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04/03/2004 | FRANCE | N°01PA01251

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4eme chambre - formation b, 04 mars 2004, 01PA01251


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 9 avril 2001 sous le n°01PA01251, pour la SOCIÉTÉ AIR FRANCE, dont le siège social est ..., par Me A..., avocat ; la SOCIÉTÉ AIR FRANCE demande à la cour :

1') d'annuler le jugement n° 995728 en date du 7 décembre 2000 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur en date du 19 juillet 1999 infligeant à la société une amende d'un montant de 1.500 euros (10 000 F) ;

2') de décharger la société du paiement de cette amende

ou de la réduire à un montant symbolique ;

3') d'enjoindre au ministre de rembo...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 9 avril 2001 sous le n°01PA01251, pour la SOCIÉTÉ AIR FRANCE, dont le siège social est ..., par Me A..., avocat ; la SOCIÉTÉ AIR FRANCE demande à la cour :

1') d'annuler le jugement n° 995728 en date du 7 décembre 2000 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur en date du 19 juillet 1999 infligeant à la société une amende d'un montant de 1.500 euros (10 000 F) ;

2') de décharger la société du paiement de cette amende ou de la réduire à un montant symbolique ;

3') d'enjoindre au ministre de rembourser ladite somme avec une astreinte de 500 F par jour à compter du 16ème jour de la notification du jugement ;

4') de condamner l'Etat à verser à la société la somme de 1.830 euros (12.000 F) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Etats de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 19 juin 1990 ;

Vu le code de l'aviation civile ;

Vu l'ordonnance n°'452658 du 2 novembre 1945 modifiée, relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France ;

Vu le décret n° 93180 du 8 février 1993 ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 92307 DC du 25 février 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 février 2004 :

- le rapport de M. COIFFET, premier conseiller,

- et les conclusions de M. HAIM, commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 20 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, dans sa rédaction issue de la loi du 26 février 1992 :' I Est punie d'une amende d'un montant maximum de 10.000 F l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un autre Etat, un étranger non ressortissant d'un Etat membre de la Communauté économique européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable à raison de sa nationalité. Le manquement est constaté par un procès-verbal établi par un fonctionnaire appartenant à l'un des corps dont la liste est définie par décret en Conseil d'Etat. Copie du procès-verbal est remise à l'entreprise de transport intéressée. Le manquement ainsi relevé donne lieu à une amende prononcée par le ministre de l'intérieur. L'amende peut être prononcée autant de fois qu'il y a de passagers concernés. Son montant est versé au Trésor public par l'entreprise de transport. L'entreprise de transport a accès au dossier et est mise à même de présenter ses observations écrites dans un délai d'un mois sur le projet de sanction de l'administration. La décision du ministre, qui est motivée, est susceptible d'un recours de pleine juridiction. Le ministre ne peut infliger d'amende à raison de faits remontant à plus d'un an. II L'amende prévue au premier alinéa du présent article n'est pas infligée : 1') lorsque l'étranger non-ressortissant d'un Etat membre de la Communauté économique européenne qui demande l'asile a été admis sur le territoire français ou lorsque la demande d'asile n'était pas manifestement infondée ; 2') lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement ou lorsque les documents présentés ne comportent pas un élément d'irrégularité manifeste ;

Considérant qu'il résulte tant de ces dispositions, adoptées en vue de donner leur plein effet aux dispositions de l'article 26 de la convention de Schengen, signée le 19 juin 1990, que de l'interprétation qu'en a donné le Conseil constitutionnel dans sa décision susvisée du 25 février 1992, qu'elles font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'Etats non membres de l'Union européenne sont en possession de documents de voyage, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, leur appartenant, non falsifiés et valides ; que si ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas des éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport ; qu'en l'absence d'une telle vérification, à laquelle le transporteur est d'ailleurs tenu de procéder en vertu de l'article L.322-2 du code de l'aviation civile, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par les dispositions précitées ;

Considérant que, par décision en date du 19 juillet 1999, le ministre de l'intérieur a, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 20 bis de l'ordonnance modifiée du 2 novembre 1945, infligé à la COMPAGNIE NATIONALE AIR FRANCE, devenue SOCIÉTÉ AIR FRANCE, une amende d'un montant de 10.000 F, pour avoir, le 23 juillet 1998, laissé débarquer sur le territoire français, d'un vol en provenance de Dakar, un passager démuni de document de voyage, le titre de séjour présenté étant manifestement falsifié ; que, par jugement en date du 7 décembre 2000, le tribunal administratif de Versailles, estimant que la falsification était manifeste, a rejeté la requête de la compagnie AIR FRANCE tendant à l'annulation de cette décision et à la décharge de cette amende ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le 23 juillet 1998 la compagnie AIR FRANCE devenue société AIR FRANCE a débarqué à l'aéroport Roissy-en-France, en provenance de Dakar, M. DRAME Y...
Z... MALICK X... en transit et à destination de Bologne, un ressortissant sénégalais dont le réembarquement après passage par la zone de transit international a été refusé par les services de police en raison d'un défaut de titre de séjour, le laissez-passer sénégalais et le permis de séjour italien présentés étant considérés comme manifestement contrefaits ;

Considérant que les étrangers transitant par le territoire français en empruntant exclusivement la voie aérienne sont dispensés de l'obligation de présenter un visa, en vertu des dispositions d'un arrêté interministériel du 10 avril 1984, sous réserve qu'ils ne sortent pas des limites de l'aéroport durent les escales ; qu'ainsi l'administration qui ne se prévaut pas à l'encontre du passager en transit de l'absence de visa de transit aéroportuaire ne pouvait sans erreur de droit prononcer en retenant le motif susrappelé une décision de refus d'admission à l'encontre de M. DRAME Y...
Z... MALICK X..., lequel ne pouvait être considéré comme étant en infraction au regard des dispositions de l'article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que l'administration ne pouvait pas, dès lors, légalement, par la décision du 19 avril 2000, infliger sur ce fondement une amende à la société AIR FRANCE ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que l'annulation de la décision ministérielle attaquée et la décharge du paiement de l'amende infligée par cette décision à la société requérante prononcées par le présent arrêt impliquent nécessairement le remboursement par l'Etat des sommes qui lui ont été versées par la société AIR FRANCE ; qu'il y a lieu, dès lors, d'enjoindre à l'Etat de rembourser ces sommes à la société requérante, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu de prononcer une astreinte à l'encontre de l'Etat ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la société AIR FRANCE, qui n'est pas la partie perdante dans le cadre de la présente instance, soit condamnée sur leur fondement à verser une somme à l'Etat (ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales) ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat (ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales) à verser à la société AIR FRANCE, en application de ces dispositions, la somme de 1.829,39 euros au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 995728 en date du 7 décembre 2000 du tribunal administratif de Versailles et la décision du ministre de l'intérieur du 19 juillet 1999 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à l'Etat (ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales) de reverser à la société AIR FRANCE la somme de 1.524,50 euros (10.000 F) dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat (ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales) est condamné à verser la somme de 1.829,39 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Article 4 : Les conclusions de l'Etat (ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales) tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4eme chambre - formation b
Numéro d'arrêt : 01PA01251
Date de la décision : 04/03/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TRICOT
Rapporteur ?: M. COIFFET
Rapporteur public ?: M. HAIM
Avocat(s) : VISY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2004-03-04;01pa01251 ?
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