La SOCIETE ARTACREA fait valoir que le jugement n'a relevé aucun fait ni aucun élément permettant d'établir un lien entre la procédure de licenciement et le mandat du salarié ; qu'il n'y a eu aucune condamnation de la société pour délit d'entrave ; que l'existence d'une précédente procédure de licenciement, à l'issue de laquelle l'inspecteur a estimé que les faits n'étaient pas suffisamment établis, ne saurait prouver que ces faits étaient inexistants ni qu'il y aurait discrimination ; que c'est à juste titre que l'inspecteur du travail a estimé après enquête que les faits étaient avérés ; que ce comportement de harcèlement caractérisé justifiait le licenciement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 août 2004, présenté par le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, tendant à l'annulation du jugement du 25 mars 2004 et au rejet de la requête de M.C... ; il fait valoir que les faits d'injure et de harcèlement dénoncés justifiaient amplement le licenciement ; qu'ils sont démontrés par les témoignages produits par le personnel hors de toute pression et nullement démentis par les témoignages de bonne moralité produits par M. C...; qu'aucun élément ne vient démontrer le lien avec le mandat ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2004, présenté pour M. C...par MeA..., tendant : 1°) au rejet de la requête ; 2°) à la condamnation de la SOCIETE ARTACREA à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; M. C...fait valoir que l'inspecteur du travail ne l'a pas entendu, dès lors qu'il était en congés annuels à la date à laquelle l'inspecteur se serait présenté au magasin de Lille ; que la décision de licenciement n'était pas suffisamment motivée ; que M. Le Meur, secrétaire général, n'avait pas délégation de pouvoir pour demander le licenciement ou convoquer à l'entretien préalable, ni d'ailleurs pour convoquer seul le comité d'entreprise qui s'est prononcé ; qu'au fond, l'attitude discriminatoire de l'employeur est révélée par la succession de sanctions intervenues depuis qu'il est délégué du personnel, alors qu'aucune n'était intervenue auparavant, que d'autres projets de licenciement touchant d'autres délégués démontrent un climat peu favorable aux institutions représentatives ; que la Cour d'appel de Douai a confirmé en septembre 2001 qu'il faisait l'objet d'une discrimination salariale ; que l'attitude discriminatoire a subsisté postérieurement à sa réintégration, sans que l'employeur puisse invoquer une hostilité des salariés en place qu'il lui appartenait en tout état de cause de surmonter ; que s'agissant des faits reprochés, il n'a jamais tenu les propos rapportés par le courrier de ses collègues adressé directement au siège ; que lors de l'instruction du recours hiérarchique, l'inspecteur du travail avait envisagé la manipulation de témoignages ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2006 :

- le rapport de Mme Pellissier, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Folscheid, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. C...a été embauché le 14 janvier 1991 par la société " Graphigro ", devenue SOCIETE " ARTACREA " en décembre 2000, et a exercé les fonctions de vendeur dans le magasin de Lille ; qu'il a été élu délégué du personnel en juin 1995 et représentant des salariés au comité d'entreprise en juillet 1997 ; que la société ayant demandé en juin 1998 l'autorisation de le licencier pour faute, l'inspecteur de la 4ème section de la

Seine-et- Marne a accordé cette autorisation le 2 octobre 1998 ; que le ministre a implicitement confirmé cette autorisation sur recours hiérarchique du 25 novembre 1998 ;

Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 425-1 et L. 436-1 du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions de délégué du personnel et de représentant des salariés au comité d'entreprise bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspection du travail de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont le salarié est investi et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

Considérant que le licenciement de M. C...a été demandé après que la direction de la société " Graphigro " a reçu un courrier daté du 16 mai 1998 et signé des quatre salariées féminines du magasin de Lille, dans lequel elles se plaignaient du comportement vulgaire et insultant de M. C...à leur égard et citaient notamment des propos particulièrement grossiers et injurieux qu'il aurait tenus à leur égard le 12 mai 1998 dans le magasin ; que cependant

M. C...nie avoir tenus de tels propos ; que le sixième salarié du magasin de Lille, présent ce jour-là, atteste ne pas les avoir entendus ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...n'a reçu aucun reproche sur son comportement jusqu'en 1995 et que trois anciennes collègues attestent avoir entretenu de très bonnes relations avec lui ; que depuis décembre 1995, sa direction, lui reprochant des propos ou comportements rapportés par d'autres membres du personnel, l'a sanctionné de trois avertissements, les 22 décembre 1995, 15 février 1996,

5 novembre 1996 puis d'une mise à pied de trois jours le 22 novembre 1996, les trois dernières de ces sanctions étant annulées par un jugement du Tribunal des Prud'hommes de Lille le

26 mai 1999 et un arrêt de la Cour d'appel de Douai le 28 septembre 2001 pour non établissement des faits sur lesquels elles se fondaient ; qu'une précédente demande de licenciement de M. C...pour faute a été rejetée le 22 mai 1997 par l'inspecteur du travail de Lille au motif que les faits de " harcèlement d'une cliente ", dont aucun témoignage n'était produit, n'étaient pas plus établis ; qu'il ressort en outre des pièces du dossier que les deux principales accusatrices de M. C...appartenaient ainsi que le directeur du magasin de Lille, dont la désignation comme délégué du personnel avait été annulée à la demande du

syndicat CGT dont faisait partie M.C..., à un syndicat concurrent et que régnait dans le magasin une ambiance de rivalité, M. C...ayant également demandé la condamnation de la société pour discrimination salariale et obtenu par les jugements précités du conseil des Prud'hommes et de la Cour d'appel de Douai l'augmentation de son salaire au niveau de celui de ses collègues ; qu'en outre, une autre procédure de licenciement pour comportement fautif avait été peu de temps auparavant diligentée contre un autre représentant du personnel CGT sur la base d'un témoignage et rejetée le 13 mars 1998 par l'inspection du travail comme insuffisamment étayée ; que dans ses circonstances, le projet de licenciement n'apparaissait pas, comme l'a jugé le tribunal, dénué de tout lien avec le mandat syndical de M. C...et l'autorisation devait donc être refusée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE ARTACREA n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement en date du 25 mars 2004 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé, à la demande de M.C..., l'autorisation de licenciement prise le 2 octobre 1998 par l'inspecteur du travail et implicitement confirmée par le ministre sur recours hiérarchique ; que sa requête, y compris les conclusions tendant à la condamnation de

M.C..., qui n'est pas la partie perdante, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peut qu'être rejetée ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application du même article, de condamner la SOCIETE ARTACREA à verser à M. C...une somme de 1 500 euros au titre des frais qu'il a exposés pour sa défense ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE ARTACREA est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE ARTACREA versera à M. C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE ARTACREA, à M. E...C...et au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2006 à laquelle siégeaient :

Mme Cartal, président,

Mme Pierart, président assesseur,

Mme Pellissier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 juillet 2006.

Le rapporteur,

S. PELLISSIERLe président,

A-F. CARTAL

Le greffier,

E. SARRAZIN

La République mande et ordonne au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 04PA02046


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 04PA02046
Date de la décision : 05/07/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme CARTAL
Rapporteur ?: Mme Sylvie PELLISSIER
Rapporteur public ?: Mme FOLSCHEID
Avocat(s) : DEBETZ

Origine de la décision
Date de l'import : 28/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-07-05;04pa02046 ?
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