VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 30 juin 2003, présentée pour Mme Lutete X, demeurant chez M. Y, ..., par Me LAGRUE, avocat ; Mme X demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 024591 en date du 16 avril 2003 par laquelle le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Val-de-Marne en date du 26 avril 2002, implicitement confirmée sur recours gracieux, refusant de lui délivrer un titre de séjour ;
2°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne, en application des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans les 30 jours de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
........................................................................................................
VU les autres pièces du dossier ;
VU l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
VU la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration ;
VU le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
VU le décret n° 2002-814 du 3 mai 2002 pris pour l'application de l'article 21 de la loi du 12 avril 2000 et relatif aux délais faisant naître une décision implicite de rejet ;
VU le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 28 janvier 2004 :
- le rapport de Mme PELLISSIER, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme FOLSCHEID, commissaire du Gouvernement ;
Sur la recevabilité de la demande de Mme X devant le tribunal administratif :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ; que si l'article R. 421-2 du même code dispose : Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet (...) , il ressort des dispositions de l'article 2 du décret du 30 juin 1946 susvisé, modifié par le décret du 3 mai 2002 publié le 5 mai 2002 au journal officiel de la République française, que, sur les demandes de titre de séjour , le délai de naissance d'une telle décision implicite est de quatre mois ; qu'en vertu de l'article 18 de la loi du 12 avril 2000, il faut entendre comme demande non seulement la demande initiale de titre de séjour, mais aussi le recours gracieux ou hiérarchique adressé à l'administration ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X a déposé le 26 juin 2002 un recours gracieux contre la décision du préfet du Val-de-Marne en date du 26 avril 2002 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ; que la décision implicite de rejet de cette demande, dont il ne ressort pas au surplus des pièces du dossier qu'elle aurait fait l'objet de l'accusé de réception prévu à l'article 19 de la loi du 12 avril 2000 susvisée, n'est intervenue, en application des dispositions précitées de l'article 2 du décret du 30 juin 1946, que le 26 octobre 2002 ; que si l'administration fait valoir que le recours gracieux a été explicitement rejeté par courrier daté du 1er août 2002, elle n'apporte pas la preuve de la notification de celui-ci ; que dès lors, la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Melun a rejeté comme tardive sa requête, enregistrée le 23 décembre 2002, tendant à l'annulation de la décision du 26 avril 2002 implicitement confirmée sur recours gracieux ; qu'ainsi cette ordonnance doit être annulée ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme X devant le tribunal administratif de Melun ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision du 26 avril 2002, confirmée sur recours gracieux, par laquelle le préfet du Val-de-Marne refuse de délivrer un titre de séjour à Mme X :
Considérant que par arrêté du 2 juillet 2001, publié le même jour au recueil des actes administratifs du département, M. Z, sous-préfet de Nogent-sur-Marne, a reçu délégation régulière du préfet du Val-de-Marne pour signer en son nom notamment les décisions refusant la délivrance d'un titre de séjour à un étranger ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse aurait été prise par une autorité incompétente manque en fait ;
Considérant que la décision litigieuse comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait , notamment les précisions sur la situation personnelle de Mme X, qui en constituent le fondement ; qu'elle est, dès lors, suffisamment motivée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée susvisée : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 3°) à l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) 7°) à l'étranger... dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ; que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant que si Mme X fait état d'une entrée en France en avril 1991, elle n'établit pas par les pièces produites, qui font notamment apparaître une activité salariée pour tous les mois de 1993 alors que la requérante est mère d'une enfant née le 31 mars 1993 à Kinshasa, y résider habituellement depuis plus de dix ans à la date de la décision litigieuse ; qu'ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait, en prenant la décision litigieuse, méconnu les dispositions du 3°) de l'article 12 bis précité ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée Mme X, à laquelle un titre de séjour avait déjà été refusé en juin 1998, résidait en France avec sa fille Maria âgée de 9 ans et scolarisée dans les Yvelines et son fils Flory né en juin 2001 à Colombes ; qu'elle ne conteste pas avoir trois autres enfants dans son pays d'origine ; que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu des conditions et de la durée du séjour de l'intéressée en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Val-de-Marne aurait, en refusant de lui délivrer le titre de séjour qu'elle demandait, porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé tant par les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que par celles du 7°) précité de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède de les conclusions à fin d'annulation de la décision du 26 avril 2002, et par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées tant devant le tribunal administratif que la cour administrative d'appel, ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, verse à Mme X les sommes que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance susvisée du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Melun est annulée.
Article 2 : La demande présentée par Mme X devant le tribunal administratif de Melun et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
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N°03P02597
Classement CNIJ : 335-01-03
C+ 54-01-07-02-03-02