Vu le recours, enregistré le 21 mai 2001, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9304902 du 19 décembre 2000 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a accordé à la société Pro Kennex la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1986, 1987, 1988 et 1992 et des suppléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des périodes du 1er janvier 1986 au 31 décembre 1988 et du 1er novembre 1990 au 31 janvier 1995 ainsi que des pénalités y afférentes, en tant que ces redressements portaient sur le refus de l'administration d'accepter la déductibilité des redevances pour prestations de marketing versées par la société Pro Kennex à la société Pogesi ;
2°) de remettre intégralement les impositions contestées à la charge de la société Pro Kennex ;
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Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mai 2005 :
- le rapport de M. Beaufaÿs, rapporteur,
- et les conclusions de M. Adrot, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société Pro Kennex, qui avait pour activité la commercialisation en France des articles de sports fabriqués par la société taïwanaise Kunnan, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité en matière de taxe sur le chiffre d'affaires et d'impôt sur les sociétés portant sur les exercices clos en 1986, 1987 et 1988, puis d'un second contrôle portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur la période du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1995, et en matière d'impôt sur les sociétés sur les exercices clos en 1991, 1992, 1993 et 1994 à la suite desquels l'administration a notamment prononcé des redressements consécutifs au rejet de la déduction, en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés, des redevances pour prestations de marketing versées par la société Pro Kennex à la société à la SARL Pogesi ; que le ministre relève appel du jugement du Tribunal administratif de Versailles du 19 décembre 2000 en tant qu'il a prononcé la décharge des impositions et pénalités consécutives aux dits redressements ;
Considérant, d'une part, qu'en vertu des dispositions combinées des articles 272-2 et 283-4 du code général des impôts et de l'article 223-1 de l'annexe II à ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucune marchandise ou prestation de services ou qui n'était pas le fournisseur réel de la marchandise ou de la prestation effectivement livrée ou exécutée ; que, dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et se présentait à ses clients comme assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, sans qu'il soit manifeste qu'il n'aurait pas rempli les obligations l'autorisant à faire figurer cette taxe sur ses factures, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ; que, dans le cas où une entreprise, à laquelle il appartient toujours de justifier, tant du montant de ses charges que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité, justifie d'une dépense comptabilisée par une facture émanant d'un fournisseur, il incombe à l'administration, si elle entend refuser la déduction de cette charge, d'établir que la marchandise ou la prestation de services facturée n'a pas été réellement livrée ou exécutée ;
Considérant que l'administration apporte au dossier des éléments d'appréciation sérieux tendant à établir que les prestations facturées par la SARL Pogesi à la société Pro Kennex, en exécution de la convention qui prévoyait une rémunération globale et forfaitaire, n'avaient pas été réellement exécutées ; qu'à cet égard l'administration fait valoir que la société Pro Kennex, qui a rémunéré la SARL Pogesi à hauteur de 3 % de son chiffre d'affaires, ce qui a rapporté à cette dernière 2 507 533 F en 1986, 1 396 772 F en 1987, 1 519 058 F en 1988, 2 255 977 F en 1992, 932 402 F en 1993 et 794 271 F en 1994, a seulement produit en première instance, des attestations du fabriquant Kunnan se déclarant satisfait de sa collaboration avec Mme X, gérante et unique salariée de la SARL Pogesi, ou d'établissements de vente d'articles de sport certifiant que cette dernière était leur seule interlocutrice pour la distribution de produits Kennex, des tableaux retraçant le chiffre d'affaires de ventes d'articles de sport distribués par des concurrents de la marque Kennex, le tableau retraçant l'évolution du chiffre d'affaires de la société requérante, la copie du passeport de Mme X faisant état d'un certain nombre de voyages à Taïwan, des photos de cette dernière dans un site de fabrication de Taïwan, une liasse de fiches de fabrication de produits à entête Pogesi ; que ces éléments sont parcellaires, pour la plupart peu significatifs, notamment quant à l'évolution du chiffre d'affaires de la société au regard de la supposée action marketing de la SARL Pogesi, et ne permettent pas de rendre compte de la nature et de l'ampleur réelles des prestations effectuées par la SARL Pogesi au profit de la société requérante, alors qu'aucun document de marketing, tels que des enquêtes ou des études de marché, qui aurait pu justifier une rémunération en rapport avec celle perçue par la SARL Pogesi, n'a été produit par la société ; que l'administration met, en outre, en évidence que la convention du 1er juillet 1984, qui définit les relations commerciales entre la société Kunnan et la SARL Pogesi, stipule expressément que ledit accord n'est valable qu'aussi longtemps que M. Y, alors président directeur général de la société Soprima, devenue la société Pro Kennex, reste mandaté par la SARL Pogesi pour la bonne exécution de cette convention ; qu'ainsi, M. Y, qui détenait 70 % des parts de la SARL Pogesi et, au travers de la participation de celle-ci et de sa propre participation, 49 % du capital de la société Pro Kennex, apparaît comme le véritable acteur et garant de la réussite de l'accord commercial ainsi conclu ; que l'expérience personnelle de ce dernier, attestée par les termes mêmes de cette convention, conjuguée aux moyens financiers, industriels et commerciaux dont il disposait en tant que dirigeant de la société Pro Kennex, permet de démontrer que l'intervention de la SARL Pogesi, au travers de son unique salariée Mme X dont aucune compétence ou diplôme en matière de marketing n'a été établie, était de pure complaisance et permettait en réalité à la société requérante de transférer une partie de ses bénéfices, lesquels étaient dans leur ensemble réinvestis par la SARL Pogesi dans des opérations d'investissements défiscalisés dans les départements et territoires d'Outre-mer ; que compte tenu des éléments ainsi apportés par l'administration, il appartient à la société Pro Kennex de justifier que les factures établies à son nom par la SARL Pogesi correspondaient cependant à des prestations réellement exécutées ; que l'intimée, à qui le recours du ministre a été régulièrement communiqué, n'a pas produit en défense malgré une mise en demeure en ce sens qui lui a été régulièrement notifiée par le greffe de la cour le 6 octobre 2003 ; que, dans ces conditions, la société Pro Kennex doit, conformément aux dispositions de l'article R.612-6 du code de justice administrative aux termes duquel : Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant, être réputée avoir admis l'exactitude matérielle des faits allégués par le ministre ; que l'inexactitude de ces faits ne ressort d'aucune des pièces du dossier ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a prononcé la décharge des suppléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de l'intimée au titre des périodes du 1er janvier 1986 au 31 décembre 1988 et du 1er novembre 1990 au 31 janvier 1995 ainsi que des pénalités y afférentes et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la société Pro Kennex a été assujettie au titre des exercices clos en 1986, 1987, 1988 et 1992, en tant que ces redressements portaient sur le refus de l'administration d'accepter la déductibilité des redevances pour prestations de marketing versées par la société Pro Kennex à la société Pogesi ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 19 décembre 2000 est annulé en tant qu'il a accordé la décharge des suppléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société Pro Kennex au titre des périodes du 1er janvier 1986 au 31 décembre 1988 et du 1er novembre 1990 au 31 janvier 1995 ainsi que des pénalités y afférentes et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, auxquelles la société Pro Kennex a été assujettie au titre des exercices clos en 1986, 1987, 1988 et 1992, correspondant au refus de l'administration d'accepter la déductibilité des redevances pour prestations de marketing versées par la société Pro Kennex à la société Pogesi.
Article 2 : Les droits de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que les pénalités dont ils ont été assortis et les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés dont la décharge a été accordée à la société Pro Kennex par le Tribunal administratif de Versailles au titre, respectivement, des périodes du 1er janvier 1986 au 31 décembre 1988 et du 1er novembre 1990 au 31 janvier 1995 et des exercices clos en 1986, 1987, 1988 et 1992, sont remis à la charge de la société Pro Kennex.
N° 01PA01718
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