Vu la requête, enregistrée le 20 avril 2000, présentée pour la société ALPHACAN, dont le siège est Elysée 2 ... BP 2 à La Celle Saint-Cloud (78170), par la SCP Vier et Barthélémy ; la société ALPHACAN demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 22 février 2000 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1989, 1990 et 1991, mises en recouvrement le 30 septembre 1993 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 14 352 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juin 2004 :
- le rapport de M. Alfonsi, rapporteur,
- les observations de Me X...,
- et les conclusions de M. Magnard, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société ALPHACAN, précédemment dénommée société Sogecan, filiale de la société Atochem, exerce une activité de fabrication et de vente de tubes profilés et accessoires plastiques ; qu'elle a procédé en 1985 à une opération de fusion-absorption des sociétés Armosig et Euromat, dont le capital était également majoritairement détenu par la société Atochem ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 1989, 1990 et 1991, l'administration fiscale, par deux notifications de redressements du 8 septembre 1992, a, d'une part, réintégré les sommes de 55 000 000 F, 15 000 000 F et 27 000 000 F déduites par la société ALPHACAN de ses résultats au titre de ces trois exercices en application de clauses de retour à meilleure fortune contenues dans les conventions d'abandon de créances conclues avant l'opération de fusion-absorption entre la société Atochem et les sociétés Armosig et Euromat, et, d'autre part, remis en cause une perte de fusion de 12 613 123 F comptabilisée en charges exceptionnelles par la société requérante au titre de l'exercice clos en 1990 à la suite de l'annulation des titres de la société Tube Plastique Industrie (TPI) dont elle avait acquis en 1989 la totalité du capital ; que, par le jugement attaqué rendu le 22 février 2000, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés résultant de ces redressements, auxquels elle a été assujettie au titre des trois exercices vérifiés, mis en recouvrement le 30 septembre 1993 ;
Sur le bien-fondé des impositions contestées :
En ce qui concerne l'application de clauses de retour à meilleure fortune :
Considérant qu'en vertu de l'article 39.1 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par lettre du 8 mars 1983, la société Chloe Chimie devenue société Atochem, a consenti à la société Armosig un abandon de créances d'un montant de 12 000 000 F à la date du 31 décembre 1982 ; que, par lettre du 1ermars 1984, la société Atochem a consenti à la société Armosig un abandon de créances d'un montant de 87 000 000 F à la date du 31 décembre 1983 ; qu'elle a consenti à la société Euromat un abandon de créances d'un montant de 11 500 000 F à la date du 31 décembre 1983 par lettre en date du 2 mars 1984, et un abandon de créances de 1 500 000 F à la date du 31 décembre 1984 par lettre en date du 2 mars 1985 ; que ces lettres mentionnaient que ces abandons de créances ne mettaient pas en cause l'obligation naturelle du débiteur vis-à-vis de son créancier en cas de retour à meilleure fortune ;
Considérant que, par trois lettres en date des 15 décembre 1989, 18 décembre 1990 et 19 décembre 1991, postérieures à l'absorption des sociétés Armosig et Euromat par la société Sogecan devenue société ALPHACAN, la société Atochem a fait connaître à la société requérante sa décision de faire renaître des créances abandonnées en 1983, pour les montants respectifs de 55 000 000 F, 15 000 000 F et 27 000 000 F au 31 décembre de l'année en cause ; que si l'administration relève que ces lettres de renaissance de créances se référaient seulement à une lettre du 2 mars 1984 concernant l'abandon de créances consenti dans ladite lettre par la société Atochem à la société Sogecan devenue société ALPHACAN pour la somme de 65 000 000 F, il résulte de l'instruction que ces trois courriers se rapportaient en fait à des créances abandonnées par la société Atochem aux sociétés Armosig et Euromat avant leur absorption, et il est constant que la société ALPHACAN connaissait, en raison des bénéfices réalisés par elle au cours des exercices 1989, 1990 et 1991, un retour à meilleure fortune justifiant le remboursement desdites créances ;
Considérant que les créances détenues par la société Atochem sur sa filiale ALPHACAN, dont l'administration a remis en cause la déduction ne sont devenues certaines, dans leur principe et dans leur montant, qu'à la date du retour à meilleure fortune de la société requérante ; que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, ces créances n'étaient pas normalement prévisibles antérieurement à l'opération de fusion-absorption lorsque la société Atochem a consenti aux sociétés Armosig et Euromat des abandons de créances sous réserve d'une clause de retour à meilleure fortune ; qu'ainsi, les créances nées de la réalisation de ladite clause après le 1er janvier 1985, date de l'opération de fusion-absoption par la société requérante des sociétés Armosig et Euromat, ne pouvaient être prises en compte dans le prix d'acquisition de ces deux sociétés ; que, par suite, les charges résultant pour la société ALPHACAN du remboursement à la société Atochem de créances abandonnées par celle-ci aux sociétés Armosig et Euromat, et dont le fait générateur est constitué par son retour à meilleure fortune, étaient déductibles des résultats de la société ALPHACAN ; qu'ainsi, l'administration ne pouvait réintégrer dans les bases de cette société à l'impôt sur les sociétés les sommes de 55 000 000 F, 15 000 000 F et 27 000 000 F au titre respectivement des exercices 1989, 1990 et 1991 ;
En ce qui concerne la perte de fusion :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société ALPHACAN a absorbé le 31 octobre 1990, avec effet au 1er janvier 1990, la société Tube Plastique Industrie (TPI), dont elle avait acquis la totalité du capital le 7 avril 1989 au prix de revient de 31 000 000 F ; qu'ayant évalué à 17 387 877 F seulement la valeur de l'actif net apporté à la date de la fusion par annulation des titres de la société TPI, la société absorbante a constaté une perte comptable de 13 612 123 F, qu'elle a imputé sur les résultats imposables de l'exercice clos en 1990 ; que si l'administration a admis à ce titre la déduction d'une somme de 1 000 000 F correspondant à la valeur d'un fonds de commerce acquis par la société TPI en mars 1989 et entièrement déprécié à la date de la fusion, elle a réintégré cette perte dans le résultat imposable pour un montant de 12 612 123 F, au motif que l'écart entre le prix de revient des titres acquis en 1989 et la valeur intrinsèque des actifs de la société achetée correspondait en réalité à l'accroissement du fonds de commerce de la société absorbante résultant de la prise de contrôle d'une entreprise exerçant une activité de fabrication et de vente de canalisations polyéthylène complémentaire de celle de la société requérante ;
Considérant qu'il appartient à l'administration d'établir l'omission d'actif qu'elle invoque pour s'opposer à la déduction de la perte de fusion comptabilisée par la société ALPHACAN ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ne conteste pas l'exactitude des écritures, retraçant dans la comptabilité de la société requérante, d'une part, le prix payé pour l'acquisition des titres de la société TPI et, d'autre part, la valeur de l'actif net de cette société apportée lors de la fusion, telle qu'elle a été estimée sur la base du bilan de fusion établi au 31 décembre 1989 ; qu'il soutient que le prix d'acquisition des titres de la société TPI par la société ALPHACAN résulte d'une montée des enchères entre différents repreneurs et que cette acquisition présentait un intérêt stratégique pour la société requérante, en raison notamment de la participation importante détenue par la société TPI au sein d'un groupement d'intérêt économique dénommé Tuboléfine et permettant de s'assurer le contrôle de ce dernier ; qu'il ne produit, toutefois, aucun élément chiffré permettant d'établir que le prix d'acquisition des titres de la société TPI excédait la valeur intrinsèque de cette société telle qu'elle pouvait être appréciée au 7 avril 1989, date de leur achat ; qu'à cette date, l'actif net de la société TPI était estimé à 35 000 000 F, compte tenu des produits tirés par cette société de commandes provenant de Gaz de France ; que la circonstance que la décision de Gaz de France de diversifier ses approvisionnements aurait été connue avant le 7 avril 1989 ne suffit pas à établir , alors surtout que le renouvellement du contrat liant Gaz de France à la société TPI demeurait en cours de négociation, que l'écart en définitive constaté entre le prix de revient des titres de la société TPI et la valeur de ses actifs constatée à la date de l'annulation de ces titres traduirait une valeur de convenance liée à l'acquisition de la société TPI ; que, dans ces circonstances, l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve que la somme de 12 612 123 F réintégrée dans le résultat imposable de la société ALPHACAN pour l'exercice clos en 1990 correspondrait fût-ce en partie à une augmentation de la valeur de son propre fonds de commerce procurée par cette acquisition ; que ladite somme était, par suite, déductible du résultat de la société requérante ;
Considérant qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête que la société ALPHACAN est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions susvisées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à la société ALPHACAN une somme de 14 352 F (2 187, 95 euros) qu'elle demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La société ALPHACAN est déchargée des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1989, 1990 et 1991.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 20 février 2000 est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L' Etat versera à la société ALPHACAN une somme de 2 187 euros (14 352 F) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 00PA01225