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17/03/2005 | FRANCE | N°00PA00622

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4eme chambre - formation b, 17 mars 2005, 00PA00622


Vu la requête, enregistrée le 25 février 2000 sous le n° 00PA00622, présentée pour la VILLE DE PARIS représentée par son maire en exercice, hôtel de ville à Paris (75004), par Me Y... ; la VILLE DE PARIS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 88 08908-6 en date du 7 décembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser à la société Fougerolle et à la société Thinet et Compagnie la somme de 1 137 367.80 Francs (173 390.60 euros) avec intérêts moratoires à compter du 17 septembre 1987 au titre du règlement de trois marchés

relatifs aux travaux de réhabilitation du musée carnavalet ;

2°) de rejeter le...

Vu la requête, enregistrée le 25 février 2000 sous le n° 00PA00622, présentée pour la VILLE DE PARIS représentée par son maire en exercice, hôtel de ville à Paris (75004), par Me Y... ; la VILLE DE PARIS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 88 08908-6 en date du 7 décembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser à la société Fougerolle et à la société Thinet et Compagnie la somme de 1 137 367.80 Francs (173 390.60 euros) avec intérêts moratoires à compter du 17 septembre 1987 au titre du règlement de trois marchés relatifs aux travaux de réhabilitation du musée carnavalet ;

2°) de rejeter les demandes des sociétés Fougerolle et Thinet et Compagnie ;

3°) de condamner ces sociétés à lui verser la somme de 12 000 Francs (1 829.39 euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu à l'audience publique du 24 février 2005 :

- le rapport de M. Koster, rapporteur,

- les observations de Me de X..., pour LA VILLE DE PARIS et celles de Me Z..., pour les sociétés Fougerolle et Thinet et Compagnie,

- et les conclusions de M. Coiffet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par trois marchés à prix forfaitaires conclus en 1984, 1985 et 1986, la VILLE DE PARIS a confié à la société Nouvelle Pradeau et Morin ainsi qu'à la société Thinet et Compagnie des travaux de gros oeuvre, structure, terrassement et maçonnerie destinés à la rénovation du musée Carnavalet ; qu'aux termes d'un avenant du 21 novembre 1985 le montant des travaux du premier marché a été porté de 6 546 720 Francs (998 041.03 euros) à 7 029 437.92 Francs (1 071 630.90 euros) et leur délai d'exécution prorogé de trois mois ; que par deux autres avenants les délais d'exécution des deux autres marchés ont été allongés respectivement de cinq mois et de deux mois ; que les décomptes généraux des trois marchés ont été notifiés aux entreprises le 24 novembre 1987 et acceptés par elles avec réserves le 30 décembre 1987 ; que la demande indemnitaire de ces entreprises ayant été rejetée par le maître de l'ouvrage le 10 juin 1988, elles ont saisi le Tribunal administratif de Paris ; que la VILLE DE PARIS fait appel du jugement en date du 7 décembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à titre principal, à verser la somme de 1 137 376.80 Francs (173 390.60 euros) à la société Fougerolle, venant aux droits de la société nouvelle Pierre et Pasquet anciennement société nouvelle Pradeau et Morin, ainsi qu'à la société Thinet et Compagnie ; que les sociétés Fougerolle et Thinet et Compagnie demandent, par la voie de l'appel incident, que la somme à laquelle la VILLE DE PARIS a été condamnée à payer au titre des surcoûts de main-d'oeuvre, de matériel et de frais généraux soit portée de 700 000 Francs (106 714.31 euros) à 1 449 945 Francs (221 042.69 euros) ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le jugement attaqué fait expressément référence au jugement avant dire droit du 26 novembre 1991 par lequel le Tribunal administratif de Paris a reconnu, sur le fondement des dispositions de l'article 15-3 du cahier des clauses administratives générales, le droit des sociétés demanderesses à être indemnisées des travaux supplémentaires qui leur ont été imposés par le maître de l'ouvrage ; que, par suite, la circonstance que le jugement attaqué n'aurait pas lui-même précisé le fondement juridique sur lequel reposent les condamnations qu'il prononce n'est pas de nature à entacher ce jugement d'irrégularité ;

Sur le droit à indemnité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise ordonnée par le jugement avant dire droit du 26 novembre 1991 que les travaux supplémentaires effectués par les entreprises titulaires des marchés à la demande du maître de l'ouvrage ont, avec les surcoûts résultant de l'allongement des délais d'exécution, entraîné pour chacun des trois marchés des augmentations de la masse initiale des travaux supérieures à l'augmentation limite prévue par les stipulations de l'article 15-3 du cahier des clauses administratives générales - travaux applicable auxdits marchés ; que, par suite, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Paris a reconnu sur ce fondement le droit des sociétés demanderesses à être indemnisées des travaux supplémentaires qu'elles ont exécutés à la demande du maître de l'ouvrage et qui n'étaient pas, par leur nature, étrangers aux marchés ;

Considérant que si le Tribunal administratif de Paris a estimé que, pour les mêmes prestations, les sociétés demanderesses ne pouvaient obtenir une indemnité supplémentaire en réparation du préjudice subi du fait de l'augmentation de la masse des travaux au-delà de la limite prévue, au motif qu'elles ne justifiaient pas ni même n'alléguaient avoir subi un préjudice distinct de celui que répare l'indemnité pour travaux non prévus, cette circonstance ne permet pas de conclure, comme le fait la VILLE DE PARIS, que le Tribunal administratif de Paris aurait écarté l'application de l'article 15-3 du cahier des clauses administratives générales - travaux ; que, par suite, la VILLE DE PARIS n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué viole l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement en date du 26 novembre 1991 par lequel le Tribunal administratif de Paris avait admis les demandes en paiement d'indemnités des entreprises sur le fondement dudit article 15-3 ;

Considérant que les conditions d'application de l'article 15-3 du cahier des clauses administratives générales - travaux étant réunies en l'espèce, le Tribunal administratif de Paris n'a commis aucune violation de la loi en accueillant, sur ce fondement, les demandes indemnitaires qui lui ont été présentées par les sociétés Fougerolle et Thinet et Compagnie ; qu'il n'a pas davantage méconnu la règle de procédure selon laquelle le requérant ne peut solliciter et obtenir du juge des indemnités sur un fondement différent de celui invoqué au cours de la procédure précontentieuse ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la VILLE DE PARIS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser aux sociétés Fougerolle et Thinet et Compagnie une indemnité correspondant au montant des travaux non prévus initialement ;

Sur le montant de l'indemnité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que les modifications demandées par le maître de l'ouvrage au cours de l'exécution des marchés ont entraîné, d'une part, une augmentation des quantités exécutées et, d'autre part, en raison des allongements de délais, un surcoût de main d'oeuvre et des frais d'immobilisation de matériel ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que l'augmentation des quantités exécutées s'élève à 59 707.80 Francs (9 102.39 euros) pour le premier marché, compte tenu de la somme de 407 073.42 Francs (62 57.94 euros) versée au titre de l'avenant de 26 août 1985, 98 772.95 Francs (15 057.83 euros) pour le deuxième marché et 190 372.70 Francs (29 022.13 euros) pour le troisième marché ; qu'ainsi les sociétés Fougerolle et Thinet et Compagnie ont droit à une indemnité de 348 853.45 Francs (53 182.36 euros) à ce titre ;

Considérant que les surcoûts liés à l'allongement des délais d'exécution comportent pour chacun des marchés des frais de personnel, d'encadrement et ouvrier, des frais d'immobilisation du matériel et des frais généraux ; qu'ils ont été calculés sur ces bases par l'expert à 71 673 Francs (10 926.48 euros) pour le premier marché, à 645 543 Francs (98 412.40 euros) pour le deuxième et à 325 655 Francs (49 645.78 euros) pour le troisième ; que, toutefois, pour le premier marché l'expert a déduit à tort la somme de 407 073.42 Francs représentant le montant de l'avenant qui a déjà donné lieu à déduction au titre de l'augmentation des quantités exécutées ; que, dès lors, les sociétés Fougerolle et Thinet et Compagnie sont fondées à soutenir que le surcoût évalué par l'expert doit être porté à la somme de 478 747 Francs (72 984.51 euros) pour le premier marché ;

Considérant, cependant, qu'il ressort du rapport d'expertise que les entreprises n'ont pas fourni de justificatif des frais généraux et que les frais généraux de chantier ont été en grande partie pris en compte au titre des frais d'encadrement ; qu'il y a donc lieu de retirer des surcoûts tels que calculés par l'expert le montant des frais généraux évalués à la somme de 133 812 Francs (20 399.51 euros) ;

Considérant, en outre, que la VILLE DE PARIS a fait valoir pendant l'expertise que dix conducteurs de travaux ou chefs de chantier se sont succédés pendant les travaux, provoquant des perturbations à chaque changement, et que, contrairement aux allégations des entreprises titulaires des marchés, l'accès au chantier n'a à aucun moment été interdit aux véhicules ; qu'enfin l'indexation des indemnités permet déjà aux entreprises d'obtenir un certain dédommagement des retards qui ne leur sont pas imputables ; que, dans ces conditions, les indemnités proposées par l'expert au titre des surcoûts de main d'oeuvre et de matériel doivent faire l'objet d'un abattement d'un tiers, comme l'avaient estimé à bon droit les premiers juges ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il sera fait une juste appréciation des surcoûts subis par les sociétés Fougerolle et Thinet et Compagnie en raison de l'allongement des délais d'exécution en évaluant lesdits surcoûts à 290 150 Francs (44 233.08 euros) pour le premier marché, à 391 238 Francs (59 643.85 euros) pour le deuxième marché et à 197 366 Francs (30 088.25 euros) pour le troisième marché ;

Considérant que le montant cumulé des sommes dues au titre des travaux non prévus s'élève ainsi à 349 857.80 Francs (53 335.47 euros) pour le premier marché, à 490 010.95 Francs (74 720.68 euros) pour le deuxième marché et à 387 738.70 Francs (59 056.76 euros) pour le troisième marché ; qu'il résulte des prescriptions des cahiers des clauses administratives particulières et qu'il n'est pas contesté que les indices de révision de prix applicables à chacun des marchés s'élèvent à 1,119 pour le premier marché, à 1,115 pour le deuxième marché et à 1,0357 pour le troisième marché ; que, par suite, les indemnités dues par la VILLE DE PARIS s'élèvent pour les trois marchés respectivement à la somme de 59 682.39 euros (391 490.87 Francs), de 83 292.38 euros (546 362.20 Francs) et de 61 220.62 euros (401 580.97 Francs) ;

Sur les intérêts moratoires :

Considérant qu'en vertu des dispositions des articles 178 et 353 du code des marchés publics, dans leur rédaction applicable en l'espèce, le défaut de mandatement dans le délai prévu fait courir de plein droit et sans autre formalité, au profit du titulaire du marché, des intérêts moratoires à partir du jour suivant l'expiration dudit délai jusqu'au quinzième jour inclus suivant la date du mandatement principal ; qu'aux termes de l'article 13-43 du cahier des clauses administratives générales - travaux applicable aux marchés litigieux : Le mandatement du solde doit intervenir dans un délai de deux mois à compter de la notification du décompte général. La date de mandatement du solde est portée à la connaissance de l'entrepreneur ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que les décomptes généraux des marchés ont été notifiés le 24 novembre 1987 ; qu'en application des stipulations précitées du cahier des clauses administratives générales - travaux il y a lieu de fixer au 25 janvier 1988 le point de départ de la computation des intérêts moratoires dus aux sociétés Fougerolle et Thinet et Compagnie ; que, par suite, la VILLE DE PARIS est fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a fixé ce point de départ au 17 septembre 1987 et a retenu comme taux le taux légal en vigueur en 1987, majoré de deux points ; qu'il y a lieu de réformer sur ces points le jugement attaqué ;

Sur la capitalisation des intérêts ;

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée la première fois le 20 septembre 1988 ; qu'à cette date il était dû moins d'une année d'intérêts ; qu'elle a été demandée une seconde fois le 9 février 1990 ; qu'à cette date les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts tant à la date du 9 février 1990 qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant que c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Paris a mis à la charge de la VILLE DE PARIS les frais d'expertise fixés à la somme de 82 847.37 Francs (12 630 euros) par une ordonnance du 23 juillet 1997 du président dudit tribunal ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la VILLE DE PARIS à verser aux entreprises des intérêts au taux légal sur cette somme ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que les sociétés Fougerolle et Thinet et Compagnie, qui ne sont pas les parties perdantes dans le cadre de la présente instance, soient condamnées sur leur fondement à verser une somme à la VILLE DE PARIS ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la VILLE DE PARIS à verser aux sociétés Fougerolle et Thinet et Compagnie, en application de ces dispositions, une somme de 3 800 euros au titre des frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : La somme de 1 137 367.80 Francs (173 390.60 euros) que la VILLE DE PARIS a été condamnée à verser aux sociétés Fougerolle et Thinet et Compagnie par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 7 décembre 1999 est portée à 204 195.40 euros (1 339 434.04 Francs) T.T.C. Cette somme portera intérêts à compter du 25 janvier 1988 au taux d'intérêt légal de l'année 1988, majoré de deux points. Les intérêts échus le 9 février 1990 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 7 décembre 1999 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Les frais d'expertise fixés à la somme de 82 847.37 Francs (12 630 euros) sont mis à la charge de la VILLE DE PARIS.

Article 4 : La VILLE DE PARIS versera la somme de 3 800 euros aux sociétés Fougerolle et Thinet et Compagnie en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête et de l'appel incident des sociétés Fougerolle et Thinet et Compagnie est rejeté.

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N° 04PA01159

M. A...

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N° 00PA00622


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4eme chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 00PA00622
Date de la décision : 17/03/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TRICOT
Rapporteur ?: M. Patrick KOSTER
Rapporteur public ?: M. COIFFET
Avocat(s) : FOUSSARD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2005-03-17;00pa00622 ?
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