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16/05/2006 | FRANCE | N°03PA03031

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre - formation b, 16 mai 2006, 03PA03031


Vu la requête, enregistrée le 29 juillet 2003, présentée pour les consorts X par la SCP Chaisemartin Courjon ; les consorts X demandent à la cour d'annuler le jugement du 7 mai 2003 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'État à leur verser la somme de 1 530 305,80 euros à titre de dommages et intérêts ; ils soutiennent en premier lieu que le jugement entrepris doit être annulé en ce qu'il ne comporte pas le visa et l'analyse des mémoires échangés ; qu'au fond, le jugement repose sur une dénaturation des faits eu éga

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Vu la requête, enregistrée le 29 juillet 2003, présentée pour les consorts X par la SCP Chaisemartin Courjon ; les consorts X demandent à la cour d'annuler le jugement du 7 mai 2003 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'État à leur verser la somme de 1 530 305,80 euros à titre de dommages et intérêts ; ils soutiennent en premier lieu que le jugement entrepris doit être annulé en ce qu'il ne comporte pas le visa et l'analyse des mémoires échangés ; qu'au fond, le jugement repose sur une dénaturation des faits eu égard au préjudice anormal qu'ils ont subi et qui justifie la condamnation de l'État à leur verser les sommes qu'ils réclament correspondant au préjudice subi à raison de l'interdiction d'exploiter une carrière, à raison des contraintes imposées pour l'exploitation forestière, à raison du fait de l'imposition à la taxe foncière, et enfin du fait de la restriction au droit de chasse ; il demandent en outre, la condamnation de l'État à leur verser la somme de 4573,47 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et de 4600 euros au titre des frais irrépétibles dans la présente procédure en appel ;

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Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mai 2006 :

le rapport de M. Treyssac, rapporteur,

- les observations de Me Chaisemartin pour les consorts X,

- et les conclusions de Mme Giraudon, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement:

Considérant que les consorts X soutiennent dans leur requête sommaire que les juges de première instance ont entaché leur décision d'irrégularité en ce que le jugement ne comporte pas le visa et l'analyse des mémoires échangés ; qu'il résulte toutefois des pièces du dossier de première instance que l'ensemble des mémoires échangés a été visé et analysé par le magistrat rapporteur ; qu'il s'ensuit que le moyen manque en fait ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté la demande des consorts X tendant à la réparation du préjudice découlant pour eux de l'arrêté du 29 novembre 1986 du préfet de Seine-et-Marne portant protection d'un site biologique de nidification du héron cendré sur une superficie de 38 hectares sur le territoire de la commune de Marolles-sur-Seine en considérant que ledit arrêté n'était entaché d'aucune illégalité fautive et que le préjudice découlant de la servitude administrative que représente cet arrêté de biotope était dépourvu d'un caractère anormal et spécial de nature à ouvrir droit à l'indemnisation ; qu'en appel les consorts X font valoir que le préjudice dont ils demandent réparation présente un tel caractère ;

Considérant que le préjudice causé aux activités, notamment agricoles résultant de l'application des articles 3 et 4 de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, dont les dispositions ont été reprises aux articles L. 211-1 et L. 211-2 du code rural puis L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement, doit faire l'objet d'une indemnisation par l'Etat lorsque excédant les intérêts inhérents aux activités en cause, il revêt un caractère grave et spécial et ne saurait, dès lors, être regardé comme une charge incombant notamment aux interjetées ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les consorts X avaient conclu avec la société D.I.S une convention d'exploitation d'une sablière se situant sur le terrain litigieux ; que ladite convention portait sur l'extraction de 825 000 m3 de sable au prix de 7 F le m² ; que par arrêté du 18 mai 1987 le préfet de Seine-et-Marne a refusé d'accorder à la société exploitante l'autorisation d'exploiter cette carrière au motif que l'arrêté préfectoral du 21 novembre 1986 portant protection de ce site interdisait toute extraction de matériaux ; que par suite, les requérants sont fondés à soutenir que c'est en raison de l'édiction de l'arrêté du biotope qu'il ont été privés du bénéfice de l'exploitation de leur carrière ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les autres dispositions réglementaires dont font état les intimés, notamment le plan d'occupation des sols de la commune, interdiraient ladite exploitation ; que le préjudice subi par les consorts X revêt, dans les circonstances de l'espèce un caractère anormal et spécial de nature à leur ouvrir droit à indemnité ; qu'il en sera fait une juste appréciation en condamnant l'Etat à verser à ce titre aux consorts X la somme de 500 000 euros ;

Considérant que les requérants demandent également réparation du préjudice qu'ils ont subi en ce qu'ils n'ont pu exploiter leur peupleraie située dans la pépinière de protection visée par l'arrêté préfectoral de biotope ; qu'il résulte de l'instruction que si les consorts X ont obtenu une autorisation d'exploitation forestière en 1987, celle-ci était assortie de contraintes telles qu'ils n'ont pu trouver acquéreur pour leur bois avant que cette autorisation ne devienne caduque ; que par ailleurs ils se sont heurtés à des fins de non recevoir dans leurs demandes successives ultérieures d'autorisation de coupe dans leur peupleraie ; qu'ainsi ils sont fondés à soutenir que le préjudice subi est de nature à leur ouvrir droit à indemnité ; qu'il sera fait une juste application de ce second chef de préjudice condamnant l'Etat à verser à ce titre aux consorts X la somme de 50 000 euros ;

Considérant en revanche que ni l'assujettissement de la propriété à la taxe foncière sur les propriétés non bâties, qui est sans rapport avec son classement dans le périmètre de l'arrêté de biotope ni l'interdiction de chasser après le 1er janvier ne constituent, dans les circonstances de l'espèce des préjudices susceptibles d'ouvrir droit à l'indemnisation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts X sont fondés à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande ; qu'il y a lieu en conséquence d'annuler le jugement attaqué et de condamner l'Etat à verser aux consorts X la somme de 550 000 euros au titre des préjudices subis par eux ;

Sur les intérêts et la capitalisation :

Considérant que les consorts X ont droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme de 550 000 euros à compter du 17 septembre 1999, date à laquelle ils ont demandé réparation à l'Etat ; qu'ils ont demandé la capitalisation des intérêts le 29 juillet 2003 ; qu'à cette date les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a dès lors lieu de faire droit à cette demande à cette date et à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761 - 1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761 - 1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le paiement aux consorts X la somme de 4 500 euros au titre des deux instances introduites devant le Tribunal administratif de Melun et devant la cour de céans ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Melun est annulé.

Article le 2 : L'Etat versera aux consorts X la somme de 550 000 euros assortie des intérêts à compter du 17 septembre 1999. Les intérêts échus à la date du 29 juillet 2003 pris à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'Etat versera aux consorts X la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 03PA03031


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 03PA03031
Date de la décision : 16/05/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: M. Jean-François TREYSSAC
Rapporteur public ?: Mme GIRAUDON
Avocat(s) : S.C.P CHAISEMARTIN-COURJON

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-05-16;03pa03031 ?
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