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09/08/2000 | FRANCE | N°96PA01232

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3e chambre, 09 août 2000, 96PA01232


(3ème Chambre B)
VU le mémoire, enregistré au greffe de la cour le 29 avril 1996, présenté pour Me Philippe Y..., syndic de la SCOPD MANUFRANCE, par la SCP LAMY, VERON, RIBEYRE, avocat ; Me Y..., syndic de la SCOPD MANUFRANCE demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9501148/7 du tribunal administratif de Paris en date du 6 mars 1996 qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui réparer le préjudice que la SCOPD MANUFRANCE a subi à hauteur de 227.653.872,84 F, somme assortie des intérêts moratoires au taux légal à compter de la demande préalab

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2 ) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50.000 F au tit...

(3ème Chambre B)
VU le mémoire, enregistré au greffe de la cour le 29 avril 1996, présenté pour Me Philippe Y..., syndic de la SCOPD MANUFRANCE, par la SCP LAMY, VERON, RIBEYRE, avocat ; Me Y..., syndic de la SCOPD MANUFRANCE demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9501148/7 du tribunal administratif de Paris en date du 6 mars 1996 qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui réparer le préjudice que la SCOPD MANUFRANCE a subi à hauteur de 227.653.872,84 F, somme assortie des intérêts moratoires au taux légal à compter de la demande préalable ;
2 ) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mai 2000 :
- le rapport de M. GAYET, premier conseiller,
- les observations de la SCP LAMY-VERON-RIBEYRE, avocat, pour Me Y... et celles de Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie,
- et les conclusions de M. LAURENT, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que le 13 juillet 1989, par une demande préalable au ministre de l'économie et des finances, Me Y..., syndic de la Société coopérative de production et de développement (SCOPD) MANUFRANCE, a fait valoir que la responsabilité de l'Etat dans la constitution du passif de cette société était essentielle, dès lors que les autres partenaires n'auraient pas apporté leur concours sans la caution morale de l'Etat, et a sollicité une indemnité aux fins de comblement de passif ; que le tribunal administratif de Paris, par le jugement attaqué, a rejeté la requête formée contre le rejet de cette demande au motif que le montant de la demande n'était pas justifié et qu'il n'était pas établi qu'il existât un lien de causalité direct entre les aides publiques de l'Etat et l'insuffisance d'actif dégagée après les opérations de liquidation ; qu'en appel, Me Y... demande la condamnation de l'Etat au paiement de la somme de 227.653.872,84 F, assortie des intérêts moratoires à compter de la demande préalable ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'à l'occasion de sa mission de service public d'aide au maintien de l'emploi, la responsabilité de l'Etat est susceptible d'être engagée sur le terrain de la faute simple ;
Considérant que dans ce cadre l'Etat a participé directement à la mise en place de deux protocoles en date des 19 mars et 4 août 1983 et a signé le troisième protocole le 30 novembre 1984 afin de permettre à la SCOPD MANUFRANCE de poursuivre ses activités industrielles et commerciales ; que le premier protocole prévoyait le transfert des activités de fabrication d'armes et de machines à coudre et le rétablissement de l'équilibre de l'exploitation en 1984, l'Etat s'engageant à verser en trois fois des subventions à hauteur de 40 millions de francs et des prêts participatifs pour le même montant en fonction des rapports semestriels qui devaient lui être transmis ; que le second protocole, constatant l'échec du précédent, présentait un plan de redressement pour la période 1983-1985, réduisant les activités de la manufacture aux fabrications d'armes et de machines à coudre, stipulant à nouveau le transfert de toutes les activités dans une nouvelle usine, l'ajustement strict des effectifs, l'adaptation des rémunérations et le retour à l'équilibre dès 1985, l'Etat participant à hauteur de 40 millions de francs de subventions et 66 millions de francs de prêts participatifs sur la base de rapports trimestriels qui devaient lui être fournis ; qu'enfin le troisième protocole signé par le ministre chargé du redéploiement industriel et du commerce extérieur prévoyait un apport de 20 millions de francs de l'Etat par trois versements successifs pour permettre la continuation de l'exploitation de la SCOPD jusqu'au 31 décembre 1984 et la recherche d'un partenaire industriel ainsi qu'un contrôle direct du ministère concerné ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise judiciaire que l'Etat a assuré directement ou indirectement 67 % des concours financiers dont a bénéficié la SCOPD MANUFRANCE sur la période 1981-1984 et ce malgré une gestion désastreuse de cette société au cours de ces années, un état permanent de quasi cessation de paiement et le non respect systématique des protocoles d'accord susanalysés ; que dans ces conditions, l'Etat doit être regardé comme ayant commis une faute de nature à engager sa responsabilité pour avoir continué à donner des moyens financiers de cette ampleur à la SCOPD MANUFRANCE pour poursuivre des activités déficitaires sans aucunement veiller au respect des engagements pris publiquement par la SCOPD dans les protocoles susmentionnés et ce en contradiction avec lesdits protocoles et ainsi avoir induit en erreur les fournisseurs et créanciers de la SCOPD pour qui l'engagement de l'Etat à faire respecter ces protocoles constituait à l'évidence un élément déterminant dans leurs décisions économiques ;
Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'ensemble des documents versés au dossier que si l'insuffisance du contrôle de l'Etat constitue une cause directe de l'importance du passif, l'absence de vigilance des dirigeants de la société en question, des différentes banques ayant apporté leur concours et des fournisseurs a également contribué au préjudice en question ; qu'il sera fait une exacte appréciation de la part de responsabilité imputable à l'Etat en condamnant ce dernier à réparer le préjudice en cause à hauteur d'un tiers ;
Sur le préjudice :
Considérant que si la SCOPD a sollicité une indemnité de 227.653.872 F aux fins de comblement de passif, il résulte de l'instruction et notamment de l'état des créances sur la SCOPD arrêté par décision judiciaire et présentant un caractère irrécouvrable, que l'Etat est créancier de la SCOPD à hauteur de 134.923.038 F ; qu'il y a lieu d'exclure ces créances du préjudice indemnisable, lequel doit être évalué dès lors à 92.730.833 F ; que dès lors l'Etat doit être condamné à verser à Me Y..., syndic de la SCOPD MANUFRANCE la somme de 30.910.277 F ;
Sur la demande d'intérêts :
Considérant que les dispositions de l'article 39 de la loi du 13 juillet 1967, encore applicables à l'espèce, selon lesquelles le jugement qui prononce le règlement judiciaire ou la liquidation de biens "arrête, à l'égard de la masse seulement, le cours des intérêts de toute créance non garantie par un privilège spécial, par un nantissement ou par une hypothèque" ne font pas obstacle à ce que le juge administratif fixe le point de départ d'intérêts, dans la mesure du moins où de tels intérêts ont couru ; qu'en l'espèce, le jugement prononçant la mise en liquidation de biens de la SCOPD MANUFRANCE est intervenu le 4 avril 1985, alors que Me Y..., pris en sa qualité de syndic de la liquidation, n'a présenté devant l'administration sa demande préalable d'intérêts que le 13 juillet 1989 ; qu'il appartient donc au juge administratif, compétent pour fixer l'indemnité en principal, de constater qu'en vertu des dispositions précitées, aucun intérêt ne doit être mis à la charge de l'Etat ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Me Y... syndic de la SCOPD MANUFRANCE est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande indemnitaire ;
Sur les conclusions de Me Y..., syndic de la SCOPD MANUFRANCE tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel de condamner l'Etat à payer à Me Y..., syndic de la SCOPD MANUFRANCE une somme de 20.000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement n 9501148/7 du tribunal administratif de Paris en date du 6 mars 1996 est annulé.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 30.910.277 F à Me Y..., syndic de la SCOPD MANUFRANCE.
Article 3 : L'Etat versera à Me Y..., syndic de la SCOPD MANUFRANCE une somme de 20.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Me Y..., syndic de la SCOPD MANUFRANCE est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 96PA01232
Date de la décision : 09/08/2000
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-01-03-03 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - AGISSEMENTS ADMINISTRATIFS SUSCEPTIBLES D'ENGAGER LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - PROMESSES


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi du 13 juillet 1967 art. 39


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. GAYET
Rapporteur public ?: M. LAURENT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2000-08-09;96pa01232 ?
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