Vu la requête, enregistrée le 4 novembre 2002, présentée pour
Mme Nicole X, demeurant ..., par Me Florand ; Mme X demande à la cour :
1°) de réformer le jugement en date du 3 septembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etablissement français du sang (EFS) à réparer le préjudice que lui a causé sa contamination par le virus de l'hépatite C, en tant que les premiers juges ont limité à 17 000 euros le montant des sommes qui lui sont dues à ce titre ;
2°) de condamner l'Etablissement français du sang à lui verser les sommes totales de 187 898, 82 euros au titre du préjudice extra patrimonial et de 183 849, 40 euros au titre du préjudice patrimonial ;
3°) de condamner l'Etablissement français du sang à lui payer la somme de
7 622, 45 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 avril 2006 :
- le rapport de M. Boulanger, rapporteur,
- les observations de Me Riou, pour Mme X, et celles de Me de Lavaur, pour l'Etablissement français du sang,
- et les conclusions de Mme Folscheid, commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme X, alors âgée de 34 ans, a subi le 11 décembre 1981 à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière une intervention consistant en l'ablation de la vésicule biliaire qui a nécessité la transfusion de produits sanguins ; que sa contamination par le virus de l'hépatite C a été diagnostiquée en 1993 ; qu'elle relève régulièrement appel du jugement en date du 3 septembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etablissement français du sang à réparer le préjudice que lui a causé cette contamination, en tant que les premiers juges ont limité à 17 000 euros le montant des sommes qui lui sont dues à ce titre cependant que l'Etablissement français du sang conclut à la confirmation du même jugement et que la mutuelle générale de la police présente des conclusions aux fins de remboursement de ses débours ;
Considérant, d'une part, qu'eu égard à leur imprécision, les divers documents produits par Mme X à l'appui de sa demande de remboursement des débours engagés au titre des frais médicaux et pharmaceutiques qui n'auraient pas été pris en charge par la sécurité sociale et par sa mutuelle et qui s'élèveraient à la somme de 45 734,71 euros, ne justifient pas de leur relation directe avec la contamination dont il s'agit, à les supposer même supportés par la requérante ;
Considérant, d'autre part, que Mme X fait état d'une perte de revenus pour la période courant du 1er juillet 1993, date à laquelle lui a été servie une pension civile de retraite pour inaptitude jusqu'au 6 septembre 2012, date théorique de son admission future à la retraite, qu'elle estime à la somme totale de 136 862, 85 euros ; que toutefois, elle ne produit à l'appui de ses dires que l'avis de la commission de réforme du 28 janvier 1993 qui se prononce sur le taux d'invalidité ; que si le rapport de la commission, au demeurant incomplet, fait état de troubles digestifs en relation avec la contamination dont s'agit, il n'établit pas l'existence d'un tel lien avec l'état dépressif chronique associé à une névrose phobo obsessionnelle et à des troubles du comportement, qui constitue pourtant l'essentiel de la pathologie de Mme X ; que la décision de la COTOREP du 20 septembre 1996 également produite au dossier n'est pas non plus de nature à établir une telle relation de causalité avec ladite contamination ; qu'il résulte de l'instruction et des différentes pièces produites notamment par la requérante elle-même, que la découverte de sa contamination n'a en réalité fait « qu'affirmer » un syndrome anxio dépressif qui préexistait ; que dans ces conditions, il n'est pas établi que les troubles invoqués, les congés de maladie à mi traitement octroyés à Mme X depuis juin 1993 puis sa mise à la retraite pour invalidité soient la conséquence de la contamination par le virus de l'hépatite C ; que Mme X n'est ainsi pas fondée à demander la réformation du jugement qui a rejeté sa demande sur ce chef de préjudice ;
Considérant enfin, que Mme X, aujourd'hui âgée de 59 ans, a subi depuis novembre 1993, date à laquelle a été découverte sa contamination, divers troubles dans ses conditions d'existence ainsi qu'une aggravation de son état dépressif, lié pour partie ainsi qu'il vient d'être dit à sa contamination et aux craintes qu'elle entretient légitimement quant à l'évolution de son état de santé, de nature à ouvrir un droit à réparation ; que l'expert désigné par les premiers juges a relevé dans ses conclusions que les multiples arrêts de travail et la grande fatigue résultant de l'hépatite avaient entraîné chez Mme X un préjudice majeur, que la durée de l'incapacité temporaire totale représentait 535 jours du 1er janvier 1982 au 12 mars 1989, date au delà de laquelle l'intéressée avait été placée en congé de longue maladie avant d'être placée en position d'invalidité à compter du 3 juin 1993, qu'elle ne souffrait d'aucun préjudice esthétique et que les souffrances physiques qu'il évaluait à 2/7, se rapportaient aux biopsies hépatiques subies et, éventuellement, à une interruption volontaire de grossesse, « si elle est directement rattachable à la pathologie » ;
Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que Mme X n'a subie qu'une seule ponction biopsie hépatique le 27 août 1996 ; que si elle fait valoir les risques d'évolution de la maladie, cet unique examen a révélé que l'intéressée, pour laquelle la mise en place d'un traitement antiviral par bithérapie n'a pas été jugé souhaitable par le corps médical eu égard notamment à son état de santé psychologique, est atteinte d'une hépatite chronique « d'activité minime, sans fibrose portale ni stéatose » ; qu'un courrier du docteur Y du 13 février 2003 révèle d'ailleurs que Mme X « conserve la plupart du temps des taux de transaminases normaux, ce qui indique probablement … une faible activité du virus C » ; que des pièces du dossier il résulte que ni l'interruption volontaire de grossesse subie par la requérante en octobre 1990, ni la tumorectomie du sein gauche pratiquée en 1991 en raison de la présence d'un nodule du sein, ni l'hypothyroïdie auto immune dont souffre l'intéressée laquelle n'est généralement observée que dans le cadre de traitements antiviraux spécifiques de l'hépatite C qui n'ont pas été mis en oeuvre dans son cas ne sont directement liées à la contamination en cause ; que le seul certificat établi à la demande de Mme X le 14 décembre 1999 par le docteur Z évoquant une hypothyroïdie « pouvant être en rapport avec l'hépatite C » ne suffit pas à lui seul à démontrer l'existence d'un tel lien ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus et comme l'avait noté l'expert dans son rapport qui soulignait « le psychisme un peu particulier de la patiente », la découverte de sa contamination n'a fait que confirmer un état dépressif qui préexistait chez Mme X ; que si celle-ci fait enfin valoir qu'elle ne peut plus s'adonner à sa passion d'artiste peintre ni « à tout type d'occupations ludiques » selon ses propres dires, il est constant qu'elle a continué d'exposer ses oeuvres après 1990, date à laquelle elle dit avoir connu sa contamination, sans que soit nullement apportée la preuve que ces tableaux auraient été réalisés antérieurement à cette date ; que tenant compte de la diminution de ses capacités physiques, de la surveillance médicale régulière à laquelle elle se soumet, de la ponction biopsie pratiquée en 1996 et des troubles de toute nature dans sa vie privée et familiale, notamment des souffrances morales liées aux incertitudes sur son état de santé, c'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont évalué l'ensemble des préjudices subis par la requérante à la somme de 17 000 euros ; qu'il y a, par suite, lieu de rejeter les conclusions de Mme X tendant à la réévaluation de l'indemnité allouée par les premiers juges sur ce chef de préjudice ;
Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 3 septembre 2002, le Tribunal administratif de Paris a limité à 17 000 euros le montant des sommes qui lui sont dues par l'Etablissement français du sang en réparation du préjudice que lui a causé sa contamination par le virus de l'hépatite C ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de Mme X le paiement à l'Etablissement français du sang des sommes que ce dernier réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Sur les conclusions présentées devant la cour par la mutuelle générale de la police :
Considérant que les conclusions présentées devant la cour par la mutuelle générale de la police sont nouvelles en appel et sont, par suite, irrecevables ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la mutuelle générale de la police et les conclusions de l'Etablissement français du sang, aux fins d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
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N° 02PA03771