Vu, enregistrée au greffe de la cour le 1er avril 2004, la requête présentée pour M. Y... X, élisant domicile ... par Me X..., avocat ; M. Y... X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 1er mars 2004 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1991 à 1993 mises en recouvrement le 31 août 1995 et des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'administration à lui verser la somme de 1913,60 euros en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mai 2006 :
- le rapport de M. Alfonsi, rapporteur,
- et les conclusions de M. Magnard, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité au titre de l'année 1988 de la société civile immobilière Gemacou ayant pour objet la gestion d'immeubles et détenue à parts égales par MM. Z... et Y... X, l'administration fiscale a réduit le déficit de cette société de personnes imputable sur les revenus de ses associés en proportion de la valeur de leurs parts à raison de la remise en cause du caractère déductible d'une indemnité d'éviction ; qu'en conséquence, par deux notifications de redressement datées des 25 mai et 29 juillet 1994, l'administration a rehaussé les revenus fonciers de M. Y... X au titre des années 1991, 1992 et 1993 qu'elle a respectivement fixés à 561.313 F, 125.184 F et 775.808 F ; que, par le jugement attaqué, rendu le 1er avril 2004, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. Y... X tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu procédant de ces redressements auxquels il a été assujetti pour les années 1991 à 1993 ;
Sur le bien fondé de l'imposition en litige :
Considérant qu'aux termes de l'article 13 du code général des impôts : « 1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu… » ; que l'article 28 du même code dispose que : « le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété », et que, selon l'article 31 dudit code : « Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net foncier comprennent : 1) Pour les propriétés urbaines : a) les dépenses de réparation et d'entretien, les frais de gérance et de rémunération des gardes et concierges..., b) les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation..., c) Les impositions... perçues à raison desdites propriétés..., d) Les intérêts des dettes contractés pour la conservation, l'acquisition, la construction, la réparation ou l'amélioration des propriétés ; e) Une déduction forfaitaire... représentant les frais de gestion, l'assurance et l'amortissement... » ;
Considérant, d'une part, que l'indemnité d'éviction versée, en cas de non-renouvellement du bail, au locataire commerçant en application de la législation relative aux baux commerciaux n'entre pas dans les charges de la propriété énumérées aux a), b), c) et d) de l'article 31-1 précité ; que, d'autre part, pour déterminer si une telle indemnité trouve sa contrepartie dans un accroissement du capital immobilier du bailleur ou doit être regardée comme une dépense effectuée par lui en vue de l'acquisition ou de la conservation du revenu, au sens de l'article 13 du code général des impôts, ou encore si ladite indemnité entre, le cas échéant, dans l'une et l'autre de ces catégories selon des proportions à fixer, il y a lieu de tenir compte des circonstances de l'espèce ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCI Gemacou a acquis, par acte du 20 mai 1988 des locaux commerciaux dans un immeuble situé ... ( 6ème) pour un prix de 1.800.000 F ; que ces locaux étaient occupés par un commerçant y exploitant une librairie en vertu d'un bail commercial d'une durée de neuf ans conclu à compter du 1er janvier 1981 par le vendeur de l'immeuble pour un loyer annuel s'élevant à 79.437 F au 1er janvier 1987 ; que la SCI Gemacou a résilié ce bail le 1er juin 1988, avec effet au 31 juillet 1988 moyennant le versement d'une indemnité d'éviction de 3.000.000 F ; que par un engagement conclu le 5 septembre 1988 pour une durée inférieure à deux ans qui ne présentait pas le caractère d'un bail commercial, elle a mis les locaux en cause, moyennant un loyer annuel de 450.000 F, à disposition du requérant, lequel a effectué des travaux de rénovation pour l'exploitation d'un commerce de prêt-à-porter ; qu'enfin, par un bail commercial conclu pour une durée de neuf ans à compter du 1er février 1990 la SCI Gemacou a loué ces locaux à la Sarl Painco moyennant un loyer annuel de 558.000 F, soit un montant plus de six fois supérieur à celui du loyer annuel versé par le commerçant évincé ; qu'ainsi, l'indemnité d'éviction en litige a permis, après la réalisation de travaux, la relocation de l'immeuble à des conditions plus avantageuses ;que, dès lors, la concomitance entre l'acquisition de l'immeuble et le versement de l'indemnité n'a pas conféré à cette dernière le caractère d'une dépense engagée en vue de la réalisation d'un gain en capital ; qu'elle doit, au contraire, être regardée comme ayant visé à augmenter le revenu tiré de l'immeuble et pouvant ainsi être déduite, par application des dispositions précitées du 1 de l'article 13 du code général des impôts, du revenu de la SCI Gemacou imposable entre les mains de ses associés, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'à la suite de l'éviction de son précédent locataire et jusqu'au 1er février 1990, le local a été provisoirement loué par le requérant qui a procédé à des travaux pour l'exploitation d'une entreprise individuelle de vente de prêt-à-porter, dès lors que le paiement de l'indemnité a permis la continuation de l'activité commerciale, fût-ce sous une autre forme, ni celle que le prix acquitté par la SCI pour l'acquisition du bien était inférieur aux prix du marché ; que, par suite, l'administration ne pouvait remettre en cause le déficit reporté sur les résultats de la SCI pour les années 1991 à 1993 et né en 1988 de la déduction de l'indemnité d'éviction en litige ;
Considérant qu'il suit de là que M. Y... X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ; que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu, en application de ces dispositions de condamner l'Etat à payer à M. Y... X une somme de 1.500 euros au titre des frais, exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : M. Y... X est déchargé en droits et intérêts de retard du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1991, 1992 et 1993.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 1er mars 2004 est annulé.
Article 3 : L'Etat versera à M. Y... X la somme de 1.500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 Le surplus des conclusions de M. Y... X est rejeté.
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N° 04PA01185