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20/06/2005 | FRANCE | N°05PA00322

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, Juge des reconduites a la frontiere, 20 juin 2005, 05PA00322


Vu la requête enregistrée le 26 janvier 2005, présentée pour M. Mohamed X, élisant domicile ... par Me Nicolino ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0320567 du 23 décembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2003 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 500 e

uros au titre de l'article L 761 - 1 du code de justice administrative ;

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Vu la requête enregistrée le 26 janvier 2005, présentée pour M. Mohamed X, élisant domicile ... par Me Nicolino ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0320567 du 23 décembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2003 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L 761 - 1 du code de justice administrative ;

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Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision en date du 17 janvier 2005 par laquelle le président de la Cour a délégué les pouvoirs qui lui sont attribués par l'article 22 bis de l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée à M. Privesse ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le décret n° 95-304 portant publication de la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 juin 2005 :

- le rapport de M. Privesse, rapporteur,

- les observations de Me Nicolino, pour le requérant,

- et les conclusions de M. Adrot, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 776-12 du code de justice administrative : Jusqu'au moment où l'affaire est appelée, les parties peuvent présenter des conclusions ou observations écrites ; qu'aux termes de l'article R. 776-13 du même code : Après le rapport fait par le président du tribunal administratif ou son délégué, les parties peuvent présenter en personne ou par un avocat des observations orales. Elles peuvent également produire des documents à l'appui de leurs conclusions. Si ces documents apportent des éléments nouveaux, le magistrat demande à l'autre partie de les examiner et de lui faire part à l'audience de ses observations ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions, applicables en première instance en matière de reconduite à la frontière, que si dans le cadre de la procédure orale qui succède à l'instruction contradictoire écrite, les parties peuvent produire des documents nouveaux à l'appui de leurs observations orales, l'instruction écrite est normalement close en application de l'article R. 776-12, au moment où l'affaire est appelée ; que toutefois, lorsque postérieurement à cette clôture, le juge est saisi de documents ou de pièces émanant d'une partie qui n'en a pas exposé les éléments dans le cadre de l'instruction écrite, il ne peut que faire application dans ce cas particulier des règles générales relatives à toutes les productions postérieures à la clôture de l'instruction ; qu'à ce titre, et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de ces documents avant de rendre sa décision ; qu'il a toujours la faculté d'en tenir compte, après les avoir visés et analysés, n'étant tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si ces documents contiennent soit l'exposé de circonstances de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office ;

Considérant qu'en l'espèce, M. X, se prévalant le jour de l'audience seulement, de pièces susceptibles d'établir sa résidence habituelle sur le territoire conforme aux dispositions de l'article 12 bis 3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée susvisée, s'est vu refuser par le magistrat délégué la réception de celles-ci, ainsi qu'il en est fait état dans le jugement contesté, celui-ci justifiant ce refus par la durée de l'instruction écrite, à savoir près d'un an ; que dès lors, en ne prenant pas connaissance de ces documents avant de rendre sa décision, le juge de première instance a entaché son jugement d'une irrégularité ; que par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens d'irrégularité, le jugement du 23 décembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. X tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2003 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière, doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur la légalité de la mesure de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3º Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de la notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, ayant également pour patronyme celui de Y, né en Algérie le 18 avril 1958 et de nationalité marocaine, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 9 août 2003, de la décision par laquelle le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3º du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant en premier lieu, que l'arrêté attaqué, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision de reconduite à la frontière, est suffisamment motivé ;

Considérant en deuxième lieu que M. X a demandé à bénéficier des dispositions des articles 12 bis 3° et 25-3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945, aux termes desquels respectivement : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit (...) à l'étranger (...) qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans et Ne peuvent faire l'objet d'un arrêté ... de reconduite à la frontière : ... 3° L'étranger qui justifie par tous moyens résider en France habituellement depuis plus de quinze ans ainsi que l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention étudiant ; que, s'il n'est pas contesté que M. X est entré en France en 1978, les pièces produites en appel et relatives aux années 1993 à 1996, consistent pour la première année, en un simple certificat de domicile établi par un hôtelier le 5 septembre 2003 mentionnant que l'intéressé a occupé une chambre garnie entre mars et avril 1993, les trois autres années n'étant justifiées que par un certificat médical établi le 17 septembre 2003 indiquant que M. Y est venu en consultation en 1994, 1995 et 1996 pour des affections saisonnières ; qu'en outre, s'agissant de l'année 1997, l'intéressé ne peut apporter que deux certificats médicaux des 18 juin et 9 juillet afin d'établir sa résidence sur l'ensemble de l'année ; que ces pièces, au demeurant peu fiables, ne sont pas de nature à établir, à elles seules, la réalité d'une résidence habituelle de l'intéressé en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué ; que par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police ne pouvait légalement prendre à son encontre l'arrêté attaqué sans méconnaître les stipulations précitées, ne peut qu'être écarté ;

Considérant en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, entré en France en 1978 à l'âge de vingt ans, est célibataire, sans charge de famille ; que sa présence sur le territoire depuis son arrivée, n'est pas établie de manière habituelle ; qu'à supposer même qu'il soit dépourvu de liens familiaux non seulement dans son pays d'origine mais également dans le pays dont il a la nationalité, eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du 19 décembre 2003 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionné aux buts en vue desquels il a été pris et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en outre, si l'intéressé a fait l'objet d'une mesure d'assignation à résidence prise en janvier 2000 et abrogée en mars 2003, il ne peut, en tout état de cause, se prévaloir de cette circonstance au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ; que, par voie de conséquence, il n'y a pas lieu de condamner l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, à payer à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 23 décembre 2004 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande de M. X dirigée contre l'arrêté du préfet de police du 19 décembre 2003 ordonnant sa reconduite à la frontière, et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

N° 05PA00322

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : Juge des reconduites a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05PA00322
Date de la décision : 20/06/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PRIVESSE
Rapporteur public ?: M. ADROT
Avocat(s) : NICOLINO

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2005-06-20;05pa00322 ?
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