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27/06/2006 | FRANCE | N°05PA00153

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ere chambre - formation b, 27 juin 2006, 05PA00153


Vu la requête, enregistrée le 14 janvier 2005, présentée pour M. Georges X, élisant domicile ..., par Me Ludot ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0417661/5 du 16 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 12 juillet 2004 du ministre de la défense lui opposant la déchéance quadriennale à la suite de sa demande du 15 avril 2002 tendant à la réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait du travail obligatoire auquel il a été astreint de mai 1943 à avril 1945 ;



2°) d'annuler la décision du 12 juillet 2004 du ministre de la défense lu...

Vu la requête, enregistrée le 14 janvier 2005, présentée pour M. Georges X, élisant domicile ..., par Me Ludot ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0417661/5 du 16 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 12 juillet 2004 du ministre de la défense lui opposant la déchéance quadriennale à la suite de sa demande du 15 avril 2002 tendant à la réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait du travail obligatoire auquel il a été astreint de mai 1943 à avril 1945 ;

2°) d'annuler la décision du 12 juillet 2004 du ministre de la défense lui opposant la déchéance quadriennale et de condamner l'Etat à la réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait du travail obligatoire auquel il a été astreint de mai 1943 à avril 1945, en lui versant la somme de 236 298,98 euros au titre des salaires non versés et la somme de 7 622, 45 euros à titre de dommages et intérêts ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi du 29 janvier 1831 modifiée, portant règlement du budget définitif de l'exercice 1828 et les dispositions sur la déchéance des créanciers de l'Etat, sur la division du budget des dépenses sur le sceau des titres et sur la révision des pensions extraordinaires ;

Vu l'ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental ;

Vu la loi n°51-538 du 14 mai 1951 ;

Vu la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 juin 2006 :

- le rapport de Mme Appeche-Otani, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Giraudon, commissaire du gouvernement ;

Sur la prescription opposée par le ministre à la demande indemnitaire présentée devant l'administration par M. X :

Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la loi du 29 janvier 1831, dans sa rédaction issue du décret du 30 octobre 1935 : « Sont prescrites et définitivement éteintes au profit de l'Etat (…) toutes créances qui, n'ayant pas été acquittées avant la clôture de l'exercice auquel elles appartiennent, n'auraient pu, à défaut de justifications suffisantes, être liquidées, ordonnancées et payées dans un délai de quatre années à partir de l'ouverture de l'exercice pour les créanciers domiciliés en Europe (…) » ; que l'article 3 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 dispose : « La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ni par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou la créance de celui qu'il représente légalement » ; qu'aux termes de l'article 9 de la même loi : «Les dispositions de la présente loi sont applicables aux créances nées antérieurement à la date de son entrée en vigueur et non encore atteintes de déchéance à cette même date. / Les causes d'interruption et de suspension prévues aux articles 2 et 3, survenues avant cette date, produisent effet à l'égard de ces mêmes créances » ;

Considérant en premier lieu que la créance dont se prévaut M. X du fait du travail obligatoire auquel il a été contraint en Allemagne est née au plus tard en mai 1945, date de son retour en France ; qu'à cette date, en effet, M. X avait nécessairement connaissance de la circonstance qu'il avait travaillé sans être rémunéré ; que, par application de l'article 9 de la loi du 29 janvier 1831, la prescription était acquise le 31 décembre 1948, sauf à ce que la déchéance ait été interrompue ou suspendue ;

Considérant en deuxième lieu qu'à l'appui de sa demande indemnitaire M. X invoque les préjudices moral et physique subis par lui et le préjudice financier correspondant aux salaires non versés au titre de son travail obligatoire en Allemagne ; que M. X ne verse aucune pièce au dossier de nature à établir qu'il aurait été victime d'une blessure, d'une maladie ou d'une invalidité directement et certainement imputables au service du travail obligatoire auquel il a été astreint et que son état de santé n'aurait été consolidé qu'à une date suffisamment tardive pour faire obstacle au départ ou à l'expiration du délai de prescription fixé par les textes susrappelés ; que dès lors M. X ne peut être regardé comme n' ayant pas connu dans toute leur étendue avant le 31 décembre 1948 les conséquences dommageables du travail forcé auquel il a été astreint non plus que comme ayant été dans l'impossibilité d'agir avant cette date ;

Considérant en troisième lieu, que le caractère imprescriptible des crimes contre l'humanité posé par l'article 213-5 du code pénal ne s'attache qu'à l'action pénale et à l'action civile engagée devant la juridiction répressive ; qu'en revanche, l'action en réparation dirigée par des particuliers contre l'Etat français est soumise, en l'absence de texte les écartant expressément, aux règles de prescription fixées par les dispositions législatives précitées ; que par suite M. X ne peut utilement soutenir, pour faire échec à la déchéance quadriennale qui lui est opposée, que les actes fautifs commis par l'Etat et à l'origine des préjudices qu'il invoque seraient constitutifs de crimes contre l'humanité ;

Considérant qu'il résulte de tout de qui précède que le ministre de la défense a pu régulièrement opposer la prescription de la créance à la demande indemnitaire de M. X ; que, dès lors et en tout état de cause, M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de la Défense lui opposant ladite prescription ;

Sur les conclusions indemnitaires présentées par M. X :

Considérant que dans sa demande introduite devant le Tribunal administratif de Paris et enregistrée sous le n° 04-17661 par le greffe de ce tribunal, M. X ne présentait aucune conclusion indemnitaire mais se bornait à demander l'annulation de la décision du ministre de la défense lui opposant la déchéance quadriennale à la suite de la demande d'indemnisation présentée devant l'administration ; que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris n'a statué que sur cette demande d'annulation ; que par suite, les conclusions indemnitaires présentées pour la première fois en appel par M. X sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par M. X qui est, dans la présente instance, la partie perdante ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

4

N° 05PA00153


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ere chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 05PA00153
Date de la décision : 27/06/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE-OTANI
Rapporteur public ?: Mme GIRAUDON
Avocat(s) : LUDOT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-06-27;05pa00153 ?
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