Vu la requête, enregistrée le 12 novembre 1999 au greffe de la Cour, présentée pour M. Fernand X, demeurant ..., par Me Anjuere, avocat ; M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 929308-929309 en date du 13 septembre 1999 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1985 à 1987 et du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 1985 au 31 décembre 1987 et des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution du jugement ;
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classement CNIJ : 19-01-04
C 19-02-04-01
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 2003 :
- le rapport de Mme de LIGNIERES, premier conseiller,
- et les conclusions de M. BATAILLE, commissaire du Gouvernement ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :
Considérant que M. X a présenté devant l'administration, le 19 décembre 1990, une réclamation tendant à la réduction, en droits et pénalités, à hauteur respectivement de 44 350 F, 281 384 F et 149 011 F, de l'impôt sur le revenu qui lui a été assigné au titre des années 1985, 1986 et 1987 et, à hauteur de 187 087 F, de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été assignée au titre de la période du 1er janvier 1985 au 31 décembre 1987 ; qu'il suit de là que M. X n'est recevable à contester ces impositions que dans ces limites, quand bien-même les pénalités contestées devant le juge de l'impôt ne seraient pas afférentes à des droits contestés devant l'administration ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la motivation de la notification de redressement en matière de taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : L'administration adresse au contribuable une notification de redressements qui doit être motivée de manière à permettre au contribuable de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation... ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la notification de redressements du 9 août 1988 se fonde, en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée collectée, sur les recettes portées sur le livre de trésorerie présenté par le requérant lui-même lors des opérations de vérification, les remises de chèques non enregistrées et les remboursements de frais de copropriété et, pour la taxe sur la valeur ajoutée déductible, sur les factures des fournisseurs présentées par M. X ; que les motifs pour lesquels la comptabilité n'était pas probante, tirés en particulier de la tenue a posteriori du livre journal rédigé pour partie au crayon pour les années 1985 et 1986, du fait que l'ensemble des recettes n'est pas porté et du fait que les totaux ne sont jamais effectués, sont suffisamment exposés dans la notification de redressements pour permettre au contribuable de les connaître et d'en contester la réalité ;
En ce qui concerne les mises en demeure effectuées en matière de bénéfices non commerciaux :
Considérant que si M. X soutient que la procédure d'évaluation d'office est irrégulière du fait que les mises en demeure se rapportant aux bénéfices non commerciaux redressés pour 1985, 1986 et 1987 ne faisaient pas référence aux textes législatifs prévoyant l'obligation de déposer la déclaration n° 2035 ainsi que la mention de sa date de dépôt, il résulte de l'instruction que les mises en demeure adressées étaient rédigées sur l'imprimé modèle n° 2116 et comportaient les déclarations, années et services destinataires concernés ainsi que les textes applicables en matière de pénalités ; qu'au surplus, si le requérant entend se prévaloir de la documentation de base 13 L-1451 du 1er juillet 1989 relative aux conditions de forme que doit remplir la mise en demeure, cette doctrine ne peut être opposée à l'administration, sur la base des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, en tant qu'elle touche à la procédure d'imposition ; que ce moyen doit donc être écarté ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
Considérant qu'aux termes de l'article R* 194-1 du livre des procédures fiscales : Lorsque, ayant donné son accord au redressement ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la notification de redressement, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de redressement, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ;
Considérant que si M. X fait valoir que la charge de la preuve en matière de taxe sur la valeur ajoutée incombe à l'administration du seul fait que les rappels ont été notifiés selon la procédure de redressements contradictoire prévue par l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, il résulte de l'instruction qu'à la suite de cette notification de redressements, le 9 août 1988, le requérant n'a pas présenté d'observations dans le délai qui lui avait été imparti ; qu'il lui incombe donc, de ce fait, en vertu des dispositions précitées du livre des procédures fiscales, de démontrer le caractère exagéré de l'imposition en cause ;
Considérant qu'il en est de même, en vertu de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, en ce qui concerne les bénéfices non commerciaux évalués d'office ;
En ce qui concerne la comptabilité reconstituée a posteriori par M. X :
Considérant que M. X fait valoir qu'il a fait reconstituer sa comptabilité par un cabinet spécialité d'après lequel le montant des recettes hors taxe s'élèverait respectivement pour les années 1985, 1986 et 1987 à 776 823 F, 307 202 F et 931 719 F ; que cependant, la présentation a posteriori d'une comptabilité reconstituée lui retire toute valeur probante ; qu'au surplus les éléments ayant servi à cette reconstitution ne sont pas entièrement fournis et ne permettent pas d'en vérifier la validité ; que les documents tirés de cette reconstitution ne sauraient donc être valablement pris en compte pour démontrer l'exagération des impositions contestées ;
En ce qui concerne les recettes :
Considérant que M. X explique les discordances constatées au titre de l'année 1986 par les apports de l'exploitant et par le remboursement, par la société Bati Réal, d'avances versées par ses soins, et au titre de l'année 1987, par les remboursements de prêts faits à des amis ; que, cependant, le requérant ne fournit pas, pour 1986, de justificatifs de nature à démontrer que des recettes non professionnelles ont été retenues dans les recettes d'exploitation et la facture du 15 juillet 1986 produite semble même indiquer que la société Bati Réal est une entreprise sous-traitante ; que pour 1987, la copie d'attestations d'amis indiquant le remboursement par leurs soins de sommes antérieurement prêtées par M. X ne saurait être retenue dans la mesure où ces documents qui n'ont pas de date certaine sont dépourvus de tout caractère probant ;
En ce qui concerne les dépenses :
Considérant, en premier lieu, que pour ce qui concerne les achats et la sous-traitance relatifs aux années vérifiées, M. X fait valoir respectivement au titre de ces trois années des achats pour 23 069 F, 19 466 F et 46 269 F et des opérations de sous-traitance auprès d'entreprises de bâtiment pour 127 529 F ; que, cependant, les justificatifs fournis montrent une confusion entre les achats et les travaux de sous-traitance ; qu'il y a des discordances entre les montants évoqués et que les justificatifs ne sont pas complets ; que dans ces conditions c'est à juste titre que l'administration a rejeté les explications fournies par le requérant ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en ce qui concerne les frais généraux, M. X demande la prise en compte des loyers du 2ème semestre 1985 se rapportant à un local situé 40 rue Karl Marx à La Ferté-sous-Jouarre et fournit deux quittances datées des 1er juillet et 1er octobre 1985 ; que cependant, il ne justifie pas du caractère de ce local alors que son adresse professionnelle est 10 rue des Bas Fossés à La Ferté-sous-Jouarre ; que, de ce fait, le caractère professionnel des factures n'est pas établi ;
Considérant, enfin, que le requérant demande que soient retenus les frais financiers relatifs aux intérêts correspondant aux comptes services bancaires et charges d'intérêts ; que l'administration a seuls admis en déduction les intérêts correspondant à l'achat du local professionnel et que le caractère professionnel des autres frais financiers n'est pas établi par les seules allégations de M. X ;
En ce qui concerne la demande d'expertise :
Considérant qu'en toute absence de toute précision sur les éléments qui pourraient utilement faire l'objet d'une mesure d'instruction, il n'y a pas lieu d'ordonner l'expertise sollicitée par M. X ;
Sur les pénalités :
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant que les pénalités appliquées à M. X en matière de taxe sur la valeur ajoutée au titre des sous-périodes correspondant aux années 1985 et 1986 sont celles prévues par l'article 1731 du code général des impôts dans sa rédaction antérieure à la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 qui dispose que : En ce qui concerne les taxes sur le chiffre d'affaires (...), les insuffisances, inexactitudes ou omissions mentionnées à l'article 1728 donnent lieu, lorsque la mauvaise foi du redevable est établie, à l'application d'une amende fiscale égale au double des majorations prévues à l'article 1729 et déterminée, dans les mêmes conditions que ces majorations, en fonction du montant des droits éludés ; que ledit article 1729 disposait que : 1...Lorsque la mauvaise foi du redevable est établie, les droits correspondant aux infractions définies à l'article 1728 sont majorées de : /-30% si le montant des droits n'excède pas la moitié du montant des droits réellement dus ; /-50% si le montant des droits est supérieur à la moitié des droits réellement dus ; / 150% quelle que soit l'importance de ces droits, si le redevable s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses. ; que, pour ce qui concerne la sous-période correspondant à l'année 1987, les pénalités appliquées sont celles prévues par l'article 2-III de la loi du 8 juillet 1987 ultérieurement codifié à l'article 1729 du code général des impôts qui dispose que : Lorsque la déclaration ou l'acte mentionné à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40% si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80% s'il est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droit au sens de l'article L 64 du livre des procédures fiscales ;
Considérant, en premier lieu, que pour les sous-périodes correspondant aux années 1985 et 1986, l'administration n'a pas indiqué les taux de pénalités qu'elle a entendu appliquer ; que de ce fait, les pénalités en matière de taxe sur la valeur ajoutée ont été insuffisamment motivées ; qu'il y a donc lieu de substituer à l'amende dont a été assortie la taxe contestée au titre de ces sous-périodes les indemnités de retard dans la limite de ladite amende ;
Considérant, en second lieu, que pour la sous-période correspondant à l'année 1987, si M. X soutient que les pénalités ne sont pas motivées, il résulte de l'instruction que la première lettre qui lui a été adressée par l'administration le 21 octobre 1988, d'une part, justifie ces pénalités par le caractère grave et répété des erreurs commises ayant entraîné d'importantes minorations de recettes, et, d'autre part, cite le texte applicable qui ne prévoit qu'un seul taux en cas de mauvaise foi ; que le requérant ne pouvait donc se méprendre sur le taux applicable ; que le moyen tiré d'une absence ou d'une insuffisance de motivation des pénalités manque donc en fait ; que si le requérant invoque, en outre, les dispositions de l'article L 48 du livre des procédures fiscales qui obligent l'administration à indiquer au contribuable les conséquences financières des redressements et des pénalités afférentes dans la notification de redressements pour soutenir que ces pénalités lui auraient été infligées irrégulièrement du fait de l'absence de ces indications, il résulte des dispositions du livre des procédures fiscales dans sa rédaction en vigueur à la date de la notification de redressements que l'article L 48 ne prévoyait pas d'information du contribuable sur ce point si celui-ci n'en faisait pas la demande ; que M. X qui n'a adressé à l'administration aucune demande en ce sens n'est donc pas fondé à soutenir que la notification des pénalités serait irrégulière pour ce motif ;
En ce qui concerne l'impôt sur le revenu :
Considérant qu'en se bornant, dans sa seconde lettre du 21 octobre 1988, à indiquer à M. X que les droits qui lui ont été notifiés le 9 août 1988 en matière d'impôt sur le revenu dans le cadre d'une procédure de taxation d'office seraient assortis, pour les années 1985 et 1986, des majorations prévues à l'article 1733-1 du code général des impôts, et pour l'année 1987, de celles prévues à l'article 2-II de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987, ultérieurement codifié à l'article 1728 du même code, sans apporter à l'intéressé d'autres précisions sur les éléments de fait qui justifiaient l'application de ces articles, ni indiquer quel était, des deux taux que prévoit chacun d'eux, selon que le contribuable répond dans les trente jours à la première invitation qui lui est faite de produire sa déclaration, ou s'abstient de régulariser sa situation à l'issue des trente jours suivant la réception d'une seconde mise en demeure, celui que, compte tenu de l'infraction contestée, dont il n'a pas mentionné quelle elle était, il entendait appliquer, le vérificateur ne peut être regardé comme ayant régulièrement motivé lesdites pénalités au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ;
Considérant qu'il y a lieu, en conséquence, de substituer aux pénalités dont ont été assorties les impositions contestées au titre des années 1985 et 1986 les intérêts de retard dans la limite desdites pénalités et sans que la réduction accordée pour 1985 puisse excéder, pour les motifs exposés ci-dessus, la somme de 44 350 F, soit 6 761,11 euros ; qu'il y a lieu, en outre, de prononcer la décharge de la majoration de 40 % appliquée au titre de l'année 1987 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé à demander la réformation du jugement attaqué en matière de pénalités ;
Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Les indemnités de retard sont substituées à l'amende afférente à la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle M. X a été assujetti au titre des sous-périodes correspondant aux années 1985 et 1986, dans la limite de ladite amende.
Article 2 : Les intérêts de retard sont substitués aux majorations de 25% afférentes à l'impôt sur le revenu auquel M. X a été assujetti au titre des années 1985 et 1986, dans la limite du montant desdites majorations et sans que la réduction prononcée au titre de l'année 1985 puisse excéder 6 761,11 euros.
Article 3 : M. X est déchargé de la majoration de 40% afférente à l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1987.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 13 septembre 1999 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
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N° 99PA03737