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05/07/2006 | FRANCE | N°04PA01773

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 05 juillet 2006, 04PA01773


Vu la requête, enregistrée le 21 mai 2004, présentée pour M. F...C..., demeurant..., par MeA... ; M. C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0017028/6 du 16 mars 2004 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etablissement français du sang soit condamné à lui verser la somme de 2 000 000 francs à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui a causé sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) d'ordonner une nouvelle expertise médicale ayant pour objet de déterminer la cause la

plus vraisemblable de la contamination de M.C..., d'analyser toutes les conséque...

Vu la requête, enregistrée le 21 mai 2004, présentée pour M. F...C..., demeurant..., par MeA... ; M. C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0017028/6 du 16 mars 2004 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etablissement français du sang soit condamné à lui verser la somme de 2 000 000 francs à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui a causé sa contamination par le virus de l'hépatite C ;

2°) d'ordonner une nouvelle expertise médicale ayant pour objet de déterminer la cause la plus vraisemblable de la contamination de M.C..., d'analyser toutes les conséquences de cette contamination sur l'état de santé, les conditions de vie familiale, sociale, professionnelle et autres de la victime, de rechercher les sérums d'avril 1990 à l'occasion du premier test HCV et demander à en contrôler la sérologie de manière rétrospective ;

3°) de mettre à la charge de l'Etablissement français du sang les frais d'expertise et la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. C...soutient que le déroulement des opérations d'expertise n'a pas respecté le principe du contradictoire ; que, lors de la réunion d'expertise du 6 mars 2002, il a été exclu d'une partie de la discussion ; que l'expert, en s'entretenant avec les représentants d'une seule partie, a violé le principe du contradictoire ; que le tribunal ne pouvait légitimement retenir, même à titre informatif, le rapport de l'expert entaché d'une irrégularité fondamentale ; qu'en outre, le tribunal s'est contenté " d'éléments d'informations " approximatifs qu'il tire de conclusions d'un rapport d'expertise irrégulier ; que l'expert n'a pas tiré toutes les conséquences des constatations qu'il consigne dans son rapport et qui concernent spécifiquement les risques de contamination par le virus de l'hépatite C auxquels M. C...a été confronté ; qu'il ressort du dossier médical de M. C...que celui-ci a été non seulement transplanté, mais également hémodyalisé pendant les trois années qui ont précédé la greffe rénale ; que l'évocation de " comportements sexuels à risque dans les semaines qui ont précédé l'hépatite C aigüe " est sans fondement et présente un caractère discriminatoire et un fondement scientifique douteux ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2004, présenté pour l'Etablissement français du sang par Me D...; l'Etablissement français du sang demande à la cour de confirmer le jugement rendu par le Tribunal administratif de Paris en ce qu'il a rejeté les demandes de M. C...et, à titre subsidiaire, de constater qu'il ne s'oppose pas à la réalisation d'un contrôle rétrospectif de la sérologie VHC de M. C...sur les sérums

d'avril 1990 qui seraient conservés en sérothèque, et de mettre les frais d'expertise à la charge de M C...; l'Etablissement français du sang soutient que les parties ont été régulièrement convoquées aux opérations d'expertise et que M. C...avait tout le loisir de se faire assister de son conseil ou d'un médecin conseil tel qu'il est d'usage ; que la réunion d'expertise s'est tenue à l'Hôpital Saint Louis dans un lieu de consultation où sont effectivement présents des malades et du personnel hospitalier ; qu'ainsi l'attestation de l'ambulancière qui l'aurait accompagné à la réunion d'expertise ne sert pas à la démonstration d'une prétendue violation du principe du contradictoire ; qu'il est d'ailleurs étonnant que M. C...ait attendu le dépôt du rapport de l'expert pour faire valoir une violation du principe du contradictoire ; qu'en l'absence d'élément tangible susceptible de prospérer au soutien de l'irrégularité alléguée, il ne pourra être fait droit à la demande d'annulation du rapport d'expertise présentée par M. C...; que le rapport d'expertise du Professeur Modai est parfaitement clair et argumenté s'agissant de l'impossibilité absolue de ce que les transfusions administrées entre 1976 et 1979 à M. C...soient à l'origine de sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que le contexte d'une hépatite aiguë telle que celle présentée par M. C...en 1992 exclut l'existence d'une hépatite chronique en cours ; qu'il ne saurait être reproché à l'expert de ne pas avoir tiré toutes les conséquences des constatations qu'il a faites en ce qui concerne les facteurs de risque de contamination auxquels M. C...a été exposé ; que, très subsidiairement, l'Etablissement français du sang ne s'opposerait pas à la demande de M. C...tendant à ce que les sérums d'avril 1990 soient recherchés et à ce que sa sérologie puisse être rétrospectivement contrôlée ; qu'il y aura lieu, si nécessaire, de donner pour mission à l'expert de se prononcer sur la date de la contamination, de dire si M. C...était indemne de toute contamination antérieurement aux transfusions incriminées ; de préciser les facteurs de risque auxquels il a été exposé et enfin de dire s'il est possible d'apprécier l'importance relative des différents facteurs de risque ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 juin 2006, présenté pour M.C..., tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; il soutient notamment que les virologues et les biologistes les plus compétents confirment que les tests de première génération, lors de leur mise en place, ne présentaient pas un degré de fiabilité suffisant pour permettre d'affirmer la réalité d'une séronégativité ; que, par ailleurs, il existe des cas d'apparente séroconversion chez des patients porteurs chroniques du virus VHC, en raison, de la fluctuation de l'immunité chez des patients immunodéprimés ; qu'ainsi la demande de contre-expertise est parfaitement légitime ;

Vu la note en délibéré ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n°52-854 du 21 janvier 1952 modifiée relative aux établissements agréés en vue de la préparation des produits sanguins ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, notamment son article 102 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2006 :

- le rapport de Mme Pierart, rapporteur,

- les observations de MeB..., pour M.C..., et celles de MeE..., pour l'Etablissement français du sang,

- et les conclusions de Mme Folscheid, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M.C..., hospitalisé à de multiples reprises à l'hôpital Necker à Paris de novembre 1976 à juillet 1979, a reçu lors de ses hospitalisations sept transfusions sanguines ; qu'il a présenté en mars 1992 un ictère avec asthénie ; que le diagnostic d'hépatite C a été posé en mai 1992, à la suite d'une sérologie positive au virus de l'hépatite C, puis confirmé par une biopsie hépatique ; que M. C...a présenté une requête devant le Tribunal administratif de Paris, enregistrée le 6 novembre 2000, tendant à la condamnation de l'Etablissement français du sang à l'indemniser des conséquences dommageables de sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que, par jugement avant dire droit en date du

13 novembre 2001, le tribunal a décidé de procéder à une expertise et désigné à cette fin le Professeur Modai qui a déposé son rapport le 27 mars 2002 ; que, sur la base des conclusions de ce rapport, le tribunal a, par un jugement en date du 16 mars 2004, rejeté la requête de

M.C... ; que celui-ci, qui fait appel de ce jugement en se fondant sur l'irrégularité des opérations d'expertise et l'insuffisance du rapport, demande que soit ordonnée une nouvelle expertise médicale ;

Considérant, en premier lieu, que si M. C...soutient avoir été exclu d'une partie de la discussion qui s'est tenue le 6 mars 2002 à l'hôpital Saint Louis, entre l'expert et les représentants de l'Etablissement français du sang, il n'apporte à l'appui de ses dires que le seul témoignage de l'ambulancière qui l'accompagnait lequel est dépourvu d'indications suffisamment précises permettant de regarder les faits allégués comme établis ; qu'en outre, il ne résulte pas de l'instruction, alors qu'il ne conteste pas ne pas avoir été privé de la faculté qu'il avait de se faire assister ou représenter à cette réunion par un médecin de son choix, que

M. C...n'ait pas eu, d'une part, connaissance de toutes les constatations faites par l'expert lors de cette réunion du 6 mars et, d'autre part, aurait été privé de la possibilité de les contester ; que M. C...n'est, dans ces conditions, pas fondé à soutenir que le caractère contradictoire de la procédure d'expertise à la suite de laquelle est intervenu le jugement du 16 mars 2004 n'aurait pas été respecté ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'expert a écarté tous les facteurs possibles de contamination par le virus de l'hépatite C auxquels a été exposé M. C...entre 1976 et 1979 en se fondant sur le résultat de la sérologie du virus de l'hépatite C pratiquée en 1990 qui s'est révélée négative et sur la durée de la période d'incubation de la maladie comprise au maximum entre 2 et 26 semaines ; que si la fiabilité des tests de cette première génération n'est pas assurée, l'apparition d'un ictère en mars 1992 accompagné d'une asthénie, qui coïncide avec une sérologie positive au virus de l'hépatite C en mai 1992, a permis de poser le diagnostic d'une hépatite C aiguë confirmée par une biopsie hépatique ; qu'eu égard à la brève période d'incubation de cette maladie, les observations figurant dans les correspondances de 1992 du docteur Gagnadoux, versées au dossier de première instance, selon lesquelles M. C...aurait été porteur depuis longtemps d'une hépatite chronique qui ne sont pas corroborées par les observations du docteur Pol de l'unité d'hépatologie de l'hôpital Laennec auquel M. C...avait alors été adressé, ne sont de nature à remettre en cause ni les conclusions de l'expert ni l'appréciation portée par les premiers juges ; qu'il est, au demeurant, constant que M. C...a été atteint d'une hépatite B contre laquelle il s'est immunisé et dont il est guéri ; que la circonstance que l'expert ait envisagé dans son rapport une contamination par voie sexuelle sans l'avoir abordée avec l'intéressé, n'est pas de nature, alors qu'il n'a pas retenu cette origine en raison notamment de son caractère exceptionnel, à remettre en cause la régularité du rapport ni le bien fondé de ses conclusions ;

Considérant, enfin, que si M. C...soutient que le rapport d'expertise est incomplet et que l'expert n'a pas procédé à toutes les investigations nécessaires, il n'apporte pas d'élément en appel de nature à remettre en cause les appréciations portées par les premiers

juges ; que la circonstance que l'expert n'ait pas déterminé la cause de la contamination de

M.C..., alors que dans 20 à 30% des cas cette origine reste inconnue, n'est pas de nature à faire regarder le rapport comme incomplet ou les investigations de l'expert comme insuffisantes ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à invoquer l'irrégularité du rapport d'expertise qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative d'annuler, et sur le fondement duquel les premiers juges ont rejeté sa demande d'indemnisation des dommages résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C pour demander l'annulation du jugement attaqué ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'ordonner la nouvelle expertise sollicitée par M.C... ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etablissement français du sang, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à

M. C...la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. C...doit être rejetée ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...C..., à la caisse primaire

d' assurance maladie du Loiret et à l'Etablissement français du sang. Copie en sera adressée au ministre de la santé et des solidarités.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2006 à laquelle siégeaient :

Mme Cartal, président,

Mme Pierart, président assesseur,

Mme Pellissier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 juillet 2006.

Le rapporteur,

O. PIERARTLe président,

A-F. CARTAL

Le greffier,

E. SARRAZIN

La République mande et ordonne au ministre de la santé et des solidarités en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 04PA01773


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 04PA01773
Date de la décision : 05/07/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme CARTAL
Rapporteur ?: Mme Odile PIERART
Rapporteur public ?: Mme FOLSCHEID
Avocat(s) : BIBAL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-07-05;04pa01773 ?
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