Vu enregistrée le 26 mai 2003 au greffe de la cour, la requête présentée pour M. Carino X, élisant domicile ..., par Me Frau, avocat ; M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9610385/1 et 9811967/1 en date du 26 mars 2003 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société Clichy Terrassements Matériaux Transport (C.T.M.T.) au titre de la période du 1er avril 1985 au 31 décembre 1989 et des compléments d'impôt sur les sociétés mis à la charge de cette société au titre des exercices clos les 31 mars 1988 et 1989, dont il a été déclaré solidaire par un jugement du tribunal de grande instance de Bobigny du 15 mars 1994 ;
2°) de prononcer les décharges demandées ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mars 2006 :
- le rapport de M. Bossuroy, rapporteur,
- les observations de M. Carino X,
- et les conclusions de M. Magnard, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par un jugement du tribunal de grande instance de Bobigny du 15 mars 1994, M. X a été déclaré solidairement tenu au paiement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société C.T.M.T., qui exploitait une entreprise de démolition, au titre de la période du 1er janvier 1988 au 31 mars 1989 et des compléments d'impôt sur les sociétés mis à la charge de cette société au titre des exercices clos en 1988 et 1989 ; que M. X relève appel du jugement du 26 mars 2003 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes de décharge de ces impositions ;
Considérant que, comme le soutient le requérant, le tribunal n'a pas répondu au moyen par lequel il faisait valoir que la société C.T.M.T. a été privée, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, de la possibilité d'engager un débat oral et contradictoire avec le vérificateur au cours des opérations de vérification de comptabilité ; que le jugement attaqué doit par suite être annulé ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées au tribunal administratif par M. X ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par une décision postérieure à l'introduction de la demande, l'administration a prononcé le dégrèvement, à hauteur respectivement de 3 399 756 F et de 4 844 502 F, en droits et pénalités, des compléments d'impôt sur les sociétés mis à la charge de la société C.T.M.T. au titre des exercices clos en 1988 et 1989 ; que les conclusions de la demande sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur le surplus des conclusions de M. X :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, que la société C.T.M.T. a reçu un avis de vérification de comptabilité en date du 13 février 1989 portant sur l'ensemble de ses déclarations et la période du 1er avril 1985 au 31 mars 1988, un deuxième avis en date du 28 mars 1989 portant sur la taxe sur la valeur ajoutée et la période du 1er mars 1988 au 31 décembre 1988, puis un troisième avis en date du 14 novembre 1989 suivi d'un avis complémentaire en date du 22 novembre 1989 portant sur l'impôt sur les sociétés de l'exercice du 1er avril 1988 au 31 mars 1989 et sur la taxe sur la valeur ajoutée de la période du 1er janvier 1989 au 31 mars 1989 ; qu'il est constant que les premières interventions sur place du vérificateur ont eu lieu respectivement les 27 février 1989, 5 avril 1989 et 5 décembre 1989 ; que la société a ainsi disposé d'un délai suffisant pour se faire assister d'un conseil avant chaque intervention du vérificateur ; que la circonstance que les notifications de redressements mentionnent une vérification de comptabilité se déroulant sans discontinuer du 27 février au 14 décembre 1989 n'établit pas que la société aurait été privée de la possibilité de se faire assister d'un conseil ;
Considérant, en deuxième lieu, que la seule circonstance que les redressements portant sur les factures de la société LOMATRAP n'ont été notifiés que le 10 octobre 1990 et ne faisaient pas partie des redressements notifiés auparavant n'apporte pas la preuve que la société aurait été privée de la garantie d'un débat oral et contradictoire au cours des opérations de vérification de comptabilité ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : « Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration » ; que si M. X fait valoir que la charte du contribuable vérifié qui a été transmise à la société était périmée, faute d'indiquer que l'appel du jugement défavorable rendu le cas échéant par le tribunal administratif sur les impositions susceptibles d'être mise à sa charge à l'issue du contrôle devait être effectué devant une cour administrative d'appel, il ne résulte pas de l'instruction que cette lacune a été, en l'espèce, de nature à priver la contribuable d'une garantie essentielle ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : « L'avis de mise en recouvrement individuel prévu à l'article L. 256 du livre des procédures fiscales comporte : 1° Les indications nécessaires à la connaissance des droits, taxes, redevances, impositions ou autres sommes qui font l'objet de cet avis ; 2° Les éléments du calcul et le montant des droits et des pénalités, indemnités ou intérêts de retard, qui constituent la créance. Toutefois, les éléments du calcul peuvent être remplacés par le renvoi au document sur lequel ils figurent, lorsque ce document a été établi ou signé par le contribuable ou son mandataire ou lui a été notifié antérieurement... » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement n° 920007 M en date du 11 février 1992 renvoie à la notification de redressements du 22 janvier 1990 alors que cette notification a été annulée par une nouvelle notification de redressements du 20 février 1990 ; que cet avis est par suite irrégulier alors même que les éléments de calcul des impositions figurant dans les deux notifications sont identiques ; qu'il y a lieu, dès lors, de prononcer la décharge des droits et pénalités d'un montant total de 5 130 530 F visés par l'avis de mise en recouvrement n° 920007 M ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement n° 920008 M du 11 février 1992 renvoie à la notification de redressements du 10 octobre 1992 concernant la taxe sur la valeur ajoutée déduite à raison des factures émises par la société LOMATRAP ; que les mentions de l'avis de mise en recouvrement et de la notification de redressements permettaient de connaître sans difficulté les taux respectifs des intérêts de retard et des pénalités pour manoeuvres frauduleuses ; que figuraient également dans cette notification de redressements la base et le taux de ces pénalités qui constituent les éléments de leur calcul ; que n'était pas indiqué, en revanche, la période de liquidation des intérêts de retard ; que les intérêts de retard d'un montant de 69 973 F portés sur ce second avis de mise en recouvrement devront dès lors également faire l'objet d'une décharge ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
Considérant que l'administration a refusé en matière d'impôt sur les sociétés, la déduction des charges de sous-traitance comptabilisées par la société C.T.M.T. qui correspondaient à des fausses factures ; qu'elle a également refusé la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée portées sur lesdites factures ; que M. X ne conteste pas que les factures en cause ne correspondaient à aucune prestation réelle ; que la circonstance que tout ou partie des prestations fictives facturées à la société C.T.M.T. auraient été refacturées à ses clients et que la société n'aurait ainsi joué qu'un rôle d'intermédiaire dans le réseau frauduleux dont elle faisait partie ne peut que rester sans incidence sur le bien-fondé de ces redressements ; que l'administration n'ayant pas procédé en l'espèce à une reconstitution des résultats de l'entreprise, les moyens tirés du caractère radicalement vicié de la méthode prétendument utilisée sont inopérants ; que les dispositions de l'instruction référencée 13 L-6-76 du 28 avril 1976 recommandant aux services d'éviter l'établissement d'impositions jugées excessives ne contiennent, en tout état de cause, aucune interprétation différente de la loi fiscale ;
En ce qui concerne les pénalités afférentes aux compléments d'impôt sur les sociétés :
Considérant qu'il est établi, notamment par les constatation du juge pénal, que la société C.T.M.T. participait de manière délibérée à un réseau de fausses facturations ; que les pénalités pour manoeuvres frauduleuses prévues par l'article 1729 du code général des impôts ont été dès lors à bon droit mises à sa charge, nonobstant la circonstance que les bases d'imposition n'auraient pas été minorées du fait des refacturations effectuées par la société ;
En ce qui concerne le recouvrement des impositions :
Considérant que les moyens de X relatifs au recouvrement des impositions contestées sont inopérants dans le cadre du présent litige concernant l'établissement de l'impôt ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 26 mars 2003 est annulé.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer à concurrence d'une somme de 5 244 258 F sur les conclusions de la demande de M. X relatives à l'impôt sur les sociétés.
Article 3 : La société C.T.M.T. est déchargée des droits et pénalités d'un montant de 5 130 530 F visés par l'avis de mise en recouvrement n° 920007M du 11 février 1992 ainsi que des intérêts de retard d'un montant de 69 983 F visés par l'avis de mise en recouvrement n° 920008 de la même date, mis à sa charge en matière de taxe sur la valeur ajoutée.
Article 4 : Le surplus des conclusions des demandes de M. X est rejeté.
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N° 03PA02098