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24/01/2005 | FRANCE | N°02PA00736

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3eme chambre - formation b, 24 janvier 2005, 02PA00736


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 février et 2 mai 2002, présentés pour M. A... , élisant domicile ... et Mme X... , élisant domicile ... par Me Z... ; M. et Mme demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9802560/6 en date du 20 novembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à ce que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris soit condamnée à leur verser une somme de 200 000 F chacun ainsi qu'une somme de 10 000 F à leur fils Y..., et une indemnité représentative d'une rente de 10 000 F par

mois pendant toute la durée de la vie de leur fils Cyriaque ;

2°) de con...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 février et 2 mai 2002, présentés pour M. A... , élisant domicile ... et Mme X... , élisant domicile ... par Me Z... ; M. et Mme demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9802560/6 en date du 20 novembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à ce que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris soit condamnée à leur verser une somme de 200 000 F chacun ainsi qu'une somme de 10 000 F à leur fils Y..., et une indemnité représentative d'une rente de 10 000 F par mois pendant toute la durée de la vie de leur fils Cyriaque ;

2°) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à leur verser la somme de 30 489, 80 euros chacun, à verser à M. Y... la somme de 15 244, 90 euros et à verser à leur fils Cyriaque une rente à vie de 1 524, 90 euros indexée sur les coefficients de revalorisation fixés à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale ou à défaut sur l'indice de l'INSEE ;

3°) subsidiairement d'ordonner une nouvelle expertise ayant notamment pour objet de dire si la réalisation d'une amniocentèse à visée génétique était nécessaire ;

4°) de condamner l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris à leur verser la somme de 4 573, 47 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 janvier 2005 :

- le rapport de Mme Desticourt, rapporteur,

- les observations de Me Z..., pour M. et Mme ,

- et les conclusions de Mme Adda, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 1er de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance./ La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le handicap ou l'a aggravé, ou n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l'atténuer./ Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l'enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale./ Les dispositions du présent I sont applicables aux instances en cours, à l'exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l'indemnisation ;

Sur le préjudice de l'enfant Cyriaque :

Considérant qu'il n'est pas contesté que la trisomie dix-huit dont le jeune Cyriaque est atteint est inhérente à son patrimoine génétique ; que, dès lors, en l'absence de lien de causalité entre la faute invoquée et le préjudice résultant pour l'enfant de cette maladie, M. et Mme ne sont pas fondés à obtenir, au nom de leur fils mineur, réparation du préjudice lié à son handicap ;

Sur les préjudices de M. et Mme et de l'enfant Y... :

Considérant qu'il résulte du rapport du docteur B..., expert nommé par ordonnance du président du Tribunal administratif de Paris, que les examens échographiques pratiqués durant la grossesse de Mme , qui avaient révélé l'existence de petits kystes des plexus choroïdes, n'ont pas montré d'anomalies susceptibles d'attirer l'attention dans le domaine génétique ; qu'en particulier, si on retrouve a posteriori des caractères morphologiques évocateurs sur les échographies, leur intensité ne permettait manifestement pas de les considérer comme en dehors de la normalité ; que, par ailleurs, le retard de croissance intra utérin constaté lors de l'hospitalisation alors qu'auparavant le développement foetal avait été considéré normal, a pu être mis en relation avec la rupture prématurée de la poche des eaux qui avait conduit à l'hospitalisation de Mme à l'hôpital Antoine Béclère en avril 1996 ; qu'ainsi M et Mme ne sont pas fondés à soutenir qu'en s'abstenant de rechercher, à l'occasion des amniocentèses pratiquées par trois fois au cours de cette hospitalisation, l'existence d'une maladie génétique par l'établissement d'un cariotype, l'hôpital aurait commis une faute ;

Considérant, en outre, que l'expert indique dans son rapport que le terme d'amniocentèse, dénué de signification diagnostique, ne fait que désigner le mode de prélèvement du liquide amniotique par ponction sans impliquer aucun examen déterminé ; que le seul fait de réaliser une amniocentèse à visée bactériologique, comme c'était le cas pour Mme , n'impliquait aucunement la réalisation d'un cariotype, qui nécessite la mise en oeuvre d'une technique lourde de culture cellulaire, alors qu'aucun signe ne conduisait l'équipe médicale à soupçonner une maladie génétique ; qu'il ne résulte pas de l'article cité par M et Mme , qui a trait exclusivement aux amniocentèses à visée génétique, que toute amniocentèse à visée bactériologique devrait s'accompagner de l'établissement d'un cariotype ; qu'ainsi la circonstance d'avoir procédé à une recherche bactériologique sans procéder à une recherche génétique n'a pu constituer une faute médicale ;

Considérant que Mme n'a pu ignorer que les amniocentèses pratiquées à l'hôpital Antoine Béclère avaient pour but la recherche d'une infection du liquide amniotique alors qu'il ressort des pièces du dossier d'une part que son hospitalisation résultait précisément du risque d'infection lié à la rupture de la poche des eaux outre le risque de naissance prématurée, et d'autre part que d'autres examens avaient mis en évidence l'existence d'une infection susceptible de contaminer le liquide amniotique et le foetus ; qu'à supposer que ce soit le cas, elle n'établit pas qu'elle ait fait part à l'équipe médicale de ses préoccupations concernant l'existence d'une maladie génétique alors que ni son âge ni ses antécédents familiaux ne la prédisposaient à un risque de transmission d'une maladie génétique, ni qu'elle se soit inquiétée ou ait demandé l'établissement d'un cariotype à la suite de la première amniocentèse et que ceci lui aurait été refusé ; que le défaut d'information allégué concernant la nature et la finalité des amniocentèses pratiquées n'a donc pu, en tout état de cause, être à l'origine de son préjudice ; que le défaut de consentement écrit aux amniocentèses, à le supposer nécessaire, ne pourrait engager la responsabilité de l'établissement qu'à raison du préjudice ayant résulté de la réalisation d'examens bactériologiques et non du défaut de réalisation d'une recherche génétique ;

Considérant enfin que la communication, sur avis favorable de la Commission d'accès aux documents administratifs, d'un compte rendu d'amniocentèse qui aurait été incomplet n'a pu constituer une faute à l'origine des préjudices dont les consorts demandent réparation ; que le moyen est inopérant ; que, si les consorts soutiennent dans leurs dernières écritures que l'omission de la mention du résultat de l'amniocentèse pratiquée en mai 1996 constitue une faute, une telle faute à la supposer établie, concernant des résultats d'analyse bactériologique et non génétique, serait sans aucun lien avec le préjudice dont il est demandé réparation ;

Considérant qu'ainsi, l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris n'ayant commis aucune faute, les époux n'étaient pas fondés à rechercher sa responsabilité à raison de leur préjudice et de celui de leurs enfants ; que, dès lors, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la réparation des préjudices ayant résulté du fait qu'ils n'ont pas été informés des risques encourus ni mis à même de prendre les mesures adéquates lors de la grossesse de Mme et de la naissance de leur fils Cyriaque ; que leur requête doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à M et Mme la somme de 5 000 euros qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux en appel et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'Assistance Publique- Hôpitaux de Paris tendant au remboursement des frais exposés par elle en appel et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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NN 02PA00736


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3eme chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 02PA00736
Date de la décision : 24/01/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-0260-04-01-03-01 RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE. - RESPONSABILITÉ EN RAISON DES DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DES SERVICES PUBLICS. - SERVICE PUBLIC DE SANTÉ. - ÉTABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION. - NAISSANCE D'UN ENFANT ATTEINT D'UNE TRISOMIE DIX-HUIT - RESPONSABILITÉ NON RECONNUE DANS LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE.

z60-02-01-01-02z60-04-01-03-01z La responsabilité d'un établissement hospitalier du fait de la naissance d'un enfant atteint d'un handicap, non décelé pendant la grossesse de sa mère, ne peut être engagée et, par suite, ouvrir droit à réparation des préjudices de l'enfant qu'en présence d'une faute directement à l'origine du handicap ou de son aggravation et des préjudices de ses parents qu'en raison d'une faute caractérisée ayant fait obstacle à ce que le handicap soit décelé (article 1er de la loi du 4 mars 2002). Ne peut, d'une part, prétendre au bénéfice d'une indemnisation, alors qu'aucune faute médicale caractérisée n'a pu être relevée à l'encontre de l'établissement hospitalier, un enfant dont la trisomie dix-huit est inhérente à son seul patrimoine génétique. D'autre part, ne commet pas de faute caractérisée l'hôpital qui s'abstient de réaliser une amniocentèse à visée génétique sur une femme enceinte, hospitalisée en raison du risque d'infection lié à la rupture de la poche des eaux et du risque de naissance prématurée, et pour laquelle les échographies réalisées pendant la grossesse n'avaient révélé aucune anomalie de nature à attirer l'attention dans le domaine génétique et qui n'avait pas fait part à l'équipe médicale de ses préoccupations concernant l'existence d'une maladie génétique, que ne laissaient présager ni son âge, ni ses antécédents familiaux. Les parents de cet enfant ne sont donc pas fondés à invoquer, à ce titre, un préjudice indemnisable.


Composition du Tribunal
Président : M. FOURNIER DE LAURIERE
Rapporteur ?: Mme Odile DESTICOURT
Rapporteur public ?: Mme ADDA
Avocat(s) : LORIT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2005-01-24;02pa00736 ?
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