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30/12/2005 | FRANCE | N°01PA04025

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ere chambre - formation b, 30 décembre 2005, 01PA04025


Vu la requête, enregistrée le 3 décembre 2001, présentée par Me Secrétant pour M. Didier X, élisant domicile ... ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°9818352/5 et 9901062/5 en date du 29 juin 2001 par lequel le Tribunal administratif de Paris a d'une part, rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 4 juin 1998 par laquelle le ministre des affaires étrangères a décidé de mettre fin à son emploi de coopérant à compter du 1er septembre 1998, ensemble la décision du 10 août 1998 du ministre des affaires étrangères rejetant so

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Vu la requête, enregistrée le 3 décembre 2001, présentée par Me Secrétant pour M. Didier X, élisant domicile ... ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°9818352/5 et 9901062/5 en date du 29 juin 2001 par lequel le Tribunal administratif de Paris a d'une part, rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 4 juin 1998 par laquelle le ministre des affaires étrangères a décidé de mettre fin à son emploi de coopérant à compter du 1er septembre 1998, ensemble la décision du 10 août 1998 du ministre des affaires étrangères rejetant son recours gracieux, et de celle du 19 novembre 1998 rejetant sa demande indemnitaire du 12 octobre 1998, et d'autre part, a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices financier et moral subis du fait de cette éviction illégale ;

2°) d'annuler les décisions litigieuses ;

3°) de condamner l'Etat à verser à lui verser la somme de 506 755,47 F (77 257,42 euros ) au titre des pertes de traitements pour la période allant du 1er septembre 1998 au 30 novembre 2001 ainsi que la somme de 200 000 F (30 489,80 euros) au titre de son préjudice moral ;

4°) d'enjoindre à l'administration de régulariser la situation de M. X « au regard des organismes de retraite IRCANTEC et CNAVTS » ;

5°) de condamner l'Etat à verser à lui verser une somme de 25 000 F (3 811 euros) au titre des frais irrépétibles ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le statut général des fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 72-659 du 13 juillet 1972 relative à la situation du personnel civil de coopération culturelle, scientifique et technique auprès d'Etats étrangers ;

Vu la loi n°83-481 du 11 juin 1983 ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 84-721 du 17 juillet 1984 fixant les conditions exceptionnelles d'accès d'enseignants non titulaires exerçant dans des établissements d'enseignement supérieur situés à l'étranger au corps des adjoints d'enseignement ;

Vu le décret n° 2000-788 du 24 août 2000 fixant les conditions exceptionnelles d'intégration de certains agents non titulaires mentionnés à l'article 74 1° de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 dans des corps de fonctionnaires de catégorie A ;

Vu le décret n° 2000-791 du 24 août 2000 fixant certaines conditions exceptionnelles d'intégration d'agents non titulaires mentionnés à l'article 74 1° de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 dans des corps de fonctionnaires de catégorie A B et C ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 décembre 2005 :

- le rapport de Mme Appèche-Otani, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Giraudon, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 74 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 formant titre II du statut général des fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales : « (…) Les personnels non titulaires chargés de fonctions dans des établissements d'enseignement supérieur au titre de la loi n° 72-569 du 13 juillet 1972 (…) qui ont exercé leurs fonctions à temps plein dans l'enseignement supérieur, ont vocation à être titularisés, soit dans un corps de l'enseignement supérieur sur des emplois réservés à cet effet, soit dans un corps de l'enseignement secondaire, soit dans un corps technique ou administratif des administrations de l'Etat, sous réserve de remplir les conditions exigées pour l'accès à chacun de ces corps. Ils pourront être astreints à exercer leurs fonctions en coopération pendant une durée maximale de quatre années à compter de la date de leur titularisation » ; qu'en vertu des dispositions des articles 79 et 80 de la même loi, des décrets en Conseil d'Etat organisent les modalités d'accès des non titulaires visés notamment à l'article 74 à certains corps de fonctionnaires et fixent le délai qui leur est ouvert pour présenter leur candidature ; que l'article 82 de la même loi précise que « les agents non titulaires qui peuvent se prévaloir des dispositions qui précèdent ne peuvent être licenciés que pour insuffisance professionnelle ou pour motif disciplinaire jusqu'à expiration des délais d'option qui leur sont ouverts par les décrets prévus à l'article 80. Les agents non titulaires qui ne demandent pas leur titularisation ou dont la titularisation n'a pas été prononcée continuent à être employés dans les conditions prévues par la réglementation qui leur est applicable ou suivant les stipulations du contrat qu'ils ont souscrit (…) » ;

Considérant que par plusieurs décrets du 17 juillet 1984, le gouvernement a mis en place la procédure d'accès dans différents corps du ministère de l'éducation nationale des agents non titulaires exerçant des activités d'enseignement ; que l'article 1er du décret susvisé n° 84 ;721 prévoit ainsi que « pendant une durée de cinq années scolaires à compter de la rentrée 1984, les agents non titulaires pourvus d'une licence (…) ou de l'un des titres et diplômes admis en équivalence pour l'inscription sur la liste d'aptitude pour l'accès au corps des adjoints d'enseignement et qui sont en fonctions dans des établissements d'enseignement supérieur au titre de la loi du 13 juillet 1972 susvisée, peuvent demander leur intégration dans le corps des adjoints d'enseignement » ;que si en vertu des articles 2 et 3 dudit décret, est déterminé chaque année un contingent d'emplois réservés aux agents susmentionnés , qui peuvent y accéder par inscription sur une liste d'aptitude, l'article 4 du décret précise que « Pour pouvoir être inscrits sur la liste d'aptitude (…) les intéressés doivent également remplir les conditions suivantes :-1°) Avoir été recrutés pour exercer des fonctions d'enseignement par (…) le ministre des relations extérieures, chargé de la coopération et du développement, avant la date de publication de la loi n°83-481 du 11 juin 1983 ; (…) » ;

Considérant qu'il est constant qu'en 1980, M. X a été recruté par le ministre de la coopération pour servir, sous contrat à durée déterminée de deux ans , en qualité de coopérant et exercer les fonctions de chef de projet informatique à l'office béninois d'informatique ; que ce contrat a été renouvelé pour une durée de vingt mois de 1982 à 1984 ; qu'en 1984, un nouveau contrat de dix mois est intervenu, lequel incluait outre les fonctions de conseiller technique dans le suivi des différents projets informatiques de l'OBI (office béninois d'informatique), des fonctions d'enseignement à l'INE (Institut National d'Économie) de ce pays ;

Considérant que si, à la demande de l'administration, M. X a assuré, à titre accessoire, des enseignements en informatique en sus des fonctions techniques pour lesquelles il avait été recruté, et si en 1984, ces activités d'enseignement ont été mentionnées dans son contrat en complément de ses attributions techniques, il résulte de l'instruction qu'il n'avait pas été recruté pour exercer des fonctions d'enseignement avant la date de publication de la loi n°83-481 du 11 juin 1983 ; que dès lors, et nonobstant la circonstance qu'à compter de 1986, soit postérieurement à la publication de ladite loi, M. X a exercé essentiellement voire exclusivement des fonctions d'enseignant en informatique, il est fondé à soutenir qu'il ne remplissait pas, antérieurement au 14 juin 1983, la condition mentionnée au 1° de l'article 45 du décret susvisé et requise pour pouvoir prétendre à une intégration dans le corps des adjoints-d'enseignement sur le fondement de ce texte ; que par suite c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Paris a estimé que faute d'avoir demandé à bénéficier de cette intégration dans le délai de cinq années scolaires imparti par l'article 1er susrappelé, M. X ne pouvait plus se prévaloir des dispositions de l'article 82 susénoncées en vertu desquelles son licenciement ne pouvait intervenir que pour insuffisance professionnelle ou motif disciplinaire ; que la décision du ministre des affaires étrangères en date du 4 juin 1998 et confirmée le 10 août 1998 mettant fin à l'emploi du requérant à compter du 1er septembre 1998 est intervenue en violation des dispositions législatives susénoncées ; qu'il suit de là que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont refusé de faire droit à sa demande d'annulation desdites décisions et à demander l'annulation dudit jugement ainsi que celle des décisions du ministre des affaires étrangères des 4 juin et 10 août 1998 ;

Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres demandes faites par M. X devant le tribunal ;

Considérant que l'illégalité dont est entachée la décision de radiation des effectifs de M. X constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration et ouvre droit à réparation du préjudice subi par M. X du fait de ladite faute ;

Sur le préjudice financier né de l'absence de rémunération :

- En ce qui concerne le montant de l'indemnité due au titre de la perte de rémunération :

Sur les sommes dues au titre des pertes de traitement :

Considérant que M. X a droit à compter de son éviction illégale soit le 1er septembre 1998 et comme il le demande jusqu'au jour de la présente audience, à l'équivalent des traitements correspondant à l'indice nouveau majoré du dernier contrat de l'intéressé nets des cotisations sociales calculées en tenant compte des taux de cotisations sociales en vigueur aux dates de naissance respectives des droits ainsi qu'aux indemnités qui constituent l'accessoire des traitements (indemnité de résidence au taux applicable aux fonctionnaires en service à Paris et supplément familial de traitement), à l'exclusion des indemnités représentatives de frais et des éléments de rémunération liés à l'exercice effectif des fonctions et à l'affectation à l'étranger ;

- Sur les sommes à déduire des sommes dues au titre des pertes de traitement :

Considérant que du montant de l'indemnité pour perte de rémunération susdécrite doivent être déduites les sommes perçues par M. X pendant la période d'éviction illégale au titre des allocations pour perte d'emploi ainsi qu'au titre des rémunérations provenant des activités qu'il a exercées au cours de ladite période ;

Considérant que la cour ne trouvant pas au dossier les éléments permettant de calculer l'indemnité nette ainsi définie, il y a donc lieu de renvoyer M. X devant l'administration aux fins de liquidation de la somme qui lui est due selon les modalités susdécrites ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

Considérant que M. X a droit aux intérêts au taux légal sur cette indemnité à compter de la date de réception par l'administration de sa demande préalable soit le 13 octobre 1998 pour la fraction d'indemnité due au titre de la période du 1er septembre 1998 au 13 octobre 1998, et, pour le surplus, à compter des dates d'échéance mensuelle successives des traitements qui lui auraient été versés s'il n'avait pas été illégalement évincé ;

Considérant que M. X a demandé, dans un mémoire enregistré devant le Tribunal administratif de Paris le 19 juin 2001, la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions de M. X tendant à ce que la cour ordonne à l'Etat de régulariser sa situation auprès de la Caisse nationale d'assurance vieillesse et auprès de l'IRCANTEC :

Considérant que les conclusions susmentionnées de M. X tendent à la réparation d'un préjudice résultant directement pour lui de son éviction illégale par l'Etat ; qu'il incombe à l'employeur de régulariser la situation de M. X vis-à-vis des organismes de protection sociale ; que dès lors, il y a lieu d'ordonner à l'Etat, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, de s'acquitter, auprès de la Caisse nationale d'assurance vieillesse et de l'IRCANTEC, des cotisations de pension de retraite correspondant aux traitements qui auraient dû être servis à M. X au titre de la période d'éviction illégale courant à compter du 1er septembre 1998 ;

Sur le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence :

Considérant que M. X a subi, du fait de son licenciement illégal, un préjudice moral et des troubles dans les conditions de son existence qui doivent être réparés par l'Etat ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice moral et des troubles de toute nature subis par M. X dans ses conditions d'existence en lui allouant, à ce titre et pour la période du 1er septembre 1998 à la date du 13 décembre 2005, une indemnité globale de 11 000 euros, tous intérêts compris à la date du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à M. X une somme de 3 811,23 euros au titre des frais exposés par celui-ci et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 9818352/5 et 9901062/5 du Tribunal administratif de Paris en date du 29 juin 2001 est annulé.

Article 2 : Les décisions du ministre des affaires étrangères des 4 juin et 10 août 1998 et celle du 19 novembre 1998 sont annulées.

Article 3 : L'Etat est condamné à payer à M. X, au titre de la période du 1er septembre 1998 au 13 décembre 2005, la somme définie dans les motifs du présent arrêt en réparation de la perte de ses rémunérations. Les fractions mensuelles de cette indemnité dues au 13 octobre 1998 porteront intérêts à compter de cette date, et celles correspondant aux pertes de rémunérations subies postérieurement à cette date, porteront intérêts au taux légal à chaque échéance mensuelle.

-Les intérêts échus à la date du 19 juin 2001 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : L'Etat est condamné à payer à M. X, au titre de la période du 1er septembre 1998 au 13 décembre 2005, la somme de 11 000 euros tous intérêts compris à la date du présent arrêt en réparation de son préjudice moral et des troubles subis dans ses conditions d'existence.

Article 5 : M. X est renvoyé devant l'administration (ministre des affaires étrangères) aux fins de liquidation, sur les bases indiquées dans le présent arrêt, de l'indemnité pour perte de rémunérations due.

Article 6 : L'Etat (ministre des affaires étrangères-coopération) versera à M. X, une somme de 3 811,23 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions présentées par M. X devant le tribunal et le surplus de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 8 : Il est ordonné à l'Etat, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de régulariser la situation de M. X, au titre de la période d'éviction illégale courant à compter du 1er septembre 1998, auprès de la Caisse nationale d'assurance vieillesse et de l'IRCANTEC.

N° 01PA04025 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ere chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 01PA04025
Date de la décision : 30/12/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Sylvie APPECHE-OTANI
Rapporteur public ?: Mme GIRAUDON
Avocat(s) : SECRETANT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2005-12-30;01pa04025 ?
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