Vu la requête, enregistrée le 9 janvier 2006, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0517080/8 du 17 novembre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 7 octobre 2005 décidant la reconduite à la frontière de Mme Jeanne Y Z et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y Z devant le Tribunal administratif de Paris ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la délégation en date du 2 janvier 2006 donnée par le président de la cour à M. Merloz, président de chambre ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir au cours de l'audience publique du 20 juin 2006 :
- le rapport de M. Merloz, magistrat délégué,
- les observations de Me Wantou, pour Mme Y Z,
- les conclusions de M Trouilly, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « l'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y Z, de nationalité camerounaise, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 15 mars 2005, de la décision du PREFET DE POLICE du 28 février 2005 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Considérant que si le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a considéré que le PREFET DE POLICE avait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure de reconduite à la frontière sur la situation personnelle de Mme Y Z en relevant que deux de ses trois enfants son nés en France et y sont scolarisés et qu'elle a tissé des liens sociaux en France, il ressort toutefois des pièces du dossier que la situation de l'intéressée ne comporte pas de circonstances spécifiques qui établiraient que la mesure de reconduite à la frontière serait de nature à emporter des conséquences graves sur la situation personnelle de l'intéressée ; que, par suite, c'est à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commis le PREFET DE POLICE pour en prononcer l'annulation ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Y Z devant le Tribunal administratif de Paris et devant la cour administrative d'appel ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sus-visée « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. (…) » ; et qu'aux termes de l'article L ; 511-4 10° du même code : « Ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : 10º L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi » ;
Considérant que Mme Y Z fait valoir que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que ce traitement ne peut lui être dispensé dans son pays d'origine ; qu'elle a tenté lors d'un récent voyage dans son pays d'origine de se faire soigner sans y être parvenue ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressée, qui a été mise en possession d'autorisation provisoire de séjour et de titre temporaire de séjour de l'année 2000 jusqu'au 10 avril 2004 du fait de son état de santé, souffre depuis de nombreuses années d'une cardiopathie qui nécessite un suivi régulier tant en imagerie médicale qu'au niveau biologique et médicamenteux ; qu'elle a été hospitalisée du 25 avril 2005 au 21 mai 2005 en raison d'une récidive d'arythmie complète avec fibrillation auriculaire ; que les certificats qu'elle produit attestent de l'impossibilité de bénéficier du traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'elle a, dès lors, droit à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne peut faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ; que, par suite, Mme Y Z est fondée a demander l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre par le PREFET DE POLICE le 7 octobre 2005 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que PREFET DE POLICE n'est pas fondé à se plaindre de ce que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 7 octobre 2005 décidant la reconduite à la frontière de Mme Y Z ;
Sur les conclusions à fin de régularisation de la situation administrative de l'intéressée :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé » ; que l'article L 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : « Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé,(…) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas » ;
Considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe à l'autorité administrative, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au PREFET DE POLICE de se prononcer sur la situation de Mme Y Z dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme Jeanne Y Z et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
Article 2 : Le préfet statuera sur la situation de Mme Y Z dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme Y Z la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 06PA00072