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13/04/1999 | FRANCE | N°95PA03717;97PA02407

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2e chambre, 13 avril 1999, 95PA03717 et 97PA02407


VU I) la requête, enregistrée au greffe de la cour le 10 novembre 1995 sous le n 95PA03717, présentée par la société anonyme ELECTRICITE DE TAHITI dont le siège est Faaa, Route de Puurai à Tahiti ..., représentée par M. Claude Vincent, directeur juridique et fiscal de la "Lyonnaise des Eaux", réguli rement mandaté ; la société demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 94-82 en date du 13 juin 1995 par lequel le tribunal administratif de Papeete a rejeté sa demande en réduction de l'imposition à laquelle elle a été assujettie en 1993, au titre de la patente pour so

n activité de négociant importateur sous le rôle 93.04.19, sous l'arti...

VU I) la requête, enregistrée au greffe de la cour le 10 novembre 1995 sous le n 95PA03717, présentée par la société anonyme ELECTRICITE DE TAHITI dont le siège est Faaa, Route de Puurai à Tahiti ..., représentée par M. Claude Vincent, directeur juridique et fiscal de la "Lyonnaise des Eaux", réguli rement mandaté ; la société demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 94-82 en date du 13 juin 1995 par lequel le tribunal administratif de Papeete a rejeté sa demande en réduction de l'imposition à laquelle elle a été assujettie en 1993, au titre de la patente pour son activité de négociant importateur sous le rôle 93.04.19, sous l'article 548, mis en recouvrement le 31 mai 1993 ;
2 ) de prononcer la réduction demandée ;

VU II) le recours enregistré au greffe de la cour le 1er septembre 1997, formé par le président du Gouvernement du TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANCAISE ; le TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANCAISE demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 96-97 en date du 29 avril 1997 par lequel le tribunal administratif de Papeete a déchargé la société anonyme Electricité de Tahiti de la différence entre l'impôt auquel elle a été assujettie au titre des années 1994 et 1995 et celui qui résulte de la fixation à respectivement 13.706.777 F CFP et 12.739.144 F CFP des bases d'imposition à la taxe variable du droit fixe à la patente due par ladite société ;
2 ) de remettre intégralement l'imposition contestée à la charge de la société Electricité de Tahiti ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi organique n 96-312 du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
VU la loi n 96-313 du 12 avril 1996 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;
VU la loi n 84-820 du 6 septembre 1984, modifiée, portant statut du Territoire de la Polynésie française ;
VU l'article 100 du décret du 5 août 1881, modifié ;
VU l'article 173 du décret du 30 décembre 1912, modifié ;
VU le code des impôts directs de la Polynésie française ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mars 1999 :
- le rapport de Mme BRIN, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme KIMMERLIN, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que la requête de la société ELECTRICITE DE TAHITI est dirigée contre le jugement du 13 juin 1995 par lequel le tribunal administratif de Papeete a rejeté sa demande en réduction de la contribution de patente à laquelle elle a été assujettie, en sa qualité de "négociant importateur", au titre de l'année 1993 et le recours du TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANCAISE contre le jugement du 29 avril 1997 par lequel le même tribunal a donné satisfaction à une demande dans le même sens de ladite société pour la même contribution au titre des années 1994 et 1995 ; que cette requête et ce recours présentant à juger des questions semblables, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la recevabilité des demandes de la société ELECTRICITE DE TAHITI :
En ce qui concerne la demande enregistrée le 22 mars 1994 au greffe du tribunal administratif de Papeete :
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction qu'alors même qu'elle ne conclut pas expressément à une réduction de la contribution de patente mise à sa charge au titre de l'année 1993, la lettre en date du 15 novembre 1993 de la société ELECTRICITE DE TAHITI, signée par son directeur général et adressée au Président du Gouvernement de la Polynésie française, mentionne la référence de ladite imposition et développe les raisons de fait et de droit de la contestation par la contribuable d'une contribution qui "pénalise fortement l'activité" ; qu'elle doit dans ces conditions être regardée comme ayant constitué une réclamation préalable ; qu'au demeurant, ainsi qu'il ressort des termes de la réponse en date du 22 décembre 1993 du Président du Gouvernement de la Polynésie française, cette autorité l'a interprétée comme telle ; que ladite réponse, qui présente les motifs de droit de la position de l'administration et informe la contribuable qu'il ne peut être donné une suite favorable à sa demande, doit ainsi être regardée comme une décision de rejet de la réclamation préalable susanalysée ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que la société ELECTRICITE DE TAHITI a, les 22 mars et 27 mai 1994, saisi le tribunal administratif de Papeete d'une requête sommaire puis d'un mémoire complémentaire dénommés "recours pour excès de pouvoir", dont les conclusions tendaient à l'annulation de la décision du 22 décembre 1993 du président du Gouvernement de la Polynésie française "refusant une exonération fiscale à la société ELECTRICITE DE TAHITI" ; qu'ultérieurement, cette dernière a, les 19 octobre 1994 et 5 mai 1995, présenté devant le tribunal administratif un "recours de plein contentieux" et des "conclusions additionnelles" tendant à la réduction du montant de la "patente N02 due au titre de l'année 1993" ;

Considérant que les réclamations et recours formés en matière fiscale relèvent par nature du plein contentieux ; que la décision par laquelle il a été statué sur la réclamation de la société ELECTRICITE DE TAHITI ne constitue pas un acte détachable de la procédure d'imposition et ne pouvait, en conséquence, être déférée à la juridiction administrative par la voie d'un recours pour excès de pouvoir ; que cependant si, dès lors, ladite société n'était pas recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du président du Gouvernement, sa demande, dans les termes où elle est rédigée dans le dernier état de ses conclusions, doit être regardée comme tendant en réalité et de façon suffisamment motivée à la réduction de la contribution de patente à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1993 ; que présentée, ainsi qu'il ressort de l'instruction, dans les conditions et délais requis, les conclusions sont par suite recevables ;
En ce qui concerne la demande enregistrée le 6 mai 1996 devant le tribunal administratif de Papeete :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 173 du décret du 30 décembre 1912 modifié qui renvoie à l'article 100 du décret du 5 août 1881 modifié : " ... A l'égard des contribuables figurant à un rôle nominatif, le délai de réclamation est de trois mois à compter du jour où le contribuable a eu connaissance, par les premières poursuites avec frais dirigés contre lui, de l'existence de l'imposition" ; que le TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANCAISE fait valoir que la réclamation préalable qu'a dirigée en date du 12 décembre 1995 la société ELECTRICITE DE TAHITI contre les avertissements relatifs aux contributions de patente dues par elle au titre des années 1994 et 1995, serait, compte tenu de ces dispositions, tardive ;
Mais considérant qu'il ressort de l'examen des avertissements en cause qu'ils mentionnent qu'une réclamation éventuelle au président du Gouvernement de la Polynésie française devrait être formulée "au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle de la mise en recouvrement", délai qui correspond à celui visé à l'article 3-1 section V, division 4, repris à l'article 611-3-1 du code territorial des impôts ; qu'alors même que la mention des délais de réclamation préalable sur les avertissements dont s'agit n'aurait pas été obligatoire, cette indication erronée, dès lors qu'elle ouvrait à la contribuable un délai de réclamation plus long, fait obstacle à la fin de non recevoir tirée de l'application de l'article 173 susrapporté du décret du 30 décembre 1912 modifié, opposée par le territoire à la contribuable ; qu'en conséquence, la réclamation de la société ELECTRICITE DE TAHITI, formulée dans les délais qui lui ont été indiqués, n'était pas tardive ; que, par suite, la demande de la société devant le tribunal administratif, qui comporte l'énoncé des faits et des moyens sur lesquels elle s'appuie, est recevable ;
Au fond :

Considérant qu'aux termes de l'article 211-1 (ancien article 1er, section III, division I) du code des impôts directs de la Polynésie française : "Toute personne ... morale ... qui exerce à titre permanent ou temporaire une activité professionnelle non salariée, non comprise dans les exemptions déterminées par le présent code, est assujettie à la contribution des patentes" ; qu'aux termes de l'article 211-2 (ancien article 2, section III, division I) dudit code : "La patente se compose généralement d'un droit fixe et d'un droit proportionnel. Ce ou ces droits sont réglés conformément au tarif annexé au présent code" ; que selon l'article 213-1 (ancien article 7, section III division I) du même code : "Le droit fixe comporte une taxe déterminée et une ou plusieurs taxes variables" ; que, par ailleurs, le tarif annexé audit code comporte à la rubrique "N02" la profession de négociant pour laquelle la taxe variable, par autre élément, correspond à "2.000 par million ou fraction de million d'importations (valeur CAF) réalisées soit directement, soit par l'intermédiaire de commissionnaires avec minimum de 30.000 F" ;
Considérant qu'il est constant qu'au titre des années 1993, 1994 et 1995, la société ELECTRICITE DE TAHITI a été assujettie à deux contributions de patente en sa qualité d'une part, de concessionnaire ou exploitant d'une usine pour la production d'énergie électrique et d'un réseau de distribution, d'autre part, de négociant importateur de matériels électriques ; que le litige soumis à la cour porte sur les modalités de détermination des bases d'imposition à la taxe variable du droit fixe due par ladite société à raison seulement de cette dernière activité ;
Considérant que la société ELECTRICITE DE TAHITI ne saurait utilement invoquer les dispositions de l'article 213-2 (ancien article 9, section III, division I) du code territorial qui, concernant l'assujettissement d'un patentable par une seule cotisation à raison de plusieurs activités exercées dans le même établissement, ne sont pas applicables à la situation d'espèce ;
Considérant que le TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANCAISE, pour fonder les cotisations litigieuses, ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article 218-4 (ancien article 36, section III, division I) du même code qui, relatives à la définition de l'activité de négociant importateur, n'ont ni pour objet, ni pour effet de fixer les règles de détermination des bases de la patente ;

Considérant que si, pour le calcul de la taxe variable du droit fixe, aucune disposition du code des impôts directs de la Polynésie Française et du tarif y annexé ne prévoit de distinction selon que les marchandises importées par le négociant sont destinées à la revente en l'état ou sont utilisées pour ses propres besoins, il résulte toutefois de ce même code que l'assujettissement à la patente est prévu activité par activité ; que dès lors que, comme il vient d'être dit, la société ELECTRICITE DE TAHITI a été assujettie distinctement pour son activité de négociant importateur, les bases soumises à la taxe variable du droit fixe afférente à l'exercice de cette profession ne pouvaient inclure, en ce qui concerne les matériels importés, la valeur de ceux utilisés dans le cadre de son activité de producteur distributeur d'électricité, lesquels sont déjà, par ailleurs, compris dans les bases du droit proportionnel de 2 % afférentes à la patente due à raison de cette activité, mais seulement la valeur de ceux de ces matériels destinés à être revendus à des tiers ; qu'il suit de là que, contrairement à ce qu'a décidé le tribunal administratif par son jugement en date du 13 juin 1995, il y a lieu de fixer les bases d'imposition à la taxe variable du droit fixe à la patente due au titre de l'année 1993 par la société ELECTRICITE DE TAHITI au montant non contesté de 14.581.981 F CFP et d'accorder à celle-ci la réduction d'imposition correspondante ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société ELECTRICITE DE TAHITI est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement en date du 13 juin 1995, le tribunal administratif de Papeete a rejeté sa demande relative à l'année d'imposition 1993 et que le TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANCAISE n'est pas fondé à se plaindre que, c'est à tort que, par le jugement en date du 29 avril 1997, ce tribunal a fait droit aux conclusions de la demande relatives aux années d'imposition 1994 et 1995 de ladite société ;
Article 1er : Le jugement n 94-82 en date du 13 juin 1995 du tribunal administratif de Papeete est annulé.
Article 2 : Les bases d'imposition à la taxe variable du droit fixe à la patente due par la société ELECTRICITE DE TAHITI, au titre de l'année 1993 sont fixées à 14.581.981 F CFP.
Article 3 : La société ELECTRICITE DE TAHITI est déchargée de la différence entre la contribution de patente à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1993 et celle qui résulte de l'article 1er ci-dessus.
Article 4 : Le recours n 97PA02407 du TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANCAISE est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 95PA03717;97PA02407
Date de la décision : 13/04/1999
Sens de l'arrêt : Annulation réduction
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - RECLAMATIONS AU DIRECTEUR - DELAI - Réclamation préalable en matière fiscale en Polynésie française - Indication erronée d'un délai de réclamation plus long que le délai légal - Conséquences - Recevabilité d'une réclamation dans le délai indiqué (1).

19-02-02-02, 46-01-06 Le délai de réclamation préalable prévu à l'égard des contribuables de Polynésie française figurant à un rôle nominatif est fixé par l'article R. 233, 3e alinéa du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, qui renvoie aux dispositions des articles 100 du décret du 5 août 1881 modifié et 173 du décret du 30 décembre 1912 modifié. Toutefois, ce délai n'est pas opposable à un contribuable auquel ont été adressés des avertissements d'imposition comportant l'indication erronée d'un délai de réclamation plus long.

- RJ1 OUTRE-MER - DROIT APPLICABLE DANS LES DEPARTEMENTS ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER - REGIME ECONOMIQUE ET FINANCIER - Réclamation préalable en matière fiscale en Polynésie française - Indication erronée d'un délai de réclamation plus long que le délai légal - Conséquences - Recevabilité d'une réclamation dans le délai ainsi indiqué (1).


Références :

Décret du 05 août 1881 art. 100, art. 3-1, art. 173, art. 211-1, art. 1, art. 211-2, art. 2, art. 213-1, art. 7, annexe, art. 213-2, art. 9, art. 218-4, art. 36
Décret du 30 décembre 1912 art. 173

1.

Cf. CE Section, 1993-03-26, Mlle Bourgeois, p. 86


Composition du Tribunal
Président : M. Giro
Rapporteur ?: Mme Brin
Rapporteur public ?: Mme Kimmerlin

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1999-04-13;95pa03717 ?
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