(2ème Chambre)
VU la requête, enregistrée le 11 décembre 1995 au greffe de la cour, présentée pour la COMMUNE DE PAPEETE, représentée par son maire, par Me Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la commune demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 95-00071 en date du 25 juillet 1995 par lequel le tribunal administratif de Papeete l'a condamnée à rembourser à Mme X... la somme de 200.384 F CFP avec intérêts de droit au titre "des centimes additionnels à l'impôt foncier territorial sur les patentes" et de la taxe sur la valeur locative des locaux professionnels de l'année 1993, et a déchargé Mme X... du paiement des "centimes additionnels à l'impôt foncier territorial sur les patentes" et de la taxe sur la valeur locative des locaux professionnels au titre de l'année 1994 ;
2 ) de rétablir l'imposition contestée pour les années 1993 et 1994 ;
3 ) de condamner Mme X... à lui verser une somme de 15.000 F au titre des frais irrépétibles ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU la loi n 71-1028 du 24 décembre 1971 relative à la création et à l'organisation des communes dans le territoire de Polynésie ;
VU la loi n 84-820 du 1er septembre 1984 portant statut du territoire de la Polynésie française ;
VU le code territorial des impôts directs ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 novembre 1997 :
- le rapport de M. MORTELECQ, conseiller,
- les observations de Me Y..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, pour la COMMUNE DE PAPEETE,
-et les conclusions de Mme TRICOT, commissaire du Gouvernement ;
Considérant que Mme X... a, le 14 novembre 1994, saisi le Haut-commissaire de la République à Papeete d'une réclamation tendant au remboursement des centimes additionnels à la contribution des patentes et à l'impôt foncier sur les propriétés bâties auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 1993 pour les sommes respectives de 21.120 F CFP et de 189.264 F CFP ; qu'en l'absence de réponse faite par cette autorité à sa réclamation, elle a saisi le tribunal administratif de Papeete d'une demande tendant à ce que la COMMUNE DE PAPEETE soit condamnée à lui payer la somme de 210.384 F CFP et à la décharge du paiement des mêmes cotisations au titre de l'année 1994 ; que, par un jugement en date du 25 juillet 1995, le tribunal a condamné cette collectivité à rembourser à l'intéressée la somme de 200.384 F CFP au titre des centimes additionnels de l'année 1993, et lui a accordé décharge, au titre de l'année 1994, des cotisations relatives "aux centimes additionnels à l'impôt foncier territorial sur les patentes" ainsi que de la taxe sur la valeur locative des locaux professionnels ; que la COMMUNE DE PAPEETE demande l'annulation de ce jugement et le rétablissement des impositions à la charge de Mme X... ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement :
En ce qui concerne la condamnation de la COMMUNE DE PAPEETE à rembourser à Mme X... la somme de 210.384 F CFP au titre des centimes additionnels de l'année 1993 :
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'ensemble des textes régissant la fiscalité en Polynésie française que les centimes additionnels votés par les communes constituent une contribution calculée en fonction du montant de l'impôt territorial correspondant ; que, dans ces conditions, la demande par un contribuable de la décharge ou de la réduction des centimes additionnels qui lui sont réclamés obéit aux mêmes règles que celles applicables aux impôts territoriaux ; que, compte tenu des dispositions de l'article 100 du décret du 5 août 1881, dans sa rédaction issue du décret du 1er août 1957, et de l'article 173 du décret du 30 décembre 1912, dans sa rédaction issue du décret du 28 mai 1952, dispositions qu'il convient d'interpréter à la lumière de l'évolution du statut de la Polynésie française, cette demande doit être formée devant le président du Gouvernement du territoire, qui, en vertu de l'article 40 de la loi du 6 septembre 1984 modifiée portant statut de la Polynésie française, est le chef de l'administration territoriale et, à ce titre, a autorité sur le service territorial des contributions directes et détient donc compétence pour y statuer et accorder, le cas échéant, les dégrèvements ;
Considérant qu'en tant que les conclusions dont le tribunal était saisi, qui étaient dirigées exclusivement contre la COMMUNE DE PAPEETE, devaient être regardées comme tendant en réalité à la décharge des cotisations en cause, ainsi qu'il a été dit ci-dessus la réclamation présentée par Mme X..., bien que présentée dans les délais, a été adressée non au président du Gouvernement du territoire mais au Haut-commissaire de la République à Papeete, qui ne détenait aucune compétence pour y statuer, ni pour accorder, le cas échéant, un dégrèvement ; que le président du Gouvernement du territoire n'a fait l'objet d'aucune mise en cause de la part des parties ; que, dans ces conditions, dès lors qu'une collectivité publique ne peut être condamnée à payer une somme qu'elle ne doit pas, le tribunal, après avoir estimé que la perception de ces cotisations était illégale, ne pouvait, dans le cadre de conclusions à fin de décharge, condamner la COMMUNE DE PAPEETE à rembourser à Mme X... la somme de 210.384 F CFP ;
Considérant, en second lieu, qu'en tant que ces conclusions, dirigées uniquement contre la COMMUNE DE PAPEETE, pouvaient être interprétées comme un recours de plein contentieux tendant au remboursement de sommes que la requérante estimait avoir illégalement versées, les règles en matière de procédure fiscale relatives à la réclamation et à la contestation devant les tribunaux administratifs de la décision de rejet de cette réclamation font obstacle à ce qu'un contribuable, quelle que soit l'erreur qu'il invoque, puisse former un recours en responsabilité en vue d'obtenir le paiement d'une indemnité égale au montant de la décharge qu'il estime être en droit d'obtenir, alors qu'il disposait de la faculté de présenter une réclamation contentieuse aux fins de décharge qui, si elle était recevable et fondée, aurait eu des effets identiques à l'action en responsabilité engagée ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la demande de remboursement présentée par Mme X... portait sur des sommes égales au montant de la décharge escomptée des impositions en cause ; qu'elle était donc également irrecevable ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE PAPEETE est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif l'a condamnée à rembourser à Mme X... la somme de 200.384 F CFP avec intérêts du droit à compter du 15 novembre 1994 ; qu'il a lieu, en conséquence, d'annuler l'article 1 dudit jugement ;
En ce qui concerne la décharge des cotisations relatives aux "centimes additionnels à l'impôt foncier territorial sur la patente" et de la taxe sur la valeur locative des locaux professionnels de l'année 1994 :
Considérant que la COMMUNE DE PAPEETE, qui n'a pas compétence pour accorder le dégrèvement des cotisations en cause et n'a pas été condamnée par le tribunal à rembourser les sommes au titre de ladite année, n'est pas recevable à contester la décharge accordée par le tribunal ; que ses conclusions sur ce point doivent, en conséquence, être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à ce que les impositions soient remises à la charge de Mme X... :
Considérant que la COMMUNE DE PAPEETE, qui n'est pas compétente pour accorder le dégrèvement des cotisations en cause, n'a pas compétence pour demander le rétablissement de ces impositions ; que ses conclusions en ce sens ne peuvent donc être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la COMMUNE DE PAPEETE et de condamner Mme X... à lui verser une somme de 8.000 F F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er : L'article 1 du jugement n 95-00071 en date du 25 juillet 1995 du tribunal administratif de Papeete est annulé.
Article 2 : Mme X... versera à la COMMUNE DE PAPEETE une somme de 8.000 F F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE PAPEETE est rejeté.