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28/05/2004 | FRANCE | N°99PA03793

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2eme chambre - formation b, 28 mai 2004, 99PA03793


VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 16 novembre 1999, présentée pour la société à responsabilité limitée COFA, représentée par son liquidateur, M. Tang Hun Y..., demeurant ..., par Me X..., avocat ; la société COFA demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9413507/1 et 9413508/1 du 8 juillet 1999 en tant que le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de ses demandes tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1984 et du complément de taxe

sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 1984 ...

VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 16 novembre 1999, présentée pour la société à responsabilité limitée COFA, représentée par son liquidateur, M. Tang Hun Y..., demeurant ..., par Me X..., avocat ; la société COFA demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9413507/1 et 9413508/1 du 8 juillet 1999 en tant que le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de ses demandes tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1984 et du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1985 ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

.........................................................................................................

VU les autres pièces du dossier ;

VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

VU la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 modifiée sur les sociétés commerciales ;

VU loi n° 86-1317 du 30 décembre 1986 portant loi de finances pour 1987 ;

VU la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières ;

VU la loi n° 92-1376 du 30 décembre 1992 portant loi de finances pour 1993 ;

VU le décret n° 84-406 du 30 mai 1984 modifié relatif au registre du commerce et des sociétés ;

VU le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 2004 :

- le rapport de Mme HELMLINGER, premier conseiller,

- et les conclusions de M. LE GOFF, commissaire du Gouvernement ;

Sur la recevabilité de la requête de la société COFA et de sa demande devant le tribunal administratif :

Considérant qu'aux termes de l'article 391 la loi du 24 juillet 1966 susvisée sur les sociétés commerciales alors en vigueur : La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation, jusqu'à la clôture de celle-ci ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une société dont la clôture des opérations de liquidation n'a pas été prononcée dans les conditions prévues par les articles 397 et 398 de la loi précitée du 24 juillet 1966 doit être regardée comme justifiant d'une capacité à agir en justice, quand bien même sa radiation aurait été enregistrée au registre du commerce et des sociétés, en méconnaissance, du reste, des dispositions des articles 23 et 24 du décret susvisé du 30 mai 1984 ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que si la société à responsabilité limitée COFA a été dissoute par décision de son assemblée générale en date du 24 février 1986 et si sa radiation du registre du commerce et des sociétés a été enregistrée dès le 7 mars 1986, elle soutient, sans être ultérieurement contestée par l'administration, que la clôture de ses opérations de liquidation n'a pas été prononcée, en raison précisément du contentieux qui l'oppose à l'administration fiscale ; que, par suite, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'est pas fondé à soutenir que la procédure contentieuse initiée par ladite société, et notamment sa requête devant la présente cour, serait irrecevable, faute, pour elle, de justifier d'une existence légale ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'au terme de la vérification de la comptabilité de la société COFA qui s'est déroulée du 21 mars au 16 avril 1986, le vérificateur a estimé que la comptabilité de ladite société était entachée de graves insuffisances la privant de valeur probante, au sens de l'article L. 75 du livre des procédures fiscales alors en vigueur, aux motifs que le registre des façonniers prévu par les dispositions de l'article 1649 ter du code général des impôts n'était pas tenu, qu'un brouillard de caisse présentant le détail journalier des opérations enregistrées mensuellement sur le compte caisse n'avait pu être présenté pas plus que les bulletins et carnets de livraison et que des apports en espèces injustifiés avaient été effectués par les associés ;

Considérant que si la société requérante se prévaut de la doctrine administrative contenue dans la documentation de base n° 3-E-533 du 1er septembre 1983 aux termes de laquelle les façonniers peuvent ne pas tenir de registre spécial, dès lors les indications prescrites figurent dans leur comptabilité générale , elle ne justifie pas que lesdites indications, à savoir le nom et l'adresse des donneurs d'ordre, et, pour chacun d'eux, la nature et les quantités des matières mises en oeuvre et des produits transformés, figuraient effectivement dans ses écritures comptables ; qu'elle n'a jamais produit, ni devant le tribunal administratif, ni devant la cour, les documents enregistrant au jour le jour les débits et crédits du compte caisse, qu'elle prétend détenir ; que, dans ces conditions et en l'absence de toute pièce, et notamment les bulletins et carnets de livraison, permettant d'identifier individuellement les recettes de l'entreprise, le vérificateur a pu à bon droit regarder la comptabilité de la société COFA comme insuffisante et non probante ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 108 de la loi du 30 décembre 1992 susvisée, dont le I est codifié à l'article L. 284 du livre des procédures fiscales : I - Sauf disposition contraire, les règles de procédure fiscale ne s'appliquent qu'aux formalités accomplies après leur date d'entrée en vigueur, quelle que soit la date de mise en recouvrement des impositions. II - Les dispositions du I s'appliquent aux formalités accomplies avant la publication de la présente loi ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque avant la mise en recouvrement de l'imposition, une loi supprime une procédure d'imposition pour lui substituer une autre procédure, cette dernière s'applique sauf si, avant l'entrée en vigueur de la loi qui l'a instituée, toutes les formalités que comportait l'ancienne procédure applicable ont été régulièrement accomplies ; qu'avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1987, de l'article 81 de la loi du 30 décembre 1986 susvisée, dont le premier alinéa du I a supprimé la procédure de rectification d'office, la seule formalité que comportait cette procédure consistait, aux termes des articles L. 76 et R* 75-1 du livre des procédures fiscales alors en vigueur, en l'obligation faite à l'administration de porter à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, les bases ou éléments servant au calcul de ces dernières, au moyen d'une notification précisant leurs modalités de détermination et portant le visa d'un agent ayant au moins le grade d'inspecteur principal ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'une telle notification avait été adressée à la société COFA le 15 octobre 1986 ; que, si par la suite et avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses, l'administration a entendu confirmer ces redressements selon la procédure contradictoire et permettre à la société de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, elle est en droit d'invoquer à un moment quelconque de la procédure tous moyens de nature à faire reconnaître la régularité de la procédure d'imposition ou le bien-fondé de l'imposition contestée ; qu'elle est ainsi fondée à se prévaloir de la situation de rectification d'office dans laquelle se trouvait la société COFA ; que, par suite, la société requérante ne peut utilement faire grief à l'administration d'avoir méconnu la procédure contradictoire, et notamment de ne pas avoir répondu à ses observations avant de lui proposer la saisine de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires, ou de ne pas lui avoir régulièrement notifié l'avis de cette dernière ; qu'au demeurant, il résulte des pièces versées au dossier par l'administration en première instance que ce dernier moyen manque en fait ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant que, quelle que soit la procédure d'imposition, il appartient toujours au contribuable de justifier tant du montant de ses charges que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que s'il justifie d'une charge comptabilisée par une facture émanant d'un prestataire de services, il incombe à l'administration, si elle entend refuser la déduction de cette charge en application de l'article 39 du code général des impôts ainsi que la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture en application des dispositions combinées des articles 272-2 et 283-4 dudit code, d'établir que la prestation de services ainsi facturée n'a pas été réellement exécutée ; que si l'administration apporte des indices sérieux du caractère fictif de ces factures, il appartient au contribuable de justifier l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il a effectivement retirée de ces prestations ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a rejeté la déduction, au titre de l 'année 1984, d'une somme de 1.285.771 F hors taxes représentant l'ensemble des factures établies par trois sociétés, UNILUX, UTEX et SONLY, dont les dirigeants ont fait l'objet, selon elle, d'une condamnation pour émission de factures de complaisance, aux termes d'un jugement de la 31ème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris du 17 février 1986 confirmé par la cour d'appel de Paris le 14 mai 1987 ; qu'elle a, en outre, constaté que le volume de la sous-traitance déclaré par la société COFA paraissait anormalement important par rapport à son chiffre d'affaires, eu égard aux conditions d'exploitation de l'entreprise ; que, compte tenu des indices ainsi apportés par l'administration, il appartient à la société requérante de justifier que les factures établies à son nom par ces trois sociétés correspondaient à des prestations réellement exécutées ; qu'en se bornant à se prévaloir de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la société requérante ne peut être regardée comme apportant la preuve qui, dans les conditions sus-décrites, lui incombe de la réalité des activités de sous-traitance ainsi facturées par les trois sociétés sus-indiquées ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur antérieure à la loi susvisée du 8 juillet 1987 : 1 Sous réserve des dispositions des articles 1730, 1731, 1827 et 1829, lorsque la mauvaise foi du redevable est établie, les droits correspondant aux infractions définies à l'article 1728 sont majorés de : ... 150 % quelle que soit l'importance de ces droits, si le redevable s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ; qu'aux termes des dispositions de l'article 1729, dans sa rédaction issue de l'article 2 de la loi précitée du 8 juillet 1987 : 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration ... de 80 % s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ... ;

Considérant que la société COFA devant être regardée, dans les conditions sus-indiquées, comme ayant déduit de ses résultats des charges correspondant à des factures fictives, c'est à bon droit que l'administration a assorti la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés qui lui a été assignée au titre de l'année 1984, à raison de ce chef de redressement, de pénalités pour manoeuvres frauduleuses ;

Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que, contrairement aux énonciations du jugement attaqué, ces pénalités ont été calculées sur la base du taux de 150 % résultant de l'application des dispositions précitées de l'article 1729, dans sa rédaction antérieure à la loi du 8 juillet 1987 ; qu'il appartient au juge de l'impôt d'examiner d'office s'il y a lieu de faire application de ladite loi, dans le cas où celle-ci institue une sanction plus douce ; que, pour déterminer si tel est le cas, il convient de ne prendre en compte que le taux de majoration prévu par le nouveau texte en cas de manoeuvres frauduleuses, à l'exclusion des intérêts de retard qui n'ont pas le caractère d'une sanction ; que pour procéder à cette comparaison, il y a lieu de ne prendre en compte que la part de majorations qui, en vertu des règles antérieurement applicables, présentait le caractère d'une sanction et donc d'en défalquer la fraction correspondant aux intérêts de retard, qui étaient, en tout état de cause, maintenus lorsque le juge était conduit à prononcer la décharge des pénalités ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la part qui présentait le caractère d'une sanction dans la majoration de 150 % appliquée à la société COFA est supérieure à 80 % compte tenu du montant des intérêts de retard, qui s'élevait à 48 % ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'appliquer les dispositions du 1 de l'article 1729 du code général des impôts dans leur rédaction résultant de la loi du 8 juillet 1987 pour calculer le montant de la majoration pour manoeuvres frauduleuses due par la société requérante à raison des redressements en matière d'impôt sur les sociétés, au titre de l'année 1984, correspondant à la réintégration des charges regardées comme fictives par l'administration ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société COFA n'est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de ses demandes tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1984 et du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1985 ainsi que des pénalités y afférentes, que dans la limite de la réduction des pénalités pour manoeuvres frauduleuses sus-indiquée ;

Sur les conclusions de la société COFA tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, soit condamné à payer à la société COFA la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Les majorations pour manoeuvres frauduleuses appliquées à la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la société COFA a été assujettie au titre de l'année 1984, à raison des redressements afférents à la réintégration dans ses résultats imposables d'une somme de 1.285.771 F hors taxes, seront calculées conformément au taux de 80 % prévu par le 1 de l'article 1729 résultant de la loi susvisée du 8 juillet 1987, les intérêts de retard compris dans les sanctions appliquées initialement s'y ajoutant.

Article 2 : La société COFA est déchargée de la différence entre les majorations pour manoeuvres frauduleuses qui lui ont été assignées et celles qui résultent de l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 8 juillet 1999 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société COFA est rejeté.

2

N° 99PA03793

Classement CNIJ : 54-01-06

C 19-04-02-01-06-01-02

19-02-01-02

19-01-04


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2eme chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 99PA03793
Date de la décision : 28/05/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. COUZINET
Rapporteur ?: Mme Laurence HELMLINGER
Rapporteur public ?: M. BATAILLE
Avocat(s) : FRAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2004-05-28;99pa03793 ?
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