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11/04/2003 | FRANCE | N°98PA00305

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2eme chambre, 11 avril 2003, 98PA00305


VU le recours, enregistré au greffe de la cour le 30 janvier 1998, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9301928/1 du 30 juillet 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris a prononcé la réduction des bases d'imposition à l'impôt sur le revenu assignées à Mme X au titre des années 1985, 1986 et 1987, à hauteur respectivement des sommes de 1 059 972 F, 1 698 849 F et 121 644 F et l'a déchargée des droits et pénalités mis en recouvrement au titre de ces années ;
>2°) de rétablir lesdites impositions en droits et pénalités ;

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VU le recours, enregistré au greffe de la cour le 30 janvier 1998, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9301928/1 du 30 juillet 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris a prononcé la réduction des bases d'imposition à l'impôt sur le revenu assignées à Mme X au titre des années 1985, 1986 et 1987, à hauteur respectivement des sommes de 1 059 972 F, 1 698 849 F et 121 644 F et l'a déchargée des droits et pénalités mis en recouvrement au titre de ces années ;

2°) de rétablir lesdites impositions en droits et pénalités ;

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Classement CNIJ : 19-01-03-01-01

C 19-01-03-01-03

19-04-01-02-05-02-02

VU les autres pièces du dossier ;

VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

VU le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mars 2003 :

- le rapport de Mme de LIGNIERES, premier conseiller,

- et les conclusions de M. BATAILLE, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande l'annulation du jugement en date du 30 juillet 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à Mme X la décharge des compléments d'impôt sur le revenu qui lui ont été assignés au titre des années 1985, 1986 et 1987, à raison de revenus considérés comme d'origine indéterminée, d'un montant respectif de 1 059 972 F, 1 698 849 F et 121 644 F ;

Considérant que, pour prononcer cette décharge, le tribunal s'est fondé sur la circonstance que l'administration ne soutenait pas que Mme X aurait personnellement disposé des sommes prélevées sur le compte bancaire appartenant à son père et sur lequel elle avait une procuration, alors que celle-ci soutenait avoir agi en tant que mandataire de celui-ci pour régler les dépenses le concernant exposées lors de ses séjours à Paris ;

Considérant que Mme X ayant fait l'objet d'une procédure de taxation d'office, il lui appartient d'apporter la preuve de la situation qu'elle invoque ; que la preuve de l'existence d'un mandat n'est pas apportée dans la mesure où Mme X n'était pas tenue de rendre compte à son père de l'emploi des sommes en cause ;

Considérant, par ailleurs, que Mme X soutient qu'elle ne pouvait être taxée d'office à raison de sommes déposées au crédit d'un compte bancaire ouvert au nom de son père en faisant valoir qu'elle détenait une procuration sur ce compte pour gérer les dépenses de son père, âgé et résidant à l'étranger, mais qu'elle n'était pas titulaire de ce compte alimenté par des virements en provenance d'un compte détenu par son père dans une banque suisse ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que l'intimée effectuait sur ce compte la majorité des opérations et que son père séjournait très peu en France ; que Mme X n'apporte pas la preuve qu'elle n'aurait pas disposé pour son propre compte des sommes qui ont été taxées en se bornant à alléguer qu'elle réglait les dépenses effectuées par son père y compris à l'étranger par les prélèvements effectués sur ce compte bancaire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu le motif susanalysé pour prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X tant devant le tribunal que devant la cour ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements.(...). Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés. (...) Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l'intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur ; qu'aux termes de l'article L. 16 A du même livre : Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ; qu'aux termes de l'article L. 69 dudit livre : ... sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ;

Considérant, en premier lieu, que l'administration, qui avait réuni suffisamment d'éléments pour constater que Mme X avait disposé de revenus nettement supérieurs à ceux qu'elle avait déclarés, pouvait lui demander des éclaircissements ou des justifications sur les sommes inscrites sur les comptes bancaires dont elle avait la disposition, qu'il s'agisse de son compte personnel ou du compte sur lequel elle détenait une procuration ; que Mme X ayant contesté le droit pour l'administration de l'interroger sur ce dernier compte, celle-ci lui a envoyé, le 12 décembre 1988, une mise en demeure, à la suite de laquelle Mme X a adressé au service des copies d'avis de virement et deux attestations bancaires qui, s'ils justifiaient de l'origine de certains des flux financiers en cause, ne démontraient ni leur nature ni leur caractère non imposable ; que cette réponse équivalant par son imprécision à une absence de réponse, l'administration était en droit de taxer les crédits litigieux conformément aux dispositions précitées de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en deuxième lieu, que si Mme X soutient que la procédure suivie par l'administration a été irrégulière du fait que la doctrine administrative et en particulier l'instruction 13 L. 688 du 15 avril 1988 aurait ajouté aux textes législatifs du fait qu'elle permettrait à l'administration de contrôler les comptes sur lesquels le foyer fiscal vérifié a une procuration, un tel moyen est, en tout état de cause, inopérant ;

Considérant, en troisième lieu, que si Mme X affirme que la procédure de contrôle dont elle a fait l'objet n'avait pour but que de permettre une vérification fiscale déguisée et irrégulière des revenus de son père résidant à l'étranger, elle n'assortit cette allégation d'aucun élément de nature à permettre d'en vérifier la réalité ; qu'ainsi le moyen manque en fait ;

Considérant, en quatrième lieu, que si Mme X prétend que la communication faite par la banque à l'administration des copies des chèques tirés sur le compte Paribas n° 15 5404 W serait illégale et enfreindrait le secret bancaire du fait qu'il n'existe aucun texte l'autorisant et que les chèques et autres documents bancaires sont des documents personnels, il résulte des dispositions des articles L. 83 et L. 85 du livre des procédures fiscales que les établissements bancaires sont déliés du secret bancaire vis-à-vis de l'administration fiscale qui dispose à leur égard d'un droit de communication ;

Considérant, en cinquième lieu, que Mme X, qui a reçu un avis de vérification portant sur les années 1985 à 1987 le 23 mars 1988, a fait l'objet d'une première notification de redressements pour l'année 1985 le 16 décembre 1988 et d'une deuxième notification de redressements le 20 janvier 1989 pour les années 1985, 1986 et 1987 ; que si la requérante soutient que la première notification de redressement aurait mis fin à la procédure de vérification qui ne pouvait être reprise ensuite, cette notification avait pour seul objet d'interrompre la prescription en ce qui concerne l'année 1985 et ne comportait aucune mention relative aux autres années vérifiées et elle n'a pas eu pour effet de mettre un terme à la vérification en ce qui concerne les années 1986 et 1987 ; que s'agissant de l'année 1985, le service pouvait notifier un montant de revenus d'origine indéterminée revu à la baisse ; que la seconde notification de redressements remise en main propre à la requérante par le vérificateur est donc régulière ;

Considérant, en sixième lieu, que Mme X a reçu, le 6 mars 1989, une notification de redressements qui s'est substituée aux deux premières pour les trois années en cause et qui a remplacé la procédure de taxation d'office par une procédure contradictoire portant sur des bénéfices non commerciaux ; qu'à la suite de l'interlocution départementale, l'administration a remplacé cette notification par une nouvelle notification de redressements rectificative reprenant la taxation d'office de revenus d'origine indéterminée pour les trois années en cause et adressée à la requérante le 26 octobre 1989 ; que si Mme X fait valoir que la notification du 26 octobre 1989 a clôturé l'ensemble des opérations de contrôle et qu'elle a été adressée à la requérante au-delà du délai d'un an autorisé pour le contrôle, la vérification doit être considérée comme achevée par la réception des premières notifications de redressements, soit le 16 décembre 1988 en ce qui concerne l'année 1985 et le 20 janvier 1989 en ce qui concerne les années 1986 et 1987 ; que, dans les notifications de redressements postérieures, l'administration s'est bornée, sans investigations complémentaires sur les ressources, le train de vie ou le patrimoine de la contribuable, à modifier la procédure suivie et à requalifier les revenus en cause et n'a procédé à aucun rehaussement d'imposition ; que Mme X n'est donc pas fondée à soutenir que les opérations de vérification auraient excédé la durée d'un an fixée par les dispositions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en septième lieu, que la circonstance que l'administration ait entendu dans sa dernière notification de redressement revenir à la procédure de taxation d'office et qualifier les sommes en cause de revenus d'origine indéterminée alors qu'elle avait précédemment abandonné cette procédure et cette qualification pour la procédure contradictoire et la qualification des sommes de bénéfices non commerciaux, ne mettait nul obstacle à ce qu'elle reprît cette procédure au vu d'éléments nouveaux portés à sa connaissance lors de l'interlocution départementale ;

Considérant, enfin, que l'administration n'avait pas contrairement à ce que soutient l'intimée à reprendre l'ensemble de la procédure et à demander de nouvelles explications et de nouvelles justifications sur l'origine des sommes en cause lorsqu'elle a entendu, dans la notification de redressements du 26 octobre 1989, abandonner la procédure de redressement contradictoire de bénéfices non commerciaux pour revenir à la procédure qu'elle avait initialement retenue de taxation d'office de revenus d'origine indéterminée ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant que, à hauteur respectivement de 220 445 F, 49 946 F et 5 000 F au titre des années 1985, 1986 et 1987, les sommes inscrites sur le compte du père de Mme X ne proviennent pas de transferts de fonds venus de Suisse ; que Mme X n'a apporté aucun document de caractère probant de nature à établir l'origine, la nature et le caractère non imposable de ces sommes ; que si pour le surplus, Mme X peut être regardée comme établissant que les sommes proviennent d'un compte détenu en Suisse par son père, elle n'établit nullement le caractère non imposable desdites sommes ; qu'ainsi c'est à bon droit que l'administration a taxé comme revenus d'origine indéterminée les crédits inscrits sur ce compte, à hauteur respectivement des sommes de 1 059 972 F, 1 698 849 F et 121 644 F au titre des années 1985, 1986 et 1987 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et le rétablissement des impositions dont Mme X a été déchargée en première instance ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à Mme X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 30 juillet 1997 est annulé.

Article 2 : Mme X est rétablie au rôle de l'impôt sur le revenu au titre des années 1985 à 1987 à raison des droits et pénalités correspondant aux revenus d'origine indéterminée, d'un montant respectif, en bases, de 1 059 972 F, 1 698 849 F et 121 644 F.

Article 3 : Les conclusions de Mme X tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 98PA00305


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 98PA00305
Date de la décision : 11/04/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. COUZINET
Rapporteur ?: Mme DE LIGNIERES
Rapporteur public ?: M. BATAILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2003-04-11;98pa00305 ?
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