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23/06/2006 | FRANCE | N°04PA00918

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2eme chambre - formation b, 23 juin 2006, 04PA00918


Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2004, présentée pour Mme Véronique X, élisant domicile ..., par Me Mosser, avocat ; Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 février 2004 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à ce que la base de l'impôt sur le revenu qui lui a été assignée au titre de l'année 1994 soit réduite d'une somme de 1 194 627 F (182 119,71 euros) et à ce que les pénalités de mauvaise foi qui lui ont été assignées soient déchargées ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et des

pénalités correspondant à cette réduction de la base d'imposition ainsi que des pénali...

Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2004, présentée pour Mme Véronique X, élisant domicile ..., par Me Mosser, avocat ; Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 février 2004 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à ce que la base de l'impôt sur le revenu qui lui a été assignée au titre de l'année 1994 soit réduite d'une somme de 1 194 627 F (182 119,71 euros) et à ce que les pénalités de mauvaise foi qui lui ont été assignées soient déchargées ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et des pénalités correspondant à cette réduction de la base d'imposition ainsi que des pénalités de mauvaise foi ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 juin 2006 :

- le rapport de M. Dalle, rapporteur ;

- les observations Me Mosser Laurent pour Mme X ;

- et les conclusions de M. Bataille, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X est médecin généraliste à Paris ; que le complément d'impôt sur le revenu qu'elle conteste, mis à sa charge au titre de l'année 1994 à la suite d'une vérification de sa comptabilité, procède du refus de l'administration d'admettre la déduction de son bénéfice imposable de l'année 1994 d'une charge de 1 194 627 F, correspondant à l'achat de produits médicaux ; que l'administration a rejeté cette charge au motif que la réalité de la livraison des produits en cause n'était pas établie et que la requérante ne justifiait pas que cette dépense était nécessitée par l'exercice de sa profession ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 226-13 du code pénal, dans sa rédaction alors en vigueur : « La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 100 000 F d'amende » ; et qu'aux termes de l'article 226-14 du même code : « L'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret … » ; qu'aux termes de l'article 1649 quater G du code général des impôts : Les documents tenus par les adhérents des associations définies à l'article 1649 quater F en application de l'article 99 ou 101 bis du présent code doivent être établis conformément à l'un des plans comptables professionnels agréés par le ministre de l'économie et des finances. Les documents comptables mentionnés au premier alinéa comportent, quelle que soit la profession exercée par l'adhérent, l'identité du client ainsi que le montant, la date et la forme du versement des honoraires ; qu'aux termes de l'article L. 86 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : « La nature des prestations fournies par l'adhérent d'une association de gestion agréée ne peut faire l'objet de demandes de renseignements de la part de l'administration des impôts lorsque cet adhérent est membre d' une profession non commerciale soumis au secret professionnel en application des articles 226-13 et 226-14 du code pénal » ; qu'il résulte des dispositions précitées des articles 1649 quater G du code général des impôts et L. 86 A du livre des procédures fiscales que la circonstance que l'administration fiscale accède, dans le cadre de son droit de communication, à un document, comptable ou non, fournissant des renseignements sur le paiement des actes effectués par un médecin sur des patients nommément désignés n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la vérification en vue de laquelle le droit de communication a été exercé, sous réserve toutefois que ce document ne comporte aucune indication, même sommaire ou codée, concernant la nature des prestations médicales fournies aux patients ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les questionnaires adressés par le vérificateur aux clients de Mme X ne contenaient pas de demandes d'information à caractère médical ; qu'il ne résulte d'aucune des pièces du dossier que les réponses à ces questionnaires auraient comporté des renseignements relatifs à la nature des prestations médicales fournies aux clients de Mme X ; que, par ailleurs, aucune des pièces du dossier, notamment pas les procès-verbaux de visite et de saisie établis à cette occasion, ne permet de corroborer l'allégation de la requérante selon laquelle des pièces mentionnant des renseignements de nature médicale auraient été saisies au cours des visites effectuées par les agents des impôts à son domicile et à son cabinet médical ; que, contrairement à ce qu'elle soutient, il ne ressort pas du rapport du vérificateur à la commission départementale des impôts directs que ce dernier n'ait pu discuter du chiffre d'affaires généré par les achats de collagène qu'à partir d'informations couvertes par le secret médical, communiquées par des patients ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'administration a méconnu les règles relatives au secret médical ne peut qu'être rejeté ;

Considérant, en deuxième lieu, que, s'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure de redressement mise en oeuvre, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis dans l'exercice de son droit de communication afin que l'intéressé soit mis à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition, elle n'est tenue à cette obligation qu'en ce qui concerne ceux des renseignements qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements ; qu'en l'espèce, l'administration affirme qu'elle n'a pas utilisé les réponses aux questionnaires adressés aux clients de Mme X pour établir le redressement litigieux ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait utilisé ces réponses ;

Sur le bien-fondé de l'imposition en litige :

Considérant qu'aux termes de l'article 93 du code général des impôts, relatif au mode de détermination des bénéfices non commerciaux : « 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession » ; que, quelle qu'ait été la procédure d'imposition suivie par l'administration, il appartient dans tous les cas au contribuable de fournir des éléments propres à justifier que les dépenses qu'il a portées dans les charges déductibles étaient « nécessitées par l'exercice de la profession » ;

Considérant que le vérificateur a refusé d'admettre en déduction, au titre de l'année 1994, une somme de 1 194 627 F correspondant à des achats aux Emirats arabes unis, d'un collagène fabriqué au Japon et ne bénéficiant pas d'autorisation de mise sur le marché en France ; qu'après avoir présenté lors de la vérification, des factures « pro-forma » qui ne pouvaient être acceptées comme justificatifs, les factures établies par la société Ryadh General Trading ont finalement été produites faisant d'ailleurs apparaître, contrairement à ce qui ressortait de la comptabilité, que Mme X restait devoir 307 000 F à son fournisseur ; que l'administration fait cependant observer que les paiement allégués ayant été effectués en espèces, l'identité du fournisseur n'a pu être vérifiée ; qu'au surplus, la facture du transporteur désigné, DHL, n'a pu être produite, non plus que la preuve de la livraison effective ; que d'ailleurs, le transporteur, interrogé par l'administration, s'est défendu d'avoir eu affaire à Mme X et d'avoir introduit en France un médicament ne bénéficiant pas d'une autorisation de mise sur le marché ;

Considérant enfin que si la requérante se prévaut d'un arrêt du 10 novembre 1999 de la Cour d'appel de Paris la déclarant coupable de contrebande de marchandises prohibées d'une valeur totale, hors taxe de 1 258 387 F, ce jugement fondé sur l'aveu même de la requérante, n'établit que l'importation illicite du collagène et non pas que celui-ci aurait été utilisé par la requérante pour les besoins de son activité non commerciale, des produits autorisés, d'origine américaine, ayant pu servir aux injections pratiquées par Mme X ; que c'est donc à bon droit que cette dépense a été écartée par l'administration des charges déductibles des recettes réalisées en 1994 par Mme X ;

Sur les pénalités de mauvaise foi :

Considérant qu'eu égard au caractère personnel des frais correspondant à l'usage d'un appartement et à la circonstance que Mme X ne pouvait ignorer que les conditions de déductibilité des provisions de 40 000 F et 20 000 F n'étaient pas remplies, l'administration apporte la preuve de la mauvaise foi du contribuable en ce qui concerne ces redressements ; qu'en revanche, s'agissant de la charge correspondant à l'importation de collagène, elle n'établit pas que la requérante aurait eu l'intention d'éluder l'impôt, en se bornant à affirmer que l'importation réelle du produit n'est pas établie ; qu'il y a lieu en conséquence d'accorder à Mme X la décharge des pénalités de mauvaise foi correspondant à ce redressement ;

Sur les frais irrépétibles :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme X tendant à l'octroi de frais irrépétibles ;

DECIDE :

Article 1er : Mme X est déchargée des pénalités de mauvaise foi afférentes au redressement, en bases, d'un montant de 1 194 627 F, qui lui a été assigné au titre de l'année 1994.

Article 2 : Le surplus de la requête de Mme X est rejeté.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

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N° 04PA00918


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2eme chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 04PA00918
Date de la décision : 23/06/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ESTEVE
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: M. BATAILLE
Avocat(s) : SCP BERNARD LAGARDE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-06-23;04pa00918 ?
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