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30/12/2005 | FRANCE | N°00PA03616

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3eme chambre - formation b, 30 décembre 2005, 00PA03616


Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés les 29 novembre 2000, 19 février 2001 et 9 mars 2001, présentés pour M. Kodjo Adzewoda X, M. Komi X et Mme X née Y agissant en leur nom propre et en qualité de représentants de leur enfant mineur Kodjo Adzewoda X, demeurant ..., par Me Rousse ; les consorts X demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 9710120/6, 9714810/6,9806307/6, 9813251/6 du 20 juin 2000 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à leur verser une indemnité de 500 000 F en répar

ation des préjudices qu'ils ont subis ;

2°) de condamner l'Assistance ...

Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés les 29 novembre 2000, 19 février 2001 et 9 mars 2001, présentés pour M. Kodjo Adzewoda X, M. Komi X et Mme X née Y agissant en leur nom propre et en qualité de représentants de leur enfant mineur Kodjo Adzewoda X, demeurant ..., par Me Rousse ; les consorts X demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 9710120/6, 9714810/6,9806307/6, 9813251/6 du 20 juin 2000 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à leur verser une indemnité de 500 000 F en réparation des préjudices qu'ils ont subis ;

2°) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à leur verser une somme de 11 065 000 F au titre du préjudice subi par Kodjo Adzewoda X et 200 000 F au titre du préjudice moral de chacun des parents ;

3°) subsidiairement d'ordonner une contre expertise et de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à leur verser à titre de provision une somme de 5 532 500 F au titre des préjudices subis par Adzewoda X et 100 000 F au titre du préjudice moral de chacun des parents ;

4°) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à garder à sa charge les frais d'hospitalisation d'un montant de 635 472 F et subsidiairement limiter le recours de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à concurrence de l'indemnité accordée au titre de l'incapacité permanente partielle ;

5°) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à leur verser une somme de 40 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

……………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 décembre 2005 :

- le rapport de Mme Desticourt, rapporteur,

- les observations de Me Tsoudéros pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris,

- et les conclusions de Mme Helmlinger, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert nommé par les premiers juges, que le chirurgien qui a opéré le jeune Kodjo Adzewoda X le 17 août 1995 a porté le diagnostic correct de cypho scoliose grave d'origine congénitale, qu'il a posé l'indication thérapeutique correcte eu égard à la nécessité de stabiliser la cypho scoliose par une arthrodèse en place avec un temps antérieur et un temps postérieur et que l'intervention chirurgicale a été conduite dans les règles de l'art ; que, toutefois, la technique de surveillance de l'atteinte médullaire par les potentiels évoqués n'a pas été utilisée pour des raisons tenant à l'organisation du service alors que, selon une lettre du 13 février 1997 du professeur Goutelle, chirurgien dans le service de neurochirurgie de l'hôpital Pierre Wertheimer à Lyon, produite par les requérants, de l'avis de ce chirurgien « et de celui de tous les neurochirurgiens, il est nécessaire de réaliser des potentiels évoqués dans toutes les interventions à risque rachidien et s'il y a modification des potentiels évoqués, il est tout à fait naturel que le chirurgien s'arrête d'opérer, discute avec la famille pour savoir s'il faut ou non poursuivre l'intervention en sachant les risques qu'elles comportent alors de paraplégie » ; que l'expert quant à lui estime que l'on ne peut pas reprocher au chirurgien de ne pas avoir utilisé les potentiels évoqués dès lors que ce mode de surveillance per opératoire est essentiellement utilisé dans les cas comportant une réduction de la déformation rachidienne et la mise en place de matériel orthopédique du type C D, ce qui n'était pas le cas, alors qu'il a lui-même indiqué que l'intervention concernait une « moelle à risques » favorisant la survenance de complications médullaires telles que la paraplégie et qui précisément nécessitait une surveillance particulière que l'utilisation des potentiels évoqués, entrée en application au cours des années 1980, permettait d'accomplir de façon à éviter l'apparition des troubles neurologiques ; que, par ailleurs, l'expert ne saurait sérieusement affirmer qu'en présence d'un risque avéré d'atteinte médullaire et de paraplégie, le chirurgien n'aurait certainement pas modifié le cours de l'intervention, du fait qu'ayant abordé le rachis par l'avant, il ne pouvait pas renoncer à mettre en place les greffons osseux qui constituaient le but même de cette opération, substituant ainsi son propre pouvoir de décision à celui de la famille ; que dès lors, les requérants sont fondés à soutenir qu'en s'abstenant d'utiliser les potentiels évoqués pour des raisons d'organisation, l'hôpital a commis une faute de service de nature à engager sa responsabilité ;

Considérant en outre, qu'il ressort également du rapport de l'expert que les techniques palliatives des pertes sanguines utilisées en per opératoire se sont révélées insuffisantes, le patient ayant perdu 3 litres de sang au cours de l'intervention, ce qui a provoqué une hypotension, et que la technique de l'auto transfusion grâce à des prélèvements effectués antérieurement à l'intervention n'a pas été pratiquée sur ce malade probablement parce qu'il venait de l'étranger et pour des questions de temps alors d'une part que l'expert indique aussi dans son rapport que toute chirurgie sur le rachis entraîne une hémorragie importante et d'autre part qu'il n'y avait aucune urgence à pratiquer l'intervention ; que dès lors, alors même que l'expert indique que les techniques qui ont été utilisées de prélèvements de sang avec hémodilution en début d'intervention et récupération du sang perdu par l'utilisation de l'appareil DIDECO ensuite, ont été conformes aux règles habituelles, les requérants sont fondés à soutenir que l'insuffisance des techniques utilisées est révélatrice d'une faute de service ;

Considérant que par suite, les consorts X sont fondés à soutenir que ces fautes ont engagé l'entière responsabilité de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a limité leur indemnisation à 20 % de l'ensemble de leur préjudice en se fondant sur la perte de chance ayant résulté d'un défaut d'information des parents sur les risques encourus ; qu'il y a lieu dès lors d'annuler le jugement du 20 juin 2000 ;

Sur le préjudice indemnisable :

Sur le préjudice d'Adzewoda X :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, que le jeune X, qui était âgé de 12 ans à l'époque des faits, a subi une incapacité temporaire totale du 17 août 1995 au 18 juillet 1995, et de ce fait a perdu une année scolaire ; qu'il demeure atteint d'une incapacité permanente partielle de 75 % résultant d'une paraplégie flasque des membres inférieurs qui lui impose de se déplacer en fauteuil roulant ou en déambulateur et de porter divers appareillages orthopédiques, le privant ainsi de la pratique des activités sportives ; que cette paraplégie est de nature à entraîner un préjudice sexuel ; que sur le plan professionnel, elle ne permettra à l'intéressé que d'exercer un travail assis de type sédentaire limité à l'utilisation des membres supérieurs ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature dans les conditions d'existence d'Adzewoda X en les évaluant à la somme de 340 000 euros ;

Considérant, en outre, qu'il ressort également du rapport de l'expert que l'état du jeune X nécessite l'assistance d'une tierce personne pour les actes élémentaires de la vie huit heures par jour ; que, si les appelants soutiennent que cette assistance est nécessaire 24 heures sur 24, ils ne précisent pas les conditions de vie actuelle de la victime et ne produisent pas d'éléments d'ordre médical décrivant l'état actuel du jeune X ; que dans ces conditions, et compte tenu du coût de la vie au Togo, pays dans lequel vit l'intéressé, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'estimant à la somme de 30 000 euros ;

Considérant que le préjudice résultant des souffrances physiques endurées, chiffré à 5/7 par l'expert, doit être fixé à 8 000 euros, et le préjudice esthétique, chiffré à 4/7 par l'expert, à la somme de 6 000 euros ;

Considérant qu'il y a lieu d'ajouter aux sommes précédentes celle correspondant aux frais d'appareillage, soit une somme de 8 384,70 euros ainsi que le demandent les requérants ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préjudice indemnisable d'Adzewoda Kodjo X s'élève à la somme totale de 391 334,70 euros ;

Sur le préjudice de M. et Mme X :

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par les parents de M. Adzewoda Kodjo X en leur allouant à ce titre une indemnité de 15 000 euros chacun ;

Sur les frais de séjour facturés par l'hôpital de Garches à M et Mme X :

Considérant que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris a mis à la charge des consorts X la somme de 794 341,90 F représentant des factures non réglées d'hospitalisation du 14 août 1995 au 24 juillet 1996 ; qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que cette somme correspond à la prise en charge des séquelles présentées par le jeune X à la suite de l'accident du 17 août 1995 et notamment aux frais de séjour en rééducation ; qu'il y a lieu par suite de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à prendre entièrement en charge les frais de séjour facturés aux consorts X pour un montant de 794 341,90 F soit 121 096,64 euros ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à payer aux consorts X une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 20 juin 2000 est annulé.

Article 2 : L'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris est condamnée à payer à M. Kodjo Adzewoda X une indemnité de 391 334,70 euros (trois cent quatre vingt onze mille trois cent trente quatre euros et soixante dix centimes).

Article 3 : L'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris est condamnée à payer à M. et Mme X la somme de 15 000 euros (quinze mille euros) chacun au titre de leur préjudice moral.

Article 4 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris est condamnée à garder à sa charge la somme de 121 096,52 euros (cent vingt et un mille euros quatre vingt seize et cinquante deux centimes) correspondant aux frais de séjour facturés par l'hôpital de Garches à M. et Mme X.

Article 5 : Le surplus des conclusions de l'appel incident des consorts X est rejeté.

Article 6 : Les conclusions de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris sont rejetées.

Article 7 : L'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris versera aux consorts X la somme de 3 000 euros (trois mille euros) au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

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NN 00PA03616


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3eme chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 00PA03616
Date de la décision : 30/12/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FOURNIER DE LAURIERE
Rapporteur ?: Mme Odile DESTICOURT
Rapporteur public ?: Mme HELMLINGER
Avocat(s) : ROUSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2005-12-30;00pa03616 ?
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