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16/05/2006 | FRANCE | N°02PA00999

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ere chambre - formation b, 16 mai 2006, 02PA00999


Vu la requête, enregistrée le 19 mars 2002, présentée pour M. Christian X, élisant domicile ... par Me Meillet ; M. Christian X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°9619929/5 en date du 20 décembre 2001, en tant que par ce jugement, le Tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à sa demande, en annulant le rejet implicite du ministre des affaires étrangères de la demande indemnitaire qu'il a formée le 29 juin 1996, en condamnant l'Etat à lui payer une indemnité au titre de la perte de traitement subie pour la période d'éviction illégale

du 1er septembre 1986 au 1er septembre 1989, la somme de 10.000 F au t...

Vu la requête, enregistrée le 19 mars 2002, présentée pour M. Christian X, élisant domicile ... par Me Meillet ; M. Christian X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°9619929/5 en date du 20 décembre 2001, en tant que par ce jugement, le Tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à sa demande, en annulant le rejet implicite du ministre des affaires étrangères de la demande indemnitaire qu'il a formée le 29 juin 1996, en condamnant l'Etat à lui payer une indemnité au titre de la perte de traitement subie pour la période d'éviction illégale du 1er septembre 1986 au 1er septembre 1989, la somme de 10.000 F au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence et la somme de 5.000 F au titre des frais irrépétibles, en ordonnant au ministre des affaires étrangères, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, de régulariser la situation de M. X au titre de la période du 1er septembre 1986 au 1er septembre 1989, auprès de la CNAVTS et de l'IRCANTEC ;

2°) de condamner l'Etat à verser à M. X la somme de 106.660,34 euros en compensation des traitements non perçus du 1er septembre 1986 au 28 février 2006 après soustraction des sommes perçues, la somme de 45.000 euros en réparation des troubles subis dans les conditions d'existence et du préjudice moral ;

3°) d'ordonner au ministre des affaires étrangères de procéder à la régularisation de la situation de M. X auprès des caisses de retraite CNAVTS et IRCANTEC pour toute la période d'éviction, soit du 1er septembre 1986 au 28 février 2006 ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n°83-481 du 11 juin 1983 ;

Vu la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu la loi n°86-14 du 6 janvier 1986 ;

Vu le décret N°84-721 du 17 juillet 1984 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mai 2006 :

le rapport de Mme Appèche-Otani, rapporteur,

- les observations de Me Poncy pour M. X,

- et les conclusions de Mme Giraudon, commissaire du gouvernement ;

Sur la prescription opposée par l'administration :

Considérant que, lorsqu'est demandée l'indemnisation du préjudice résultant de l'illégalité d'une décision administrative, la créance correspondant à la réparation de ce préjudice se rattache non pas à l'exercice au cours duquel la décision a été prise mais à celui au cours duquel elle a été régulièrement notifiée ; qu'en l'espèce, aucune des pièces du dossier ne permet d'établir la date de notification à M. X de la décision prononçant son licenciement ; que par suite, et sans que l'administration puisse utilement soutenir que ce dernier ayant été privé de revenu et s'étant inscrit comme demandeur d'emploi, il aurait nécessairement eu connaissance de ladite décision, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté la prescription opposée par le ministre à la créance de M. X ;

Sur le préjudice indemnisable résultant des pertes de rémunérations :

En ce qui concerne la période ouvrant droit à indemnisation :

Considérant que par jugement du 26 novembre 1996 devenu définitif le Tribunal administratif de Paris a annulé, pour erreur de droit, la décision du 11 mai 1986 prononçant la rupture du contrat de M. X à effet du 1er septembre 1986 ; qu'annulée par ce jugement ayant acquis l'autorité de la force jugée, cette décision de licenciement est réputée ne jamais être intervenue et M. X est réputé avoir continué à être régi par les stipulations dudit contrat ;

Considérant qu'en raison de son licenciement illégal en 1986, M. X n'était plus en fonctions à l'étranger entre 1er septembre 1986 et 1er septembre 1989, date d'expiration du délai fixé par l'article 1er du décret susvisé n°84-721 du 25 juillet 1984 ; que du fait de cette éviction illégale du service, il ne remplissait pas la condition fixée au 2° dudit décret pour être inscrit sur la liste d'aptitude ; que par suite, et comme le soutient M. X dans ses écritures, la circonstance qu'il n'ait pas demandé à être intégré dans le corps des adjoints d'enseignement avant la rentrée scolaire de 1989 ne pouvait avoir pour effet de fixer à cette date le terme de la période d'éviction illégale ouvrant droit à réparation ; qu'au surplus, il ressort de l'instruction que M. X avait demandé le 29 septembre 1984 soit antérieurement à son éviction, à bénéficier d'une intégration dans la fonction publique ; que par suite, M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a fixé au 1er septembre 1989 le terme de la période d'éviction illégale ouvrant droit à réparation ; que le requérant a droit à réparation du préjudice correspondant aux pertes de rémunérations sur la période du 1er septembre 1986 au 28 février 1996 veille de sa réintégration dans les effectifs de l'administration ;

En ce qui concerne les modalités de calcul de l'indemnité :

Considérant que comme l'ont estimé les premiers juges, M. X ne tenait d'aucun texte le droit à une revalorisation de l'indice figurant à son contrat et servant au calcul de sa rémunération ; que dès lors l'indemnité qui lui est due pour la période du 1er septembre 1986 au 28 février 1996 doit correspondre à la différence entre, d'une part, le traitement net calculé en fonction de l'indice qui était celui de M. X à la date de son éviction illégale et des indemnités qui en constituent l'accessoire (indemnité de résidence de 1ère zone, et supplément familial de traitement), à l'exclusion des indemnités représentatives de frais et des éléments de rémunération liés à l'exercice effectif des fonctions et à l'affectation à l'étranger, et, d'autre part, des allocations pour perte d'emploi et des rémunérations des activités exercées par M. X et que ce dernier a perçues au cours de la période ; que, contrairement aux allégations du requérant, l'indemnité doit être calculée en prenant pour référence les valeurs du point applicables au cours de la période d'éviction et non celle en vigueur à la date de la demande de réparation du préjudice subi du fait de la perte de ses traitements ;

Considérant que l'état du dossier ne permettant pas au juge de déterminer le montant des sommes dues à ce titre à M. X, il y a lieu de renvoyer celui ;ci devant l'administration, pour qu'il soit procédé à la liquidation de sa créance ;

En ce qui concerne les intérêts et les capitalisation des intérêts :

Considérant que l'indemnité à calculer devra porter intérêts, à compter de la date de réception par l'administration de la demande du 29 juin 1996 pour la fraction correspondant aux traitements qui auraient dû être versés à cette date, et au delà de cette date, à compter de la date à laquelle aurait dû être versé chacun des traitements correspondant à chaque fraction mensuelle de l'indemnité ; que M. X a demandé dans son mémoire du 25 avril 2006 la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque demande annuelle à compter de cette date ;

En ce qui concerne les troubles dans les conditions d'existence et le préjudice moral :

Considérant que la période d'éviction illégale s'étendant du 1er septembre 1986 au 29 février 1996, il sera fait une juste évaluation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par M. X durant l'ensemble de cette période en condamnant l'administration à lui verser à ce titre une somme de 8.000 euros tous intérêts confondus ;

Sur les conclusions tendant à la régularisation de la situation de M. X vis-à-vis des organismes de retraite :

Considérant qu'il y a lieu d'enjoindre à l'Etat de procéder à la régularisation de la situation de M. X sur la période allant du 1er septembre 1986 au 29 février 1996 auprès de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) et de l'Institution de Retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (IRCANTEC), dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à M. X une somme de 3.000 euros au titre des frais exposés par celui-ci et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'Etat (ministre des affaires étrangères) est condamné à payer à M. X une indemnité au titre de la perte de rémunération pour la période du 1er septembre 1986 au 29 février 1996. Le requérant est renvoyé devant l'administration pour la liquidation de sa créance.

Cette indemnité portera intérêts à compter de la date de réception par l'administration de la demande du 29 juin 1996 pour la fraction correspondant aux traitements qui auraient dû être versés à cette date, et au delà de cette date, à compter de la date à laquelle aurait dû être versé chacun des traitements correspondant à chaque fraction mensuelle de l'indemnité. Les intérêts, échus à la date du 25 avril 2006 seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 2 : Il est enjoint à l' Etat (ministre des affaires étrangères) de procéder à la régularisation de la situation de M. X sur la période allant du 1er septembre 1986 au 29 février 1996 auprès des caisses de retraite, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat (ministre des affaires étrangères) versera à M. X une somme de 8.000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence.

Article 4 : L'Etat (ministre des affaires étrangères) versera à M. X une somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 6 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 20 décembre 2001 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

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N°02PA00999


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ere chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 02PA00999
Date de la décision : 16/05/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE-OTANI
Rapporteur public ?: Mme GIRAUDON
Avocat(s) : MEILLET

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-05-16;02pa00999 ?
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