Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2004, présentée pour la SOCIETE ONIRIS et la SOCIETE UNISOM, dont les sièges sociaux sont 4 avenue du Val à Limay (78520), par
Me B...E...; la SOCIETE ONIRIS et la SOCIETE UNISOM demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0002724/3 en date du 3 mars 2004 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de Mme D...A..., la décision du
30 novembre 1999 par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a annulé la décision du 28 mai 1999 de l'inspecteur du travail et a autorisé le licenciement de
MmeA... ;
2°) de rejeter la demande de première instance ;
La SOCIETE ONIRIS et la SOCIETE UNISOM font valoir que suite au décès de
Mme A...le 10 novembre 2002, sa fille n'était pas recevable à reprendre la procédure, alors surtout qu'elle ne démontre pas avoir repris la succession de sa mère ; qu'au fond, la décision de l'inspecteur du travail ne pouvait qu'être annulée par le ministre étant mal motivée ; que la procédure a été régulière, Mme A...ayant été avertie de la suppression de son poste avant tout licenciement, pour lui permettre de trouver un poste de reclassement ; qu'il s'agit bien d'un licenciement économique d'ordre structurel, la suppression du poste de Mme A...étant justifiée par une mutation technologique, en l'espèce la gestion des appels téléphoniques par un standard électronique et l'utilisation d'un ordinateur portable par le chef des ventes dont elle assumait jusqu'alors le secrétariat ; que cette suppression est réelle, les assistantes commerciales embauchées n'ayant nullement les mêmes fonctions qu'avait MmeA..., qui elle n'était pas en mesure d'assumer des fonctions d'assistante commerciale, cela ayant été essayé sans succès en 1992 ; que si aucun des 30 postes de la SOCIETE ONIRIS ne correspondait à son profil, des postes de reclassement lui ont été proposés dans le groupe, un dans la société Dunlop qu'elle a d'abord accepté avant de mettre un terme à l'essai le 5 février 1999, l'autre dans la société Dunlopillo qu'elle a refusé en octobre 1999 car il se trouvait trop éloigné de son domicile ; que tant l'inspecteur que le ministre ont relevé qu'il n'y avait aucun lien avec le mandat ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 août 2004, présenté pour Mlle C...A..., tendant : 1°) au rejet de la requête ; 2°) à la condamnation de la SOCIETE ONIRIS à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle fait valoir qu'elle est recevable à reprendre l'instance suite au décès de sa mère, s'agissant de droits patrimoniaux ; que le refus d'autorisation de l'inspecteur du travail était parfaitement motivé et fondé ; que la procédure de licenciement n'a pas été régulière dès lors que Mme A...a été avertie de la suppression de son poste au cours d'un simple entretien informel le
27 octobre 1998, décision présentée comme irrévocable et définitive avant même la convocation et l'entretien préalable qui a eu lieu le 19 mars 1999 ; qu'à aucun moment le ministre n'a vérifié si la situation de l'entreprise justifiait la suppression du poste ; que celui-ci n'a d'ailleurs nullement été supprimé, une partie des anciennes fonctions de Mme A...étant redistribuée à une des assistantes commerciales débutantes récemment embauchées ; qu'il n'y a pas eu de proposition sérieuse de reclassement, le poste qui lui a été confié à Dunlop ne comportant que des travaux de saisie ; que le poste situé à Mantes-la-Jolie supposait les mêmes compétences que ceux d'assistantes commerciales créés à Issy et qui ne lui ont pas été proposés ; que c'est uniquement du fait de la faiblesse de la rémunération qu'elle n'a pas souhaité en 1992 poursuivre ses fonctions d'assistante commerciale ; que le licenciement, annoncé juste après le renouvellement du mandat de déléguée du personnel, n'était pas sans lien avec celui-ci ; que la décision de la licencier intervient après un incident survenu en septembre 1998 et qu'à compter de la décision de l'inspecteur du travail, la société a eu à son égard un comportement abusif s'apparentant au harcèlement moral ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 15 juin 2006, présenté pour les SOCIETES ONIRIS et UNISOM, tendant aux mêmes fins que la requête et au rejet des conclusions de
Mlle A...au titre de l'article L. 761-1 ; par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2006 :
- le rapport de Mme Pellissier, rapporteur,
- les observations de Me B...E..., pour les SOCIETES ONIRIS et UNISOM, et celles de MeF..., pour MlleA...,
- et les conclusions de Mme Folscheid, commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme A...a été embauchée comme standardiste en mars 1981 par la société Treca, appartenant au groupe Dunlop ; qu'élue déléguée du personnel en 1991 et réélue en novembre 1998, elle a à compter du 1er janvier 1993 été mutée dans le même groupe à la SOCIETE ONIRIS, où elle exerçait les fonctions de " secrétaire assistante du directeur du département hôtellerie collectivités " ; qu'avertie par courrier du 10 décembre 1998 de la suppression de son poste au 1er janvier 1999, elle a été invitée à accepter un reclassement sur un poste " d'employée hautement qualifiée niveau 3 " au sein de la société Dunlop ; qu'ayant refusé ce reclassement après un mois d'essai, elle a été réintégrée dans la SOCIETE ONIRIS qui a demandé le 24 mars 1999 l'autorisation de la licencier ; que cette autorisation a été refusée le 28 mai 1999 par l'inspecteur du travail mais accordée le 30 novembre 1999, sur recours hiérarchique de la société, par le ministre chargé de l'emploi ; que la SOCIETE ONIRIS et la SOCIETE UNISOM, qui a repris le département " hôtellerie collectivités " de la SOCIETE ONIRIS, demandent l'annulation du jugement du 3 mars 2004 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de MmeA..., cette autorisation ministérielle ;
Considérant que l'action en excès de pouvoir introduite par Mme A...contre l'autorisation de licenciement délivrée à son employeur ne présentait pas un caractère purement personnel ; qu'elle était en état d'être jugée lorsque le tribunal a été informé du décès, survenu le 10 novembre 2002, de la requérante ; qu'ainsi le tribunal était en droit de statuer comme il l'a fait sur cette demande, sans attendre que MlleA..., fille unique et seule héritière de
MmeA..., qui avait déclaré reprendre l'instance le 10 avril 2003, démontre en outre avoir accepté la succession ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 425-1 du code du travail, les salariés légalement investis des fonctions de délégué du personnel bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressée ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Considérant que l'article L. 321-1 du code du travail dispose : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques " ; qu'est également au nombre des causes sérieuses de licenciement économique la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ;
Considérant que la SOCIETE ONIRIS et la SOCIETE UNISOM, qui n'invoquent pas de difficultés économiques, n'apportent aucun élément de nature à démontrer que la suppression du poste de Mme A...était comme elles le soutiennent lié à la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; que si elles font valoir que le poste de " secrétaire assistante " du directeur du département des ventes " hôtellerie collectivités " qu'occupait Mme A...depuis 1993 s'est trouvé progressivement " vidé de sa substance " du fait de l'utilisation d'un standard électronique et d'ordinateurs portables, il ressort des pièces du dossier que ces évolutions technologiques n'ont pas entraîné la disparition de l'ensemble des tâches précédemment confiées à MmeA..., ou qui pouvaient l'être compte tenu de ses qualifications, et qui ont été redistribuées, notamment à l'une des deux jeunes assistantes commerciales embauchées début 1999 ; qu'ainsi le licenciement de Mme A...ne reposait pas sur un motif économique au sens de l'article L. 321-1 susvisé du code du travail et l'autorisation demandée ne pouvait qu'être refusée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE ONIRIS et la SOCIETE UNISOM ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 30 novembre 1999 par laquelle le ministre de l'emploi et de la solidarité a annulé la décision du 28 mai 1999 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé à la SOCIETE ONIRIS l'autorisation de licencier Mme A...; que la requête d'appel ne peut qu'être rejetée ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu en application de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative de condamner la SOCIETE ONIRIS et la SOCIETE UNISOM à verser à Mlle A...une somme de 1 500 euros au titre des frais qu'elle a exposés pour sa défense ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête des SOCIETE ONIRIS et SOCIETE UNISOM est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE ONIRIS et la SOCIETE UNISOM verseront à Mlle A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE ONIRIS et la SOCIETE UNISOM,
à Mlle C...A...et au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2006 à laquelle siégeaient :
Mme Cartal, président,
Mme Pierart, président assesseur,
Mme Pellissier, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 5 juillet 2006.
Le rapporteur,
S. PELLISSIERLe président,
A-F. CARTAL
Le greffier,
E. SARRAZIN
La République mande et ordonne au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 04PA01608