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16/04/1998 | FRANCE | N°95PA04075

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2e chambre, 16 avril 1998, 95PA04075


(2ème chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 27 décembre 1995, présentée pour M. et Mme X..., demeurant ..., par Me Y..., avocat ; M. et Mme X... demandent à la cour :
1 ) d'annuler l'ordonnance n 95-3571 en date du 21 septembre 1995 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 115.200 F résultant du commandement de payer qui a été décerné à leur encontre le 24 avril 1995 par le trésorier-payeur général des créances spécial

es sur le Trésor ;
2 ) de prononcer la décharge de l'obligation de payer la...

(2ème chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 27 décembre 1995, présentée pour M. et Mme X..., demeurant ..., par Me Y..., avocat ; M. et Mme X... demandent à la cour :
1 ) d'annuler l'ordonnance n 95-3571 en date du 21 septembre 1995 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 115.200 F résultant du commandement de payer qui a été décerné à leur encontre le 24 avril 1995 par le trésorier-payeur général des créances spéciales sur le Trésor ;
2 ) de prononcer la décharge de l'obligation de payer ladite somme ainsi que des créances résultant du titre exécutoire émis par l'agence judiciaire du Trésor le 15 novembre 1986 ;
3 ) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 5.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
VU l'ordonnance n 45-1524 du 11 juillet 1945 validant certains actes concernant des avances et autorisant l'octroi de prêts aux industriels, commerçants et artisans alsaciens et lorrains et validant certains actes concernant des avances, et notamment son article 63 ;
VU la loi n 48-1516 du 26 septembre 1948 fixant l'évaluation des voies et moyens du budget général pour l'exercice 1948 et relative à diverses dispositions d'ordre financier, et notamment son article 5 ;
VU le décret n 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié par le décret n 92-1369 du 29 décembre 1992 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mars 1998 :
- le rapport de M. MENDRAS, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme MARTIN, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que la société d'Etudes techniques et de fabrications industrielles (SEFTI), à laquelle des dommages avaient été causés en janvier 1979 par des chutes de neige, a, par convention du 3 octobre suivant, contracté auprès de l'Etat représenté par la Caisse centrale de crédit hôtelier, commercial et industriel un prêt à taux bonifié, consenti dans le cadre du régime d'aide financière aux entreprises victimes de calamités publiques institué par l'article 63 de la loi n 48-1516 du 26 septembre 1948, pour le remboursement duquel M. et Mme X..., gérants de l'entreprise, se sont portés caution solidaire ; que la société d'Etudes techniques et de fabrication industrielle, mise en redressement judiciaire le 10 septembre 1982 puis en liquidation le 8 janvier 1988, n'ayant pu rembourser le capital et les intérêts restant dus, l'agent judiciaire du Trésor a émis, le 9 décembre 1986, un état exécutoire constituant M. et Mme X... débiteurs des sommes correspondantes, puis, devant leur refus de payer, le trésorier-payeur général des créances spéciales sur le Trésor, a décerné à leur encontre, le 24 avril 1995, le commandement de payer la somme de 115.200,97 F ; que M. et Mme X... font appel de l'ordonnance du 21 septembre 1995 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Versailles a rejeté l'opposition à l'exécution de ce commandement comme étant portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
Considérant qu'aux termes de l'article 63 de la loi n 48-1516 du 26 septembre 1948 : "En cas de calamités publiques survenues, dans les zones et pour les périodes délimitées par arrêté du ministre de l'intérieur, des prêts pourront être accordés aux entreprises industrielles et commerciales sinistrées du fait de ces calamités, pour la reconstitution de leurs matériels et stocks lorsque ces matériels ou stocks auront été atteints à 25 % au moins. Ces prêts ... seront consentis par l'intermédiaire de la caisse centrale de crédit hôtelier, commercial et industriel dans les conditions analogues à celles qui sont prévues par l'ordonnance n 45-1524 du 11 juillet 1945 relative à l'octroi de prêts aux industriels, commerçants et artisans alsaciens et lorrains" ; qu'aux termes de l'article 5 de l'ordonnance n 45-1524 du 11 juillet 1945 : "La caisse centrale de crédit hôtelier, commercial et industriel a qualité tant pour signer au nom de l'Etat les contrats à passer en exécution des décisions du comité visé à l'article précédent avec les bénéficiaires des avances, que pour prendre les diverses sûretés dont celles-ci seront assorties" ;

Considérant que le contrat de prêt susindiqué, consenti, en vertu des dispositions précitées, le 3 octobre 1989, sur des fonds du Trésor public, par l'Etat à la SEFTI par l'intermédiaire de la Caisse centrale du crédit hôtelier commercial et industriel, et qui avait pour objet l'exécution même du service public d'aide aux entreprises victimes de calamités publiques prévu par l'arti-cle 63 de la loi du 26 septembre 1948, est un contrat administratif, dont l'engagement de caution pris par M. et Mme X... ne constitue que l'accessoire ; que l'opposition à exécution formée par M. et Mme X..., qui contestent l'exigibilité et le montant des sommes pour le paiement desquelles a été décerné à leur encontre, en leur qualité de caution de la société d'Etudes techniques et de fabrication industrielle, le commandement litigieux ressortit, par suite, à la compétence de la juridiction administrative ; que l'ordonnance du 21 septembre 1995 par laquelle le vice-président du tribunal administratif de Versailles a rejeté cette opposition comme étant portée devant une juridiction incompétente pour en connaître doit donc être annulée ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme X... devant le tribunal administratif de Versailles ;
Sur l'opposition au commandement de payer du 24 avril 1995 :
Considérant, en premier lieu, qu'en se portant caution du remboursement des sommes empruntées par la société d'Etudes techniques et de fabrication industrielle, M. et Mme X... se sont engagés au paiement desdites sommes envers l'Etat, créancier de ladite société et avec le représentant duquel, la Caisse centrale de crédit hôtelier commercial et industriel, ils avaient conclu le contrat de prêt ;

Considérant, en second lieu, que si les articles 85 à 87 du décret du 29 décembre 1962 relatifs au recouvrement des créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine disposent que l'agent judiciaire du Trésor peut confier le recouvrement des états exécutoires aux comptables directs du Trésor et que "ceux-ci exercent les poursuites comme en matière de contributions directes", ces dispositions, qui ne concernent que les formes et procédures à observer dans l'exercice des poursuites contre les débiteurs, n'entraînent pas l'application aux créances en cause des règles de fond qui régissent les créances ayant un caractère fiscal ; qu'elles n'ont donc pas pour effet de soumettre le recouvrement de la somme due par M. et Mme X... aux dispositions de l'article 1850 du code général des impôts, reprises à l'article L.274 du livre des procédures fiscales, selon lesquelles "les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle, perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toutes actions contre ce redevable" ; qu'à défaut de dispositions prévoyant une prescription plus courte pour cette catégorie de créances, le versement des sommes dues à l'Etat par M. et Mme X... était soumis à la seule prescription trentenaire édictée à l'article 2262 du code civil ; qu'il suit de là que la créance n'était pas prescrite lorsqu'a été décerné à leur encontre, le 24 avril 1995, le commandement litigieux ;
Sur les conclusions subsidiaires tendant à l'annulation de l'état exécutoire du 9 décembre 1986 :
Considérant qu'en vertu de l'article 85 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, dans sa rédaction applicable à l'espèce : "Les autres ordres de recettes font l'objet d'un recouvrement amiable ou d'un recouvrement forcé. Dans ce dernier cas, les ordres de recettes sont rendus exécutoires :
1 ) par les ordonnateurs principaux ; ... Les ordres de recettes rendus exécutoires sont dénommés états exécutoires" ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le ministre de l'économie et des finances a pu régulièrement, sans saisir au préalable le juge administratif ou civil d'une demande tendant à faire reconnaître le bien-fondé de la créance détenue par l'Etat, constituer M. et Mme X... débiteurs des sommes restant dues envers ce dernier par la société d'Etudes techniques et de fabrication industrielle, et conférer à sa décision force exécutoire en vue de permettre le recouvrement desdites sommes ; que si les requérants soutiennent que ne leur ont été communiqués ni le détail ni le mode de calcul des sommes qui leur ont été ainsi réclamées, il résulte cependant de l'instruction que l'état exécutoire du 9 décembre 1986 indiquait, conformément à l'article 81 du décret du 29 décembre 1962, les bases de la liquidation de la créance mise en recouvrement ; que "les conditions de détresse financière et morale dans lesquelles se trouvent M. et Mme X..." dont ils ont fait état en première instance, si elles pourraient être de nature à les conduire à diligenter un recours gracieux auprès des services chargés du recouvrement, ne peuvent être utilement invoquées dans le cadre du présent litige contentieux ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que la lettre même des dispositions de cet article fait obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante en la présente instance, soit condamné à rembourser à M. et Mme X... les frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'ordonnance n 953571 du 21 septembre 1995 du vice-président du tribunal administratif de Versailles est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme X... devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 95PA04075
Date de la décision : 16/04/1998
Sens de l'arrêt : Annulation rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMPETENCE - REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPETENCE DETERMINEE PAR UN CRITERE JURISPRUDENTIEL - CONTRATS - CONTRATS ADMINISTRATIFS - CONTRATS COMPORTANT PARTICIPATION AU SERVICE PUBLIC - Engagement de caution pris par les gérants d'une entreprise sinistrée bénéficiaire d'un prêt de l'Etat - Compétence administrative.

17-03-02-03-02-03, 18-03-02-03, 39-01-02-01-02 Les contrats de prêt consentis par l'Etat, représenté par la Caisse centrale de crédit hôtelier, commercial et industriel, en application de l'article 63 de la loi du 26 septembre 1948, qui ont pour objet l'exécution du service public d'aide aux entreprises victimes de calamités publiques institué par ce texte, sont des contrats administratifs dont l'engagement de caution pris par les dirigeants des entreprises emprunteuses ne constitue que l'accessoire. La juridiction administrative est par suite compétente pour connaître de l'opposition à exécution formée par ces derniers à l'encontre du commandement décerné à leur encontre, en leur qualité de caution, pour avoir paiement des sommes restant dues par l'entreprise bénéficiaire du prêt.

COMPTABILITE PUBLIQUE - CREANCES DES COLLECTIVITES PUBLIQUES - RECOUVREMENT - COMPETENCE - Opposition à état exécutoire émis pour le recouvrement d'une créance née d'un contrat administratif - Compétence administrative.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - NOTION DE CONTRAT ADMINISTRATIF - NATURE DU CONTRAT - CONTRATS AYANT UN CARACTERE ADMINISTRATIF - CONTRATS AYANT POUR OBJET L'EXECUTION D'UN SERVICE PUBLIC - Engagement de caution pris par les gérants d'une entreprise sinistrée bénéficiaire d'un prêt de l'Etat.


Références :

CGI 1850
CGI Livre des procédures fiscales L274
Code civil 2262
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret 62-1587 du 29 décembre 1962 art. 85 à 87, art. 85, art. 81
Loi 48-1516 du 26 septembre 1948 art. 63
Ordonnance 45-1524 du 11 juillet 1945 art. 5
Ordonnance 95-3571 du 21 septembre 1995


Composition du Tribunal
Président : M. Giro
Rapporteur ?: M. Mendras
Rapporteur public ?: Mme Martin

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1998-04-16;95pa04075 ?
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