Vu la requête, enregistrée le 11 février 2002, présentée par la SARL LA LUNE, dont le siège est ..., représentée par son gérant M. X... X ; la SARL LA LUNE demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9512989 en date du 19 décembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des rappels de taxes sur la valeur ajoutée, ainsi que des pénalités y afférentes, notamment de l'amende fiscale prévue par l'article 1763 A du code général des impôts, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1989 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses, et subsidiairement d'ordonner une expertise dans le but d'examiner la comptabilité de l'entreprise ;
3°) de condamner l'Etat au titre des frais irrépétibles et des droits de timbre ;
4°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement susmentionné ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 juin 2006 :
- le rapport de M. Privesse, rapporteur,
- et les conclusions de M. Adrot, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SARL LA LUNE, qui exploitait à Paris un fonds de commerce de restaurant asiatique, a fait l'objet en 1991 d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 1988 et 1989, à l'issue de laquelle des redressements procédant d'une reconstitution de ses recettes lui ont été notifiés selon la procédure contradictoire en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'après l'intervention de la commission départementale des impôts réunie une première fois le 25 février 1993, qui ordonna alors qu'un rapport complémentaire lui soit adressé en raison de la remise par la société d'un nombre important de pièces en séance, puis une seconde fois le 2 décembre suivant, l'avis de celle-ci a été suivie par l'administration, qui a abandonné les redressements concernant l'année 1988, ainsi que les redressements sur les charges pour l'année 1989, atténuant en outre le coefficient des vins ; que la SARL LA LUNE relève régulièrement appel du jugement susmentionné en contestant notamment, au titre de la seule année 1989, la méthode de reconstitution des recettes du restaurant à laquelle a eu recours le vérificateur ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales : « Lorsque la vérification de comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période... ». ; qu'aux termes de l'article L. 52 du même livre : « Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres et documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois », pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à un montant déterminé, «Toutefois, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration pour l'instruction des observations ou des requêtes présentées par le contribuable, après l'achèvement des opérations de vérification » ;
Considérant que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, saisie à l'initiative de la SARL LA LUNE, s'est estimée, le 25 février 1993, insuffisamment informée par un premier examen de l'affaire sur la portée des documents et observations présentés en séance par la contribuable et a ordonné, ainsi qu'elle était en droit de le faire, un complément d'information ; que cette mesure d'instruction qui a finalement conduit le vérificateur à demander à la société de réexaminer ses documents comptables, n'est pas de nature à établir que le vérificateur aurait violé les dispositions susrappelées du livre des procédures fiscales, et que la procédure d'imposition serait, dans ces conditions, irrégulière ;
Sur la comptabilité et la charge de la preuve :
Considérant qu'au stade de la vérification, il n'est pas contesté que la société requérante n'avait présenté ni brouillard de caisse, ni double des notes remises aux clients, en l'absence de caisse enregistreuse dans l'établissement ; que le vérificateur a estimé qu'en l'absence de documents de base d'enregistrement des recettes, la société ne pouvait justifier l'exactitude de ces dernières telles qu'elles avaient été déclarées ; que si par la suite, et devant la commission départementale des impôts, la société a fourni certaines pièces manquantes, nécessitant dès lors une analyse complémentaire que le service a réalisé dans le rapport remis à ladite commission pour sa seconde séance, la société n'a pu justifier les discordances constatées, dans près d'un cas sur quatre, entre les recettes portées sur les brouillards et celles mentionnées sur les notes de clients numérotées par le gérant, dont l'administration ne pouvait être assurée de l'authenticité, s'agissant d'erreurs de date ou de montants ; que dans ce sens, les recettes du restaurant étaient enregistrées globalement en fin de journée, ce mode de comptabilisation ne permettant pas de contrôler la sincérité des déclarations ; que par ailleurs, les inventaires portant surtout sur les vins, mais aussi sur le café, étaient erronés ou incomplets, des achats n'étant pas comptabilisés et des anomalies graves apparaissant d'une année sur l'autre, le chiffre d'affaires étant ainsi en augmentation de 30 % entre 1988 et 1989, alors que le nombre de bouteilles de vin consommées chutait de plus de 50 % ; que l'ensemble de ces irrégularités était de nature à priver la comptabilité de toute valeur probante ; qu'il en résulte qu'il incombe à la société requérante, conformément aux dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration, après l'intervention de la commission départementale des impôts ;
Sur la reconstitution des recettes :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour reconstituer le chiffre d'affaires et les recettes de la société, le vérificateur a mis en oeuvre trois méthodes de reconstitution, fondées sur les serviettes, les eaux minérales et les cafés, prenant ensuite la moyenne des résultats obtenus, en tenant compte des remarques du contribuable notamment en ce qui concerne le coefficient retenu pour l'évaluation des vins, et se rangeant à l'avis de la commission en ce qui concerne l'évaluation des cafés servis ; qu'ainsi, le service a tenu compte des données propres à l'entreprise vérifiée dans toute la mesure où elles ont pu être connues ; que la société LA LUNE qui ne fait valoir aucune autre méthode de reconstitution, ne démontre pas que la reconstitution opérée aboutisse à une exagération des bases d'imposition, en dépit de ses allégations, non établies, suivants lesquelles la spécificité culinaire du restaurant expliquerait tout ou partie des anomalies relevées ; qu'il s'ensuit, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée à titre subsidiaire, que la société requérante n'est pas fondée à demander à être déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de l'année 1989 ;
Sur les pénalités :
Considérant d'une part, que si la partie requérante entend maintenir sa contestation concernant les pénalités prévues par l'article 1763 A du code général des impôts auxquelles elle a été assujettie, elle n'apporte à ce propos aucune précision nouvelle dans sa requête ; qu'il y a donc lieu de rejeter ces conclusions par adoption des motifs retenus sur ce point par les premiers juges ;
Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : « Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (…) » ; qu'en faisant état de l'importance et du caractère répété des omissions de recettes à l'origine des redressements litigieux, et compte tenu de l'abandon des redressements relatifs à l'année 1988 à la suite de l'avis rendu par la commission départementale des impôts, l'administration n'établit pas que, de manière persistante, la société ait présenté un comportement ayant pour but d'éluder l'impôt ; qu'ainsi l'absence de bonne foi du contribuable ne peut être retenue ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société LA LUNE est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande visant à la décharge des pénalités de mauvaise foi ;
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué :
Considérant que la cour statue par le présent arrêt sur les conclusions de la requête formée par la SARL LA LUNE contre le jugement du Tribunal administratif de Paris du 19 décembre 2001 ; que par suite, les conclusions de la requête susvisée tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet ;
Sur les frais irrépétibles et les droits de timbre :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'allouer à la SARL LA LUNE le remboursement des frais irrépétibles, au demeurant non chiffrés, qu'elle soutient avoir exposés tant en première instance qu'en appel, non plus que le remboursement des droits de timbre ;
D E C I D E :
Article 1er : Il est accordé décharge à la SARL LA LUNE des pénalités auxquelles elle demeure assujettie sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 19 décembre 2001 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL LA LUNE est rejeté.
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N° 02PA00561