Vu la requête, enregistrée le 22 janvier 2002, présentée pour Mme Béatrice X, élisant domicile ... et Melle Aude X, élisant domicile ..., par Me Meillet ; Mme Béatrice X et Melle Aude X demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9710911/5 et 9807702/5 en date du 60septembres2001 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à leur demande en annulant la décision du 21 juin 1988 du ministre en charge de la coopération mettant fin aux fonctions de M. X à compter du 20 août 1988 et en enjoignant à l'Etat de procéder à la régularisation de la situation de M. X auprès des caisses de retraite ;
2°) de dire que l'administration ne peut opposer la prescription quadriennale à la créance de M. X ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 175.236 euros (1.149.472,80 F ) en compensation des traitements non perçus après soustraction des sommes perçues, la somme de 15 250 euros (10 033,44 F) en réparation du préjudice moral subi par M. X et de tous les troubles et préjudices subis dans les conditions d'existence ainsi que la somme au titre des frais irrépétibles ;
4°) d'enjoindre au ministre des affaires étrangères de procéder à la régularisation de la situation de M. X auprès des Caisses de retraite CNAV et IRCANTEC ;
5°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 3 048,98 euros (20 000F) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 68 ;1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu la loi n° 72 ;569 du 13 juillet 1972 ;
Vu la loi n° 83 ;481 du 11 janvier 1983 ;
Vu la loi n° 83 ;634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84 ;16 du 11 janvier 1984 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 février 2006 :
- le rapport de Mme Appèche-Otani, rapporteur,
- et les conclusions de Mme Giraudon, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par le jugement attaqué, devenu sur ces points définitif, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du ministre de la coopération en date du 21 juin 1988 de ne pas renouveler le contrat de M. X et a enjoint à l'administration de procéder à la régularisation de la situation de M. X auprès des organismes de retraite au titre de la période d'éviction illégale ; que, par le même jugement, le tribunal, faisant droit à l'exception de prescription quadriennale opposée par le ministre, a rejeté les conclusions des consorts X tendant à l'indemnisation pour la période du 20 août 1988 au 31 décembre 1992 du préjudice né du licenciement illégal de M. X ; que les consorts X contestent en appel la prescription qui leur a été opposée ainsi que le montant et les modalités de calcul de l'indemnisation accordée par le tribunal en réparation des préjudices résultant pour elles des pertes de rémunérations ainsi que des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral subis ;
Sur la prescription opposée par l'administration :
Considérant que les premiers juges se sont fondés sur ce que la créance dont se prévalaient les requérantes se rattachait à l'année au cours de laquelle la décision illégale avait été prise soit en 1988 et qu'elle était prescrite quand les intéressées en ont demandé le remboursement ;
Considérant, toutefois, que lorsqu'est demandée l'indemnisation du préjudice résultant de l'illégalité d'une décision administrative, la créance correspondant à la réparation de ce préjudice se rattache non pas à l'exercice au cours duquel la décision a été prise mais à celui au cours duquel elle a été régulièrement notifiée ; qu'en l'espèce, aucune des pièces du dossier ne permet d'établir la date de notification à M. X de la décision prononçant son licenciement ; que, par suite, les requérantes sont fondées à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit ;
Sur le préjudice résultant des pertes de rémunérations :
En ce qui concerne la période ouvrant droit à indemnisation :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts X ont droit à réparation du préjudice correspondant aux pertes de rémunérations sur la période du 20 août 1988, date du licenciement illégal au 22 août 1996, date du décès de M.cX ;
En ce qui concerne les modalités de calcul de l'indemnité :
Considérant que, pour soutenir que l'indemnité qui leur est due doit tenir compte de la progression de l'indice de rémunération dont aurait bénéficié M. X, les requérantes se prévalent de ce que, lors de chaque renouvellement de contrat, M.,X aurait bénéficié d'une prise en compte de l'ancienneté acquise, en vertu du décret n° 78-571 du 25 avril 1978 puis des dispositions de l'article 20 du décret du 18edécembre 1992 ;
Considérant, toutefois, que si les dispositions de la loi du 26 janvier 1984 faisaient obstacle à ce qu'il soit mis fin, sauf pour raisons disciplinaires ou pour insuffisance professionnelle, aux fonctions des agents non titulaires ayant vocation à être titularisés, l'administration avait seulement pour obligation de maintenir M. X en fonction, nonobstant la circonstance que son contrat avait atteint son terme, sans avoir à conclure avec lui un nouveau contrat ; que le ministre de la coopération n'était donc pas tenu de modifier les termes du contrat de M. X, notamment en ce qui concerne la fixation du niveau de sa rémunération ; que les requérantes ne sauraient utilement invoquer les dispositions de l'alinéa 4 de l'article 20 du décret du 18 décembre 1992 dès lors que la situation de M. X restait régie par les dispositions en vigueur à la date de son dernier contrat ; que dès lors l'indemnité due à Mme et à Mlle X pour la période susmentionnée doit correspondre à la différence entre, d'une part, le traitement net calculé en fonction de l'indice qui était celui de M. X à la date de son éviction illégale et des indemnités qui en constituent l'accessoire (indemnité de résidence de 1ère zone, et supplément familial de traitement), à l'exclusion des indemnités représentatives de frais et des éléments de rémunération liés à l'exercice effectif des fonctions et à l'affectation à l'étranger, et, d'autre part, des allocations pour perte d'emploi et des rémunérations des activités exercées à titre privé que M. X a perçues au cours de la période, y compris, le cas échéant, les frais professionnels et de séjour à l'étranger ;
Considérant que, contrairement aux allégations des requérantes, l'indemnité doit être calculée en prenant pour référence les valeurs du point applicables au cours de la période d'éviction et non celle en vigueur à la date de la demande de réparation du préjudice subi du fait de la perte de ces traitements ;
Considérant que l'état du dossier ne permettant pas au juge de déterminer le montant des sommes dues à ce titre à Mme et Mlle X, il y a lieu de renvoyer celles-ci devant l'administration, pour qu'il soit procédé à la liquidation de leur créance ;
En ce qui concerne les intérêts :
Considérant que l'indemnité à calculer devra porter intérêts à compter du 13Cmars 1998, date de réception par l'administration de la demande préalable en date du 28 février 1998 ;
Sur les conclusions tendant à la régularisation de la situation de M. X vis-à-vis des organismes de retraite :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre à l'Etat de procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, à la régularisation de la situation de M. X sur la période allant du 20 août 1988 au 22 août 1996 auprès des caisses de retraite ;
Sur le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence :
Considérant que les requérantes ont droit à obtenir réparation du préjudice subi par M. X du fait des troubles ayant affecté ses conditions d'existence et imputables au licenciement illégal dont il a fait l'objet ; qu'elles ont droit également à réparation du préjudice moral qu'elles ont subi et du préjudice correspondant aux troubles ayant affecté leurs propres conditions d'existence du fait du licenciement de leur époux et père ; qu'il sera fait une juste appréciation de ces préjudices en les fixant à la somme globale de 6 000 €, tous intérêts compris à la date du présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer aux requérantes une somme de 3 048 € euros au titre des frais exposés par celles-ci et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'Etat est condamné à payer à Mme et à Mlle X une indemnité au titre de la perte de rémunération, pour la période du 20 août 1988 au 22 août 1996. Les requérantes sont renvoyées devant l'administration pour la liquidation de leur créance. La somme qui sera déterminée portera intérêts à compter du 13 mars 1998.
Article 2 : Il est enjoint à l'Etat de procéder à la régularisation de la situation de M. X sur la période allant du 20 août 1988 au 22 août 1996 auprès des caisses de retraite, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme et Mlle X la somme de 6 000 € au titre du préjudice moral.
Article 4 : L'Etat versera à Mme et Mlle X la somme de 3 048 € au titre des frais irrépétibles.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X et de MelleeX est rejeté.
Article 6 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 6 septembre 2001 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
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N° 02PA00282
Mme Béatrice ROLLAND et Melle Aude ROLLAND