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26/06/2006 | FRANCE | N°02PA03508

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3eme chambre - formation b, 26 juin 2006, 02PA03508


Vu la requête, enregistrée le 24 septembre 2002, présentée par le MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DU TRAVAIL ET DE LA SOLIDARITE ; le ministre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 26 juin 2002 par lequel ce dernier a annulé la décision du préfet de Paris en date du 9 janvier 1997 refusant à la société S.A.P.B. de lui accorder une dérogation à la règle du repos dominical des salariés ;

2°) de condamner la société S.A.P.B. à lui verser une somme de 750 euros en application des dispositions de l'article L. 76

1-1 du code de justice administrative ;

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Vu la requête, enregistrée le 24 septembre 2002, présentée par le MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DU TRAVAIL ET DE LA SOLIDARITE ; le ministre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 26 juin 2002 par lequel ce dernier a annulé la décision du préfet de Paris en date du 9 janvier 1997 refusant à la société S.A.P.B. de lui accorder une dérogation à la règle du repos dominical des salariés ;

2°) de condamner la société S.A.P.B. à lui verser une somme de 750 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 février 2006 :

- le rapport de M. Amblard, rapporteur,

- les observations de Me X... pour la Société S.A.P.B.,

- et les conclusions de Mme Helmlinger, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, pour annuler l'arrêté du préfet de Paris en date du 9 janvier 1997 refusant à la société S.A.P.B., qui exploite une salle de dépôt vente de brocante et d'antiquités rue d'Alésia à Paris XIVe arrondissement, l'autorisation de déroger à la règle du repos dominical des salariés, le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur « l'erreur d'appréciation » que le préfet aurait commise en fondant sa décision, d'une part, sur l'appréciation de l'absence de « nécessité quotidienne avérée » des produits vendus par la société S.A.P.B. et, d'autre part, sur la possibilité d'un report de la clientèle de ladite société sur les autres jours de la semaine sans « s'interroger sur le respect (...) des principes de la liberté du commerce et de la libre concurrence » ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 221-5 du code du travail : « Le repos hebdomadaire doit être donné le dimanche » ; qu'aux termes de l'article L. 221-6 du même code : « Lorsqu'il est établi que le repos simultané, le dimanche, de tout le personnel d'un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de cet établissement, le repos peut être donné, soit toute l'année, soit à certaines époques de l'année seulement suivant l'une des modalités ci-après ... Les autorisations nécessaires ne peuvent être accordées que pour une durée limitée » ; qu'enfin aux termes de l'article L. 221-8-1 du même code : « Sans préjudice des dispositions de l'article L. 221-6, dans les communes touristiques ou thermales et dans les zones touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente, le repos hebdomadaire peut être donné par roulement pour tout ou partie du personnel, pendant la ou les périodes d'activités touristiques, dans les établissements de vente au détail qui mettent à disposition du public des biens et des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs d'ordre sportif, récréatif ou culturel. » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que toute dérogation à la règle du repos dominical ne peut revêtir qu'un caractère d'exception pour faire face à des besoins avérés du public ne pouvant être satisfaits un autre jour ou pour permettre le fonctionnement normal d'une activité commerciale ; que, alors même que les dispositions précitées ne l'exigent pas expressément, l'appréciation que doit porter le préfet sur les demandes de dérogation à la règle du repos doit tenir compte de l'atteinte portée à la liberté du commerce de l'industrie ; qu'il doit ainsi, notamment, prendre en compte les distorsions de concurrence compromettant le fonctionnement normal d'un établissement qui pourraient résulter d'un refus de dérogation ; qu'en l'espèce, en motivant sa décision notamment par le fait « que la preuve n'est pas apportée par le demandeur que la fermeture dominicale de son établissement en compromette le fonctionnement normal dans la mesure où les prestations fournies peuvent être reportées sur les autres jours de la semaine, et qu'en tout état de cause, la survie de l'entreprise ne se trouverait pas compromise par la cessation d'activité dominicale », le préfet doit être regardé comme ayant pris en compte le respect du principe sus-rappelé ; qu'ainsi le seul fait pour le préfet de ne pas avoir mentionné l'absence d'atteinte à la libre concurrence, qui n'est pas un principe général du droit, ou au principe de liberté du commerce et de l'industrie, n'est pas de nature à établir qu'il a entaché sa décision, « d'erreur d'appréciation » ou d'erreur de droit ;

Considérant que par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté litigieux du 9 janvier 1997 ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de la requête de la société S.A.P.B. devant le Tribunal administratif de Paris ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'eu égard notamment à la nature des produits mis en vente dans le commerce de dépôt-vente d'objets de brocante et d'antiquités que la société S.A.P.B. exploite sous l'enseigne « la caverne des particuliers », le repos simultané le dimanche de tout le personnel de la société S.A.P.B. puisse être regardé comme étant « préjudiciable au public » au sens des dispositions précitées de l'article L. 221-6 du code du travail ; que le préfet, par sa décision notamment motivée par le fait que « les articles vendus par l'établissement requérant ne correspondent pas le dimanche à un besoin du public dont la satisfaction ne peut être différée ou reportée sur un autre jour de la semaine » et que « le repos simultané des salariés de l'établissement n'est pas préjudiciable au public », a pu ainsi estimer, sans commettre d'erreur d'appréciation ni entacher sa décision d'erreur de droit ; que la société requérante ne se trouvait pas dans le premier des cas permettant l'octroi d'une dérogation à la règle du repos dominical ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société S.A.P.B. ne peut se prévaloir, pour obtenir une dérogation à la règle du repos simultané le dimanche de tout le personnel, de l'importance de son chiffre d'affaires dominical, qui a été réalisé grâce à son maintien, depuis sa création en 1977, dans une situation irrégulière ; que, si elle soutient par ailleurs que le repos simultané le dimanche de tout le personnel entraînerait une baisse notable de ses résultats, elle ne démontre pas que son fonctionnement normal en serait compromis ; que, eu égard à la nature de leur activité et de leur fréquentation, ainsi que eu égard à leur situation, la circonstance que les marchés aux puces de Paris sont ouverts le dimanche ainsi que, épisodiquement, l'hôtel des ventes de Drouot ou que sont organisées ponctuellement des foires à la brocante à proximité de la mairie du quatorzième arrondissement, n'est pas de nature à établir l'existence d'un risque de détournement de clientèle ; que, de même, il n'est pas établi que des commerces de même nature situés à proximité du commerce exploité par la société S.A.P.B. auraient bénéficié d'une autorisation d'ouverture le dimanche ; que, dès lors, le repos simultané le dimanche de tout le personnel de la société S.A.P.B. ne peut être regardé comme étant de nature à compromettre son « fonctionnement normal » au sens des dispositions de l'article L. 221-6 du code du travail ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il n'est ni établi, ni même allégué que le commerce exploité par la société S.A.P.B. serait situé dans une zone touristique d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente ; que, dès lors, à supposer même qu'elle puisse être regardée comme mettant à disposition du public des biens et des services destinés à faciliter ses activités de détente ou de loisirs d'ordre récréatif ou culturel, la société S.A.P.B. ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article L. 221-8-1 précité du code du travail ;

Considérant enfin que, ni la circonstance, à la supposer établie, qu'une partie du personnel de la société S.A.P.B. serait volontaire pour travailler le dimanche, ni la circonstance que deux organisations professionnelles auraient émis un avis favorable sur la demande de dérogation à la règle du repos simultané le dimanche de tout le personnel présentée par la société S.A.P.B., ne sont de nature à entacher la décision litigieuse d'erreur de droit ou d'erreur d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société S.A.P.B. tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Paris en date du 9 janvier 1997 doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions susmentionnées font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas en l'espèce la partie perdante, soit condamnée à verser à la société S.A.P.B. la somme qu'elle réclame au titre des frais irrépétibles qu'elle a engagés ; que le MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DU TRAVAIL ET DE LA SOLIDARITE ne justifie pas des frais irrépétibles qu'il aurait engagés à l'occasion de la présente instance ; que, dès lors, les conclusions de la requête du MINISTRE DES AFFAIRES SOCIALES, DU TRAVAIL ET DE LA SOLIDARITE tendant à ce que la société S.A.P.B. soit condamnée à payer à l'Etat à une somme de 750 euros à ce titre doivent être rejetés ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris nº 9712766/3 du 26 juin 2002 est annulé.

Article 2 : La requête de la société S.A.P.B. tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Paris en date du 9 janvier 1997 est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre est rejeté.

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N° 02PA03508


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3eme chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 02PA03508
Date de la décision : 26/06/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FOURNIER DE LAURIERE
Rapporteur ?: M. François AMBLARD
Rapporteur public ?: Mme HELMLINGER
Avocat(s) : LAUVAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-06-26;02pa03508 ?
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