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05/12/2005 | FRANCE | N°02PA01177

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5eme chambre - formation b, 05 décembre 2005, 02PA01177


Vu la requête, enregistrée le 5 avril 2002, présentée pour la société GUSTAVE MAIRE, dont le siège est ..., par Me X... ; la société GUSTAVE MAIRE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9603310 du 13 février 2002 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 1993 et de la taxe sur les salaires à laquelle elle a été assujettie au titre des exercices 1992 et 1993 ;

2°) de prononcer la déc

harge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

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Vu la requête, enregistrée le 5 avril 2002, présentée pour la société GUSTAVE MAIRE, dont le siège est ..., par Me X... ; la société GUSTAVE MAIRE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9603310 du 13 février 2002 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice 1993 et de la taxe sur les salaires à laquelle elle a été assujettie au titre des exercices 1992 et 1993 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 novembre 2005 :

- le rapport de M. Beaufaÿs, rapporteur,

- et les conclusions de M. Adrot, commissaire du gouvernement ;

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

Considérant que la société anonyme GUSTAVE MAIRE a consenti à la société Etablissements Chevalier au titre de l'exercices clos en 1992 des avances en compte-courant sans intérêt d'un montant total de 2 498 000 F ; que l'administration fiscale a considéré que l'octroi de ces avances sans intérêts procédait d'un acte anormal de gestion et a, en conséquence, réintégré dans le résultat imposable de la société requérante pour l'exercice clos en 1993 un montant de 42 188 F représentatif des intérêts qu'elle aurait dû, selon elle, percevoir ;

Considérant que le fait de consentir des avances sans intérêt à un tiers constitue un acte étranger à une gestion commerciale normale sauf s'il est établi l'existence d'une contrepartie ; que cette règle doit recevoir application même si le bénéficiaire de ces avances est une filiale de la société, hormis le cas où la situation des deux sociétés serait telle que la société mère puisse être regardée comme ayant agi dans son propre intérêt en venant en aide à une filiale en difficulté ;

Considérant que la société anonyme GUSTAVE MAIRE, holding financier mixte dont l'activité était au titre de l'année litigieuse la gestion et la prise de participations dans diverses sociétés et l'assistance technique destinée à ses filiales, fait valoir qu'elle a fait l'acquisition le 28 décembre 1990 de la société Chevalier, par une prise de participations à hauteur de 77% du capital de ladite société pour un montant total de 2 743 050 F, au moment où cette société rencontrait d'importantes difficultés de trésorerie, cette prise de contrôle étant accompagnée, dès l'exercice 1990, d'avances en compte courant sans intérêt ; que face à la dégradation constante de la situation industrielle et financière de la société Chevalier, et alors qu'un groupement de banques qui finançait la trésorerie de cette société par un compte courant qui accusait un découvert de 9 149 000 F à la fin du mois de novembre 1991, exigeait un assainissement financier de la société, la société GUSTAVE MAIRE a accepté, dans le cadre d'un protocole d'accord souscrit le 21 novembre 1991 entre la société Chevalier et ledit groupement de banques, de convertir la moitié de l'avance en compte-courant de 5 000 000 F qu'elle consentait alors à sa filiale en une augmentation de capital et s'est engagée à ne pas percevoir d'intérêts sur le solde de cette avance jusqu'à parfaite réalisation du protocole, lequel prévoyait la conversion du découvert de la société Chevalier en un prêt sans intérêt d'une durée de cinq ans remboursable trimestriellement avec possibilité de rémunération de ce prêt en cas de retour à meilleure fortune de la société ;

Considérant que, pour combattre les éléments ainsi apportés par la société pour établir la situation très difficile de sa filiale, l'administration fait valoir que le protocole du 21 novembre 1991 aurait stipulé le versement d'intérêts sur les avances consenties par la société requérante en cas de retour à meilleure fortune de sa filiale et que lesdites avances avaient été financées par un prêt de 10 millions contracté par la société requérante auprès d'une banque pour lequel elle a supporté un intérêt de 8,43 % ;

Mais considérant que l'administration ne conteste pas sérieusement les éléments démontrant que la filiale de la société requérante se trouvait dans une situation financière très délicate au point que les pertes de l'exercice 1990 et de celui en cours pouvaient laisser craindre que, sans un nouveau concours des banques, cette société se serait trouvée prochainement soumise à une procédure collective et que les investissements engagés par la société requérante, tant sous forme de prise de participation que d'avances en trésorerie, auraient dû être convertis en pertes pures et simples en cas de déconfiture de sa filiale qui a d'ailleurs dégagé à la fin de l'exercice clos en 1991 une perte nette de 4 860 070 F et en 1992 une perte nette de 3 463 750 F ; que, dans ces conditions, la société a pu estimer à juste titre qu'il était conforme à ses propres intérêts d'accepter les conditions d'assainissement de la situation financière de sa filiale imposées par les banques créancières dans le cadre du protocole du 21 novembre 1991, dès lors qu'elles constituaient la seule voie possible pour sauvegarder à moyen terme la valeur de sa participation dans sa filiale et pour pouvoir espérer récupérer les avances en compte courant qu'elle lui avaient consenties ; que, si, pour ce faire, elle a elle-même dû supporter un emprunt portant intérêts, l'administration ne démontre pas par cette seule circonstance, eu égard aux éléments sus-décrits apportés par la société requérante, qui permettent d'estimer qu'elle avait consacré pour sa participation au capital et le soutient de la trésorerie de sa filiale entre 1990 et 1993 plus de 18 millions de francs alors que l'actif net de cette dernière présentait une valeur négative dès la clôture de l'exercice 1991, de même que pour l'exercice 1993, qu'elle n'aurait pas agi dans le cadre d'une gestion normale ; que, par suite, la société GUSTAVE MAIRE est fondée à demander la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1993 ;

En ce qui concerne la taxe sur les salaires :

Sur la demande de décharge totale de la taxe sur les salaires des années 1992 et 1993 :

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts : Les sommes payées à titre de traitements, salaires, indemnités et émoluments, y compris la valeur des avantages en nature, sont soumises à une taxe sur les salaires ... à la charge des personnes ou organismes ... qui paient des traitements, salaires, indemnités et émoluments lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total ... ; que, lorsque les activités d'une entreprise sont, pour l'exercice de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, réparties en plusieurs secteurs distincts, au sens de l'article 213 de l'annexe II au code général des impôts, les dispositions précitées de l'article 231 de ce code doivent recevoir application à l'intérieur de chacun de ces secteurs, en sorte que l'assiette de la taxe sur les salaires soit, pour chacun d'eux, déterminée en appliquant au montant des rémunérations versées au personnel qui lui est spécialement affecté, le rapport qui lui est propre entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total ; que seule la taxe sur les salaires afférente aux rémunérations des personnels qui seraient concurremment affectés à plusieurs secteurs doit être établie en appliquant à ces rémunérations le rapport existant, pour l'entreprise dans son ensemble, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total ;

Considérant, en premier lieu, que l'administration ne conteste pas que, pour l'exercice de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la société GUSTAVE MAIRE a régulièrement constitué deux secteurs distincts d'activité dont l'un, retraçant les opérations professionnelles de conseil technique aux filiales, était entièrement assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et l'autre, retraçant l'ensemble de ses opérations de gestion de ses placements financiers, était exonéré ou hors champ de ladite taxe ; que, pour prétendre à la décharge totale des compléments de taxe sur les salaires auxquels elle a été assujettie au titre des années 1992 et 1993, la société requérante soutient que les trois personnes qu'elle a rémunérées à compter de l'année 1992 étaient affectées exclusivement et en permanence au nouveau secteur d'activité de prestations de conseil technique aux filiales entièrement assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle avait développée à compter de cette date ; qu'à l'appui de ce moyen, elle fait valoir que la seule activité de gestion de ses participations qu'elle exerçait jusqu'en 1992 n'avait jamais nécessité l'emploi de salariés et qu'il en était de même après qu'elle en eu recruté trois, de sorte qu'aucune rémunération n'étant versée au titre d'une activité non passible de la taxe sur la valeur ajoutée, elle n'était pas assujettie à la taxe sur les salaires ;

Mais considérant que les fonctions exercées par les trois personnes rémunérées de la société, soit le président directeur général, la secrétaire générale, épouse de ce dernier, et une secrétaire de direction, concernent des cadres dirigeants exerçant des missions par nature transversales ; qu'ainsi, à défaut d'élément plus précis, la seule circonstance que la société n'ait rémunéré aucun personnel en jusqu'en 1992 pour son activité non passible de la taxe sur la valeur ajoutée n'est pas en l'espèce de nature à établir à elle seule que les personnes qu'elle a rémunérées à compter de l'année 1992 n'auraient pu qu'être affectées exclusivement et en permanence à des tâches de prestations de services de conseil technique aux filiales ; qu'ainsi, même si, pour l'exercice de son droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la société requérante a réparti son activité en deux secteurs distincts, les personnels qu'elle a employés à compter de l'année 1992 doivent être regardés comme concurremment affectés à ces deux secteurs et la société requérante n'est, par suite, pas fondée à soutenir qu'elle n'était pas assujettie à la taxe sur les salaires pour son secteur d'activité non passible de la taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 1992 et 1993 ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit ci-dessus que les rémunérations qu'elle a versées à compter de l'année 1992 concernaient des personnels qui étaient concurremment affectés aux deux secteurs d'activité qu'elle avait constitués ; que, par suite, et contrairement à ce que soutient la société requérante, la taxe sur les salaires afférente à ces rémunérations doit être établie en leur appliquant le rapport existant, pour l'entreprise dans son ensemble, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total ; qu'à cet égard, l'instruction n° 5 L. 2-76 du 16 janvier 1976 et les paragraphes 13 à 15 de la documentation de base 5 L. 1421 dans leur rédaction du 2 juillet 1990 se bornent à rappeler les principes définis ci-dessus et ne contiennent aucune prise de position formelle, dont la société requérante pourrait se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dès lors en effet que ladite instruction, reprise sur ce point par la documentation de base, précise que la taxe sur les salaires est calculée en fonction du pourcentage général de déduction de l'entreprise quand celle-ci emploie du personnel commun à plusieurs secteurs d'activités ;

Sur la demande subsidiaire de réduction de la taxe sur les salaires de l'année 1992 :

Considérant, ainsi que le fait valoir à bon droit la société requérante, que le tribunal administratif a omis de répondre à sa demande tendant à la réduction de ses cotisations de taxe sur les salaires dues au titre de l'année 1992 ; qu'il y a lieu, dans cette mesure, d'annuler le jugement, d'évoquer et de statuer sur les conclusions de la demande de première instance ;

Considérant que pour prétendre à la réduction de la taxe sur les salaires à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1992, la société GUSTAVE MAIRE se prévaut de la note du 21 février 1972, publiée au bulletin officiel sous le n° 5 L-3-72, qui a admis que les entreprises qui deviennent passibles de la taxe sur la valeur ajoutée au cours de l'année 1971 se verront appliquer le rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires afférent à cette même année, reprise et rendue applicable à une quelconque année d'imposition par le paragraphe n° 32 de la documentation administrative 5 L. 1421 dans sa rédaction du 1er juin 1990 ; que, toutefois, il est constant que la société requérante, estimant qu'elle n'était pas assujettie à la taxe sur les salaires, ne l'a ni déclarée ni payée spontanément au titre de l'année 1992 ; qu'elle ne peut, par suite, être regardée comme ayant de bonne foi appliqué l'interprétation faite par l'administration de l'article 231-1 du code général des impôts dans les textes fiscaux précités qui concernent des contribuables assujettis à la taxe sur les salaires et ne peut, par conséquent, se prévaloir de cette interprétation sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société GUSTAVE MAIRE est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice 1993 ;

D É C I D E :

Article 1er : La société GUSTAVE MAIRE est déchargée du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice 1993.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 13 février 2002 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 02PA01177


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5eme chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 02PA01177
Date de la décision : 05/12/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés SOUMET
Rapporteur ?: M. Frédéric BEAUFAYS
Rapporteur public ?: M. ADROT
Avocat(s) : MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2005-12-05;02pa01177 ?
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