Vu I°) enregistrée le 13 octobre 2003 au greffe de la cour sous le n° 03PA03989, la requête présentée pour la société à responsabilité limitée ENODIS, dont le siège social est ..., par Me X..., avocat ; la société ENODIS demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Melun n° 002051, 002058 en date du 19 juin 2003 en tant que cette décision a rejeté sa demande de décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre des années 1992 à 1995 ainsi que des pénalités y afférentes et de restitution des sommes versées majorées des intérêts moratoires ;
2°) de prononcer la décharge et la restitution demandées ;
3°) de condamner l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et au remboursement des droits de timbre payés tant en première instance qu'en appel ;
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Vu II°) enregistrée le 13 octobre 2003 au greffe de la cour sous le n° 03PA03990, la requête présentée pour la société à responsabilité limitée ENODIS, dont le siège social est ..., par Me X..., avocat ; la société ENODIS demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Melun n° 002051, 002058 en date du 19 juin 2003 en tant que cette décision a rejeté sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er avril 1991 au 31 mars 1995 et de restitution des sommes versées majorées des intérêts moratoires ;
2°) de prononcer la décharge et la restitution demandées ;
3°) de condamner l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et au remboursement des droits de timbre payés tant en première instance qu'en appel ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2006 :
- le rapport de M. Bossuroy, rapporteur,
- et les conclusions de M. Magnard, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes enregistrées le 13 octobre 2003 sous les nos 03PA03989 et 03PA03990 sont présentées par la même société et présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt ;
Considérant que la société ENODIS, qui exploite un supermarché, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos le 31 mars des années 1992 à 1995 à l'issue de laquelle l'administration a notamment procédé à une reconstitution partielle de ses recettes ; que la société ENODIS relève appel du jugement du 19 juin 2003 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes de décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie à la suite de ce contrôle ;
Considérant que la société exploitait principalement une activité de vente en libre service de produits alimentaires et, accessoirement, une activité de boulangerie-pâtisserie, un stand extérieur de vente de fruits et légumes et divers appareils distributeurs ; que le vérificateur a estimé que les activités annexes ne faisaient pas l'objet d'un comptabilisation régulière et a procédé pour chacune d'elles à une reconstitution de recettes ;
Sur la charge de la preuve :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge ;
Considérant que la société requérante n'a pas été en mesure de justifier, notamment par la production de bandes de caisse enregistreuse, du détail des recettes de son activité de boulangerie-pâtisserie ; que la comptabilité de la société ne permet pas d'identifier les recettes du stand extérieur de vente de fruits et légumes et des appareils distributeurs ; que ni la circonstance que la société serait soumise à des obligations comptables particulières du fait de son rattachement à un grand groupe du secteur de la distribution, ni les tableaux produits en première instance ne sont de nature à justifier de la réalité de la comptabilisation des recettes des ventes de fruits et légumes ; que l'administration apporte dès lors la preuve des graves irrégularités affectant la comptabilité des activités de boulangerie-pâtisserie, de vente de fruits et légumes et d'exploitation d'appareils distributeurs ; qu'ainsi, comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif en constatant que les impositions étaient conformes à l'avis de la commission départementale des impôts, la société supporte la charge de la preuve de l'exagération des impositions ;
Sur les reconstitutions de recettes :
Considérant, en premier lieu, que, pour reconstituer le chiffre d'affaires de l'activité de boulangerie-pâtisserie, le vérificateur a déterminé le coefficient de marge brute de cette activité en rapprochant les prix de vente constatés en 1995 des prix d'achat de l'exercice clos en 1994 et a appliqué ce coefficient aux montants des achats de chaque exercice ; qu'il a ensuite réduit les résultats obtenus des pertes de recettes dues aux promotions effectuées sur certains produits ; que la commission départementale des impôts, dont l'avis a été suivi par l'administration ainsi qu'il a été dit ci-dessus, a proposé de réduire de 2,58 à 2,15 le coefficient retenu par le vérificateur, pour tenir compte notamment des pertes et des promotions ; que la requérante ne justifie pas que des modifications de ses conditions d'exploitation ou que les effets de l'inflation, auraient rendu impossible l'application aux exercices soumis à vérification du coefficient de 2,58 ramené à 2,15 ; que la circonstance que l'administration a établi les impositions en litige en adoptant les bases d'impositions résultant de l'avis de la commission réduisant forfaitairement le coefficient applicable sans distinguer l'influence des pertes de celle des promotions n'est pas de nature à vicier la méthode utilisée ; que si la société évoque les résultats de sa propre reconstitution elle n'apporte aucune précision sur ce point ;
Considérant, en second lieu, que la société ne formule aucune critique à l'encontre des méthodes de reconstitution utilisées d'une part pour l'activité de vente de fruits et légumes et d'autre part pour l'exploitation de distributeurs automatiques ;
Sur les pénalités de mauvaise foi :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, les irrégularités relevées par le service dans la comptabilisation d'activités accessoires à l'activité principale de la société et les omissions de déclaration de recettes résultant de l'application de méthodes de reconstitutions extra-comptables appliquées à ces activités ne sont pas de nature à établir le caractère intentionnel des insuffisances de déclaration ainsi constatées ; qu'il y a lieu, par suite, de prononcer la décharge des pénalités de mauvaise foi auxquelles la société a été assujettie en matière d'impôt sur les sociétés et en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; que, contrairement à ce que soutient le ministre, il ne ressort pas des termes de la réclamation de la requérante qu'elle ait entendu expressément limiter sa demande de décharge desdites pénalités aux seuls redressements des recettes de l'activité de boulangerie-pâtisserie et de vente de fruits et légumes ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société ENODIS est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a refusé de la décharger des pénalités de mauvaise foi mises à sa charge ;
Sur les conclusions tendant à la restitution des sommes versées et des intérêts moratoires y afférents :
Considérant que, faute de litige né et actuel sur ce point avec les comptables chargés du recouvrement des impositions en litige, les conclusions susvisées sont irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions précitées ;
DECIDE :
Article 1er : La société ENODIS est déchargée des pénalités de mauvaise foi afférentes aux compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1992 à 1995 et aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er avril 1991 au 31 mars 1995.
Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de la société ENODIS est rejeté.
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Nos03PA003989, 03PA03990