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28/12/2005 | FRANCE | N°02PA00565

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3eme chambre - formation a, 28 décembre 2005, 02PA00565


Vu la requête, enregistrée le 12 février 2002, présentée pour M. Christian X, demeurant ... ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 28 novembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 8 avril 1998 par laquelle l'inspecteur du travail des Hauts-de-Seine a autorisé son licenciement par la société UGC ;

2°) d'annuler ladite décision pour excès de pouvoir ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'ar

ticle L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la requête, enregistrée le 12 février 2002, présentée pour M. Christian X, demeurant ... ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 28 novembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 8 avril 1998 par laquelle l'inspecteur du travail des Hauts-de-Seine a autorisé son licenciement par la société UGC ;

2°) d'annuler ladite décision pour excès de pouvoir ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 décembre 2005 :

- le rapport de M. Boulanger, rapporteur,

- les observations de Me De Bonnafos pour la société UGC,

- et les conclusions de Mme Folscheid, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite de la décision du Conseil d'Etat statuant au Contentieux en date du 30 juin 1997, annulant le jugement du 6 juillet 1994 du Tribunal administratif de Paris qui rejetait la demande de M. X, directeur du complexe de cinéma UGC Opéra et conseiller prud'homme, dirigée contre une décision implicite du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle confirmant la décision du 6 décembre 1991 par laquelle l'inspecteur du travail de Paris avait autorisé la société UGC à le licencier pour refus de mutation, ensemble lesdites décisions, M. X a demandé à la société UGC, le 19 août 1997, de le réintégrer sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 514-2, L. 412-18 et L. 412-19 du code du travail ; qu'en raison du refus de M. X d'accepter cette réintégration, la société UGC Opéra a demandé à l'inspecteur du travail des Hauts-de-Seine, le 11 décembre suivant, l'autorisation de licencier ce dernier pour faute grave ; que, par la décision contestée en date du 8 avril 1998, cette autorisation lui a été accordée par l'inspecteur du travail des Hauts-de-Seine ;

Sur la régularité de la procédure d'enquête :

Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article R. 436-3 du code du travail : « La demande d'autorisation de licenciement est adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement où est employé l'intéressé. Cette demande énonce les motifs du licenciement envisagé ; elle est accompagnée du procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise. Sauf dans le cas de mise à pied, elle est présentée au plus tard dans les quinze jours suivant la délibération du comité d'entreprise. » ; qu'il ressort des pièces du dossier que la lettre du 11 décembre 1997 par laquelle la société UGC a saisi l'inspecteur du travail de la demande d'autorisation de licenciement litigieuse énonce les motifs du licenciement envisagé, conformément aux dispositions ci-dessus reproduites ; que contrairement à ce que fait valoir M. X, ladite lettre n'avait pas à préciser sa qualité de salarié protégé ou la nature du mandat détenu ;

Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 436-4 du code du travail : « L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. L'inspecteur du travail statue dans un délai de quinze jours qui est réduit à huit jours en cas de mise à pied. Ce délai court à compter de la réception de la demande motivée prévue à l'article R. 436-3. Il ne peut être prolongé que si les nécessités de l'enquête le justifient. L'inspecteur avise de la prolongation du délai les destinataires mentionnés au troisième alinéa du présent article. La décision de l'inspecteur est motivée. Elle est notifiée à l'employeur et au salarié ainsi que, lorsqu'il s'agit d'un délégué syndical ou d'un représentant syndical au comité d'entreprise, à l'organisation syndicale concernée, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. » ;

Considérant que les formalités ci-dessus décrites ne sont pas prescrites à peine de nullité ; qu'il ressort des pièces du dossier, d'une part que la décision du 19 septembre 1997 par laquelle l'inspecteur du travail a décidé de prolonger le délai susmentionné a été notifié le 30 décembre 1997 à M. X, contrairement à ce que soutient ce dernier ; que la double circonstance que l'inspecteur du travail n'ait alors ni informé M. X des motifs invoqués par son employeur à l'appui de sa demande de licenciement, ni avisé l'organisation syndicale dont il est membre de son intention de prolonger le délai d'enquête, à supposer même applicable aux conseillers prud'hommes cette obligation de notification, est sans influence sur la légalité de la décision contestée ; que, d'autre part, l'enquête à la suite de laquelle a été prise cette décision, au cours de laquelle M. X a été entendu par l'inspecteur qui a porté à sa connaissance les motifs qui lui étaient reprochés, a eu le caractère contradictoire exigé par les dispositions précitées alors même que M. X n'aurait pas été présent lors de certaines réunions ; que M. X qui en outre a disposé d'un délai suffisant pour préparer sa défense et se faire assister d'un représentant syndical lors de l'enquête du 15 janvier 1998 n'est pas fondé à soutenir que les droits de la défense et le principe du respect du contradictoire auraient été méconnus ;

Considérant enfin, que la procédure de licenciement des salariés protégés étant organisée par les dispositions précitées, M. X, qui bénéficiait de la protection visée par les dispositions ci-dessus visées au titre de sa qualité d'ancien conseiller prud'homal, ne saurait utilement, pour contester la régularité de la procédure de licenciement dont il a été l'objet, invoquer les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui ne sont applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale ; que M. X disposait devant la juridiction administrative d'un recours qu'il a effectivement exercé ; qu'ainsi il n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé du droit à un procès équitable reconnu par l'article 6 § 1 de la convention précitée ;

Sur la légalité externe :

Considérant que la circonstance que la décision attaquée mentionne de façon erronée que la prolongation du délai a été signifiée au requérant le 19 décembre 1997 est sans influence sur sa légalité ; que c'est en outre à bon droit que la décision critiquée mentionne la qualité « d'ancien conseiller prud'homal » de M. X, dès lors qu'il est constant que

le 8 avril 1998, date de son édiction, l'intéressé ne détenait plus de mandat prud'homal mais bénéficiait de la protection de fin de mandat prévue par l'article L. 514-2 2ème alinéa du code de travail ;

Sur la légalité interne :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 514-2 du code du travail : « (…) Le licenciement par l'employeur d'un salarié exerçant les fonctions de conseiller prud'homme (…) est soumis à la procédure prévue par l'article L. 412-18 du présent code (…) » ; qu'aux termes de l'article L 412-18 du même code : « Le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après l'autorisation de l'inspecteur du travail ou de l'autorité qui en tient lieu (…) » ; qu'en vertu de ces dispositions, le licenciement des salariés investis des fonctions de conseiller prud'homme ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions prud'homales exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale des mandats dont il est investi ;

Considérant que le requérant fait valoir que la fonction de directeur opérateur mentionnée par la société UGC dans sa proposition de réintégration ne correspondait pas aux définitions de la grille de la convention collective nationale de l'exploitation cinématographique et permettait à son employeur de faire évoluer ses fonctions dans l'avenir ;

Considérant d'une part, qu'alors même qu'il n'était pas vacant, la société UGC, qui n'y était pas tenue, a proposé à M. X le poste de directeur du complexe de cinéma UGC Opéra que ce dernier occupait avant son licenciement ; qu'ainsi que l'ont estimé les premiers juges, en retenant la qualification de « directeur opérateur » en lieu et place de celle de « directeur », la société UGC n'a pas dénaturé les fonctions de l'intéressé à qui était proposé une réintégration sur le poste qu'il occupait avant son licenciement, au même niveau de rémunération revalorisé à la date de sa réintégration ; que l'indemnité réclamée par l'intéressé sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 412-19 du code du travail, ne constituait pas un élément de cette rémunération qui aurait dû être versé à M. X préalablement à sa réintégration ;

Considérant, d'autre part, que si M. X soutient que l'évolution de la profession ne justifiait pas que lui soient proposés des jours de repos autres que ceux dont il bénéficiait avant son licenciement et que l'emploi du temps hebdomadaire défini par la société ne lui permettait pas d'exercer ses fonctions de conseiller prud'homme ni même de consacrer un temps minimum à sa vie privée, en méconnaissance des dispositions des articles L. 514-1 et L. 221-1 à L. 221-6 du code du travail, il n'est pas établi par les pièces du dossier que les jours de repos qui lui étaient proposés, certes différents de ceux dont il bénéficiait en 1991 avant son licenciement, ne correspondaient pas aux besoins du complexe que le requérant était appelé à diriger, tels qu'ils pouvaient être évalués en 1997, ainsi qu'aux évolutions les plus récentes de la profession ; que la circonstance que ces jours de repos établis pour la directrice du complexe cinématographique que devait remplacer M. X aient été reconduits, n'est pas de nature à constituer une modification substantielle de son contrat de travail justifiant le refus opposé par ce dernier à la proposition de réintégrer qui lui était faite ; qu'au surplus ces jours de repos permettaient à M. X d'assurer les charges afférentes à son mandat de conseiller prud'homme ;

Considérant, enfin, que si M. X fait valoir que lorsqu'elle a saisi l'inspecteur du travail de la demande de licenciement dont s'agit, la société ne lui avait pas encore versé l'indemnité prévue par les dispositions de l'article L. 412-19 du code du travail, correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période s'étant écoulée entre son licenciement et sa réintégration, cette circonstance, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, relève du seul droit du travail et est en tout état de cause sans influence sur la légalité de la décision critiquée ;

Sur la discrimination :

Considérant que si M. X fait valoir la longueur du délai s'étant écoulé entre sa demande de réintégration et l'envoi de la demande de licenciement, qui s'expliquerait selon lui par la volonté de son employeur d'attendre les résultats des nouvelles élections aux prud'hommes, ainsi que le refus de l'entreprise de l'indemniser au titre de l'article L. 412-19 du code du travail, ces circonstances ne sont pas de nature à établir l'existence d'un lien entre le licenciement de l'intéressé et le mandat de conseiller prud'homme qu'il détenait ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué du 28 novembre 2001, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 8 avril 1998 par laquelle l'inspecteur du travail des Hauts-de-Seine a autorisé son licenciement ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de M. X le paiement à la société UGC de la somme de 2 300 euros au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : M. X versera à la société UGC une somme de 2 300 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 02PA00565


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3eme chambre - formation a
Numéro d'arrêt : 02PA00565
Date de la décision : 28/12/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme CARTAL
Rapporteur ?: M. Christian BOULANGER
Rapporteur public ?: Mme FOLSCHEID
Avocat(s) : DE BONNAFOS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2005-12-28;02pa00565 ?
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