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17/01/2006 | FRANCE | N°05PA02678

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, Juge des reconduites a la frontiere, 17 janvier 2006, 05PA02678


Vu, I, sous le n° 05PA02678, la requête, enregistrée le 6 juillet 2005, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0507414/8 du 2 mai 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 28 avril 2005 décidant la reconduite à la frontière de Mlle Radia X et lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mlle

X devant le Tribunal administratif de Paris ;

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Vu, I, sous le n° 05PA02678, la requête, enregistrée le 6 juillet 2005, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0507414/8 du 2 mai 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 28 avril 2005 décidant la reconduite à la frontière de Mlle Radia X et lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mlle X devant le Tribunal administratif de Paris ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du 5 septembre 2005 par laquelle le président de la Cour a délégué les pouvoirs qui lui sont attribués par les articles L. 776-1 et R. 222-33 du code de justice administrative à Mme Régnier-Birster ;

Après avoir au cours de l'audience publique du 3 janvier 2006, présenté son rapport et entendu :

- les conclusions de M. Trouilly, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées présentées par le PREFET DE POLICE sont dirigées à l'encontre d'un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « l'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...)1º Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X, de nationalité algérienne, ne justifie pas être entrée régulièrement sur le territoire ni être en possession d'un titre de séjour en cours de validité ; qu'elle entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ; et qu'aux termes de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien susvisé : « Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. » ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X, née en 1983 à Alger, a été scolarisée en France dès l'âge de 10 ans ; qu'elle produit pour attester de cette scolarité et de sa présence en France des certificats de scolarité portant, d'une part, sur les années scolaires 1993/94, 1994/95 et 1995/ 96, d'autre part, sur la période comprise entre le 1er avril 1999 et le 30 juin 1999 puis sur l'année scolaire 2000/01 ; que la demande d'admission au séjour formée par son père en septembre 1997, alors qu'elle était mineure, fait également état de sa présence en France laquelle est également établie par la demande qu'elle a elle-même formée au cours de l'année 2001 auprès de la préfecture de police de Paris ;

Considérant, d'autre part, que Mlle X est mère d'une jeune enfant née le 16 septembre 2004 en France et reconnue par son père, ressortissant algérien titulaire d'une carte de résident, et avec lequel l'intéressée vit en concubinage depuis février 2004 ; que la naissance d'un deuxième enfant est attendue pour le mois de mai 2006 ;

Considérant enfin que si les parents de l'intéressée sont repartis en Algérie, alors même qu'une procédure judiciaire avait été engagée par celle-ci à l'âge de 16 ans à l'encontre de son père, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mlle X qui produit d'ailleurs, l'attestation ministérielle de compétence linguistique obtenue le 19 octobre 2005 dans le cadre de la conclusion du contrat d'accueil et d'intégration en cours, ait conservé des liens avec ses parents, ni avec son pays d'origine ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté du PREFET DE POLICE en date du 28 avril 2005 doit être regardé comme ayant porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été pris ledit arrêté et ayant méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien susvisé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le tribunal administratif de Paris annulé son arrêté du 28 avril 2005 décidant la reconduite à la frontière de Mlle X et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

Sur les conclusions portant sur la mesure d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. » et qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de la demande formée par Mlle X devant le Tribunal administratif de Paris, que cette dernière s'est bornée à demander l'annulation de l'arrêté en date du 28 avril 2005 du PREFET de POLICE décidant sa reconduite à la frontière et à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois ; qu'en enjoignant au PREFET DE POLICE de délivrer à Mlle X un titre de séjour à la suite de l'annulation de la mesure de reconduite, laquelle n'impliquait pas nécessairement, au sens des dispositions précitées de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, la délivrance d'une carte de séjour temporaire mais seulement que l'intéressée soit munie d'une autorisation provisoire de séjour et que le préfet se prononce à nouveau sur son droit à un titre de séjour, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a excédé ses pouvoirs ; que, par suite, le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que le jugement attaqué par suite doit être annulé en tant qu'il lui enjoint de délivrer à Mlle X une carte de séjour ;

Considérant toutefois qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe à l'autorité administrative, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet de police de se prononcer sur la situation de Mlle X dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :

Considérant que le présent arrêt, qui statue sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué, rend sans objet les conclusions aux fins de sursis à exécution dudit jugement ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mlle X et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement susvisé du 2 mai 2005 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris est annulé .

Article 2 : Le surplus des conclusions du PREFET DE POLICE tendant à l'annulation du jugement est rejeté.

Article 3 : Le PREFET DE POLICE statuera sur la situation de Mlle X dans un délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à Mlle X la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du PREFET DE POLICE tendant au sursis à exécution du jugement susvisé du 2 mai 2005 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris.

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N°s 05PA02678, 05PA03249


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : Juge des reconduites a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05PA02678
Date de la décision : 17/01/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Françoise REGNIER-BIRSTER
Rapporteur public ?: M. TROUILLY
Avocat(s) : ROCHICCIOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-01-17;05pa02678 ?
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