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14/10/2003 | FRANCE | N°01PA02298

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ere chambre, 14 octobre 2003, 01PA02298


VU la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juillet 2001 et 12 octobre 2001 au greffe de la cour, présentés pour M. et Mme X... , demeurant ... ; M. et Mme demandent à la cour :

1°) de confirmer le jugement n° 9917519/3 du 22 mai 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a admis le principe de la responsabilité de l'Etat du fait du refus de concours de la force publique pour l'exécution d'une décision de justice ;

2°) de réformer ledit jugement en tant que, par ledit jugement, le

magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoi...

VU la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juillet 2001 et 12 octobre 2001 au greffe de la cour, présentés pour M. et Mme X... , demeurant ... ; M. et Mme demandent à la cour :

1°) de confirmer le jugement n° 9917519/3 du 22 mai 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a admis le principe de la responsabilité de l'Etat du fait du refus de concours de la force publique pour l'exécution d'une décision de justice ;

2°) de réformer ledit jugement en tant que, par ledit jugement, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise n'a pas fait entièrement droit à leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice subi à compter du 5 janvier 1999 et jusqu'au jour du départ effectif du locataire, en raison du refus de l'autorité préfectorale de prêter main-forte pour assurer l'exécution d'une décision de justice ordonnant l'expulsion des occupants ;

3°) de leur accorder des indemnités d'un montant de :

Classement CNIJ : 60-02-03-01-03

C

- 21.233,43 F au titre des loyers et charges des années 1999 et 2000, sommes qui pourront être ajustées et auxquelles s'ajouteront les sommes en cours d'évaluation concernant l'année 2001 ;

- 20.000 F au titre des troubles de jouissance de leur bien immobilier ;

- 250.000 F en réparation des dommages subis par leur immeuble ;

4°) de majorer les indemnités susénumérées, des intérêts au taux légal à compter de la date de leur demande préalable ainsi que des intérêts des intérêts au taux légal ;

5°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 10.000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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VU les autres pièces du dossier ;

VU la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, entrée en application le 1er janvier 1993, notamment ses articles 16, 17, 61 et 62 ;

VU le décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 instituant de nouvelles règles relatives aux procédures civiles d'exécution pour l'application de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution ;

VU le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er octobre 2003 :

- e rapport de Mme APPECHE-OTANI, premier conseiller,

- les observations de Me Y..., avocat, pour M. et Mme ,

- et les conclusions de M. DEMOUVEAUX, commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'article 16 de la loi susvisée n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution entrée en application le 1er janvier 1993 dispose : L'Etat est tenu de prêter son concours à l'exécution des jugements et des autres titres exécutoires. Le refus de l'Etat de prêter son concours ouvre droit à réparation ; qu'aux termes de l'article 61 de la même loi : Sauf disposition spéciale, l'expulsion ou l'évacuation d'un immeuble ou d'un lieu habité ne peut être poursuivie qu'en vertu d'une décision de justice ou d'un procès verbal de conciliation exécutoire et après signification d'un commandement d'avoir à libérer les locaux (...) ;

Considérant que M. et Mme ont saisi le préfet de la Seine-Saint-Denis, le 15 juillet 1999, d'une demande tendant à l'exécution de la décision de justice en date du 31 juillet 1998 prescrivant l'expulsion de M. et Mme de l'appartement situé ... ; que pour assurer l'exécution de cette décision de justice, l'huissier instrumentaire a demandé à l'autorité de police, le 5 janvier1999, de lui prêter main-forte ;

Sur la période de responsabilité :

Considérant que les requérants soutenaient, dans leurs écritures de première instance, que l'Etat devait être condamné à leur verser les sommes correspondant aux indemnités mensuelles d'occupation du logement en cause jusqu'à libération effective dudit logement ; que par suite, les requérants, qui n'avaient pas arrêté leurs comptes au 31 décembre 2000, sont recevables à demander en appel la prolongation de la période de responsabilité de l'Etat, qui a débuté le 15 mars 1999 et dont il ne ressort pas de l'instruction qu'elle avait pris fin à la date du présent arrêt ;

Sur le préjudice :

En ce qui concerne les pertes de loyers et remboursements de charges :

Considérant en premier lieu, que M. et Mme produisent en appel des relevés de compte pour la période du 16 mars 1999 au 31 décembre 1999 d'une part et du 1er janvier au 31 décembre 2000 d'autre part, d'où il ressort qu'après déduction des versements partiels effectués tant par le locataire que par la caisse d'allocations familiales, le préjudice subi par eux sur chacune de ces deux périodes, et imputable à la perte de loyers et aux charges locatives s'élève respectivement à 913,42 euros (5.991,65 F) et 1.654,60 euros (10.840,36 F) et non à 286,88 F et 4.836,31 F comme l'a estimé le tribunal dans le jugement attaqué ;

Considérant, en second lieu, que M. et Mme demandent dans leurs écritures d'appel au titre de l'année 2001, la condamnation de l'Etat à leur verser une somme de 1.935,24 euros (12.694,36 F) non contestée par ce dernier et correspondant au reliquat des seuls loyers et droits de bail non acquittés par l'occupant non plus que par la caisse d'allocations familiales ; qu'il y a lieu de faire droit à ces conclusions lesquelles n'englobent pas le préjudice subi du fait des reliquats de charges locatives dont le montant définitif n'était pas connu à la date de présentation des conclusions susanalysées ;

En ce qui concerne la dégradation des locaux :

Considérant qu'il ressort de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, qu'un incendie s'est déclaré le 18 juillet 2000, soit pendant la période de responsabilité de l'Etat susmentionnée dans l'appartement dont M. et Mme n'avaient pas été expulsés faute de concours de la force publique ; qu'il est constant que ces derniers, occupant l'appartement sans droit ni titre et sans que le propriétaire ait pu exiger d'eux qu'ils souscrivent une assurance contre le risque d'incendie, n'ont pas pris en charge la réparation des dommages résultant de ce sinistre ; que par suite, M. et Mme sont fondés à soutenir que contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, les conséquences dommageables du sinistre sont directement liées au refus de l'Etat de prêter main-forte à l'exécution du jugement d'expulsion ;

Considérant toutefois que si M. et Mme soutiennent que le coût de remise en état du logement peut être estimé à 250.000 F, ils n'établissent pas avoir effectivement engagés des dépenses au titre de ces travaux, ni avoir subi une perte de revenu du fait de la dégradation de l'état dudit logement ; que, par suite, la cour ne peut condamner l'Etat à la réparation du préjudice invoqué dès lors que ce dernier ne revêt pas un caractère réel et certain à la date à laquelle elle statue ;

En ce qui concerne les troubles de jouissance :

Considérant que M. et Mme soutiennent que du fait de la carence de l'administration, ils n'ont pu avoir la disposition de leur bien et ont dû entreprendre de nombreuses démarches liées aux troubles de voisinages résultant des agissements des occupants ainsi qu'à l'incendie susmentionné ; que contrairement à ce que soutient le ministre, ce chef de préjudice est distinct des pertes de loyers et charges ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de porter l'indemnité allouée à ce titre par le premier juge à la somme de 3.000 euros (19.678 F) en ce tous intérêts compris à la date du présent arrêt ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. et Mme sont fondés, mais seulement dans les limites posées par le présent arrêt, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a limité la réparation de leur préjudice ;

Sur les intérêts :

Considérant que M. et Mme ont droit aux intérêts au taux légal des sommes susmentionnées, allouées au titre des pertes de loyers et charges, à compter de la date de réception par l'administration de leur demande préalable soit le 15 juillet 1999 pour les loyers et charges échus antérieurement à cette date, tandis que les annuités échues postérieurement à cette date doivent porter intérêts au fur et à mesure de leurs échéances respectives ;

Sur la capitalisation des intérêts :

Considérant, en premier lieu, que M. et Mme ont demandé la capitalisation des intérêts le 13 juillet 2001 ; qu'à cette date, il était dû une année d'intérêt ; que dès lors les intérêts échus au 13 juillet 2001 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts ;

Sur la subrogation de l'Etat :

Considérant qu'il y a lieu de subordonner le paiement des indemnités correspondant aux pertes de revenus locatifs à la subrogation de l'Etat dans les droits du propriétaire à l'encontre de M. et Mme , dans la limite des indemnités accordées à ce titre par le présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat (ministre de l'intérieur) à verser à M. et Mme une somme de 1.500 euros au titre des frais exposés par ceux-ci et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité de 5.123,19 F mise à la charge de l'Etat par le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 22 mai 2001 au titre des loyers échus et charges impayés des années 1999 et 2000 est portée à 2.568,02 euros. L'Etat est condamné à payer à M. et Mme une indemnité de 1.935,24 euros (12.694,36 F) au titre des loyers échus et charges impayés de l'année 2001.

Article 2 : Les indemnités mentionnées à l'article 1er ci-dessus porteront intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 1999 pour les montants de loyers et charges échus antérieurement à cette date, tandis que les annuités échues postérieurement à cette date porteront intérêts au fur et à mesure de leurs échéances respectives. Les intérêts seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts, à la date du 13 juillet 2001 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : L'indemnité de 3.000 F mise à la charge de l'Etat par le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 22 mai 2001 au titre des troubles divers est portée à 3.000 Euros en ce tous intérêts compris au jour du présent arrêt.

Article 4 : Le paiement des sommes mentionnées à l'article 1er du présent arrêt est subordonné à la subrogation de l'Etat, à concurrence desdites sommes, dans les droits que détiennent M. et Mme à l'encontre de M. et Mme .

Article 5 : Le jugement n° 9917519/3 en date du 22 mai du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : L'Etat (ministre l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales) versera à M. et Mme , une somme de 1.500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme est rejeté.

Délibéré à l'issue de l'audience du 1er octobre 2003 où siégeaient :

Le président de la formation de jugement, Mme VETTRAINO, président,

Le rapporteur, Mme APPECHE-OTANI, premier conseiller,

L' assesseur, M. BACHINI, premier conseiller.

PRONONCE A PARIS, EN AUDIENCE PUBLIQUE, LE 14 octobre 2003.

Le président, Le rapporteur,

M. VETTRAINO S. APPECHE-OTANI

Le greffier,

F. VERRIER-LACORD

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

7

N° 01PA02298


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 01PA02298
Date de la décision : 14/10/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme APPECHE-OTANI
Rapporteur public ?: M. DEMOUVEAUX
Avocat(s) : DUFAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2003-10-14;01pa02298 ?
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