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18/05/2004 | FRANCE | N°99PA04004

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4eme chambre - formation b, 18 mai 2004, 99PA04004


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 3 décembre 1999, présentée pour la SOCIETE JEAN LEFEBVRE dont le siège social est 76 boulevard Robert Schuman, BP 100, 93891 Livry Gargan Cedex, par la SCP TETAUD, LAMBARD, JAMI, avocat ; la SOCIETE JEAN LEFEBVRE demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 93 2965 en date du 1er juillet 1999 par lequel le tribunal administratif de Versailles l'a condamnée solidairement avec le bureau d'études Ecovrib, l'Etat (ministère de l'équipement et des transports) et la société Socotec à verser à l'établi

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 3 décembre 1999, présentée pour la SOCIETE JEAN LEFEBVRE dont le siège social est 76 boulevard Robert Schuman, BP 100, 93891 Livry Gargan Cedex, par la SCP TETAUD, LAMBARD, JAMI, avocat ; la SOCIETE JEAN LEFEBVRE demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 93 2965 en date du 1er juillet 1999 par lequel le tribunal administratif de Versailles l'a condamnée solidairement avec le bureau d'études Ecovrib, l'Etat (ministère de l'équipement et des transports) et la société Socotec à verser à l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée (EPAMARNE) la somme de 6.055.150 F avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts en réparation des désordres affectant le mur anti-bruit édifié en bordure de l'autoroute A4 sur le territoire de la commune d'Emerainville ;

2°) de rejeter les demandes de l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée à son encontre et de prononcer sa mise hors de cause ;

3°) à titre subsidiaire, de diminuer sa part de responsabilité et de fixer à la somme maximale de 689.740 F le montant du préjudice indemnisable ;

4°) de désigner un expert afin de déterminer si la réparation de l'écran acoustique était envisageable et de déterminer le quantum des réfections en relation de causalité directe et certaine avec le sinistre ;

5°) de condamner l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée à lui verser la somme de 30.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mai 2004 :

- le rapport de M. KOSTER, premier conseiller,

- les observations de Me HERICHER-MAZEL, avocat, pour la SOCIETE JEAN LEFEVRE, celles de Me AUGER, avocat, pour l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée, celles de Me ODENT, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour le bureau d'études Ecovrib, celles de Me CHATENET, avocat, pour la société SOCOTEC, et celles de Me MARAVELLI, avocat, pour M. X,

- les conclusions de M. HAÏM, commissaire du Gouvernement ;

- et connaissance prise de la note en délibéré présentée le 10 mai 2004 pour l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée ;

Considérant que, par un marché conclu le 30 novembre 1987, l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée (EPAMARNE) a confié à la SOCIETE JEAN LEFEBVRE les travaux de construction d'un écran anti-bruit le long de l'autoroute A4 sur le territoire de la commune d'Emerainville ; que le bureau d'études Ecovrib a été choisi en qualité de maître d'oeuvre concepteur de l'ouvrage ; que la société Socotec a été retenue en qualité de contrôleur technique de l'opération ; qu'enfin, la direction départementale de l'équipement de Seine-et-Marne s'est vu confier la maîtrise d'oeuvre de direction des travaux ; que, par un jugement en date du 1er juillet 1999, le tribunal administratif de Versailles a condamné solidairement lesdits constructeurs à verser à l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée la somme de 6.055.150 F avec intérêts au taux légal à compter du 4 mai 1993, à raison des désordres ayant affecté le mur anti-bruit ; que la SOCIETE JEAN LEFEBVRE et, par la voie d'appels incidents et provoqués, l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée, le bureau d'études Ecovrib, M. X, sous-traitant de la SOCIETE JEAN LEFEBVRE, et la société Socotec demandent la réformation dudit jugement ;

Sur les responsabilités :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par une ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Paris du 21 mars 1990 que le mur anti-bruit litigieux construit le long de l'autoroute A4 a présenté dès le mois de juillet 1988 d'importantes déformations de structure ; qu'à la suite de tempêtes en juillet 1989 et février 1990 les déformations se sont accentuées et des panneaux se sont envolés en direction de l'autoroute ; que ces désordres étaient de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage et à le rendre impropre à sa destination ; que la violence du vent, au moment de la tempête du 3 février 1990, ne présentait pas, eu égard aux circonstances de l'espèce, un caractère de force majeure ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Versailles a estimé que l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée est fondé à rechercher la responsabilité des constructeurs du mur anti-bruit sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les désordres litigieux résultent exclusivement d'un manque de rigidité des platines d'encastrement des profilés métalliques constituant la structure du mur anti-bruit ; que ce défaut provient, pour certains poteaux, de l'absence de goussets raidisseurs et, pour d'autres, de l'absence de mortier dans l'interface entre la platine d'encastrement et le béton de la semelle ; que ces désordres sont imputables à la SOCIETE JEAN LEFEBVRE qui a proposé le procédé de construction finalement retenu et a exécuté les travaux ; qu'ils sont également imputables au bureau d'études Ecovrib qui a validé la solution, dite variante, proposée par la SOCIETE JEAN LEFEBVRE ; que si le bureau de contrôle technique, la société Socotec, est intervenu à plusieurs reprises pour rappeler la nécessité d'apposer des goussets raidisseurs et pour demander en conséquence des modifications des plans d'exécution, il a négligé de vérifier que ces avis étaient suivis d'effets, notamment lors de ses contrôles sur place ; qu'enfin, les désordres sont imputables à la direction départementale de l'équipement qui, étant en charge du suivi des travaux et de leur réception, aurait dû se rendre compte de l'absence de goussets de renfort et de bourrage en mortier sous la platine d'encastrement ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Versailles a condamné solidairement lesdits constructeurs à réparer les conséquences dommageables des désordres ;

Sur le montant de la réparation :

Considérant, en premier lieu, que le tribunal administratif de Versailles a condamné la SOCIETE JEAN LEFEBVRE, le bureau d'études Ecovrib, l'Etat et la société Socotec à verser à l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée la somme de 5.948.660 F au titre des travaux de reconstruction du mur anti-bruit ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que cette reconstruction a eu lieu en ayant recours à une ossature en béton armé complètement différente de la structure métallique utilisée à l'origine ; qu'en outre, le nouveau mur a été conçu pour un site exposé au vent alors que le mur initial prévoyait la construction pour un site normal ; que ces innovations, qui visent à assurer une meilleure pérennité de l'ouvrage de par la nature même des matériaux mis en oeuvre et se traduisent par un agrandissement des semelles existantes, constituent une amélioration de la construction par rapport aux prévisions du marché ; qu'ainsi, la SOCIETE JEAN LEFEBVRE, le bureau d'études Ecovrib, M. X et la société Socotec sont fondés à soutenir que ces modifications apportent audit ouvrage une plus-value qui doit être déduite du montant de la réparation due à l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée ; qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en évaluant cette plus-value à un tiers du coût de reconstruction du mur ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il n'y a pas de lien direct entre les disparitions de 32 plaques de polycarbonate dans les ateliers de la société Sitraba et les désordres affectant le mur anti-bruit ; que, dès lors, il y a lieu d'exclure du préjudice indemnisable la somme de 130.170 F réclamée à titre de remboursement que l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée a réglée à la société Sitraba à la suite de cette disparition ;

Considérant, en troisième lieu, que le montant des frais de l'expertise ordonnée par le tribunal de grande instance de Paris s'élève à la somme non contestée de 106.490 F ; que cette somme doit être prise en compte dans la fixation de l'indemnité qui est due au maître de l'ouvrage ;

Considérant, en quatrième lieu, que l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée n'apporte aucune justification à l'appui de ses conclusions tendant à la condamnation des constructeurs à lui verser la somme de 558.219 F au titre des frais financiers correspondant aux dépenses de reconstruction du mur anti-bruit ; que, par suite, l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée n'est pas fondé, par la voie de l'appel incident, à demander la réformation sur ce point du jugement attaqué et la condamnation des constructeurs à l'indemniser de ce chef de préjudice ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant total de l'indemnité mise à la charge de la SOCIETE JEAN LEFEBVRE, du bureau d'études Ecovrib, de l'Etat et de la société Socotec en réparation des préjudices imputables aux désordres ayant affecté l'écran anti-bruit réalisé pour l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée doit être ramené à 3.941.553,30 F (600.885,93 euros) ;

Sur les intérêts et sur la capitalisation des intérêts :

Considérant que l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 600.885,93 euros à compter du 4 mai 1993, date d'enregistrement de sa demande introductive d'instance ; que l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée a demandé par un mémoire du 19 octobre 1994 la capitalisation des intérêts ; qu'à cette date les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de celle-ci ;

Sur l'expertise complémentaire demandée par la SOCIETE JEAN LEFEBVRE et M. X :

Considérant qu'il ressort du rapport d'expertise que tous les éléments constituant le mur anti-bruit étaient sujets à des désordres irréversibles et que la construction d'origine était irrécupérable ; que, dans ces conditions, les conclusions de la SOCIETE JEAN LEFEBVRE et de M. X tendant à ce que la cour ordonne la réouverture des opérations d'expertise aux fins d'examiner si la reconstruction du mur était absolument indispensable ou si une réparation suffisait ne peuvent qu'être rejetées, en l'absence d'utilité d'une telle expertise ;

Sur les appels en garantie :

Considérant que la SOCIETE JEAN LEFEBVRE, le bureau d'études Ecovrib, l'Etat et le bureau de contrôle technique Socotec font l'objet d'une condamnation solidaire ; que les appels en garantie du bureau d'études Ecovrib contre la SOCIETE JEAN LEFEBVRE et du bureau de contrôle technique Socotec contre l'Etat et contre la SOCIETE JEAN LEFEBVRE doivent être regardés comme tendant à la modification de la répartition de la charge définitive de la condamnation entre ces personnes ; qu'il résulte de l'instruction qu'eu égard aux fautes respectives commises par chacun de ces constructeurs dans l'exécution de ses missions, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu la responsabilité de la SOCIETE JEAN LEFEBVRE pour 75%, de l'Etat pour 15%, du bureau d'études Ecovrib pour 5% et de la société Socotec pour 5% ;

Considérant que M. X, sous-traitant de la SOCIETE JEAN LEFEBVRE, qui n'avait aucun lien contractuel avec l'Etat et qui était un tiers par rapport à ce dernier, n'en a pas moins participé à l'exécution du même travail public constitué par l'édification du mur anti-bruit ; que, par suite, contrairement à ce que soutient M. X, le juge administratif était compétent pour statuer sur la responsabilité quasi-délictuelle qu'il peut encourir envers l'Etat à raison des fautes qu'il aurait commises lors de l'établissement des plans d'exécution de l'ouvrage et donc sur les conclusions de l'appel en garantie de l'Etat contre lui ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le cabinet X a commis des négligences, à l'origine d'erreurs, dans la mise à jour des plans d'exécution transmis aux entreprises ; que ces négligences ont contribué à la mauvaise exécution de l'ouvrage ; que, dès lors, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Versailles a condamné le bureau d'études X à garantir l'Etat, dont la responsabilité s'élève à 15%, à hauteur de 20% du montant mis à sa charge ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 6.055.150 F que le bureau d'études Ecovrib, l'Etat (ministère de l'équipement et des transports), la SOCIETE JEAN LEFEBVRE et le bureau de contrôle Socotec ont été condamnés solidairement à verser à l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée par le jugement du tribunal administratif de Versailles du 1er juillet 1999 est ramenée à 3.941.553,30 F (600.885,93 euros). Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 4 mai 1993. Les intérêts échus le 19 octobre 1994 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : La charge définitive de la condamnation sera supportée à concurrence de 75% par la SOCIETE JEAN LEFEBVRE, 15% par l'Etat, 5% par le bureau d'études Ecovrib et 5% par le bureau de contrôle Socotec.

Article 3 : Le bureau d'études X est condamné à garantir l'Etat à hauteur de 20% de la condamnation mise à sa charge.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 1er juillet 1999 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Les appels incidents de l'établissement public d'aménagement de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée et de M. X ainsi que le surplus des conclusions présentées par la SOCIETE JEAN LEFEBVRE, par le bureau d'études Ecovrib, par M. X et par la société Socotec sont rejetés.

2

N° 99PA04004

Classement CNIJ : 39-06-01-04-05-04

C 39-06-01-07-02

39-06-01-07-03-02-03


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4eme chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 99PA04004
Date de la décision : 18/05/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TRICOT
Rapporteur ?: M. Patrick KOSTER
Rapporteur public ?: M. HAIM
Avocat(s) : ODENT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2004-05-18;99pa04004 ?
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