(2ème Chambre)
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 24 août 1995, présentée pour l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES CEREALES (ONIC), dont le siège est ..., représenté par son directeur général, par Me X..., avocat ; l'ONIC demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n 9306409/3, en date du 7 juin 1995, en tant que par ce jugement le tribunal administratif de Paris a annulé l'état exécutoire émis le 14 avril 1993 à l'encontre de la société anonyme Y... France pour le recouvrement d'une somme de 4.646.078,97 F ;
2°) de condamner ladite société à lui payer ladite somme augmentée des intérêts de droit à compter du 22 avril 1993, eux-mêmes capitalisés pour porter intérêts à compter du 22 avril 1994 ;
3 ) de condamner ladite société à lui payer la somme de 20.000 F en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le règlement n 3665/87 de la Commission des communautés européennes du 27 novembre 1987 ;
VU le code des douanes ;
VU le décret n 62-1587 du 29 décembre 1962 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juillet 1997 :
- le rapport de M. LEVASSEUR, conseiller,
- les observations de Me X..., avocat, pour l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES CEREALES et celles de la SCP LASSEZ et associés, avocat, pour la société anonyme Ferruzzi France,
- et les conclusions de Mme MARTEL, commissaire du Gouvernement ;
Sur les conclusions de l'ONIC dirigées contre le jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 3 du règlement de la Commission des communautés européennes en date du 27 novembre 1987 : "1. Par jour d'exportation, on entend la date à laquelle le service des douanes accepte la déclaration d'exportation dans laquelle il est indiqué qu'une restitution sera demandée. ( ...) 6. Au moment de cette acceptation ou de cet acte, les produits sont placés sous contrôle douanier jusqu'à ce qu'ils quittent le territoire douanier de la Communauté" ;
Considérant que la société anonyme Ferruzzi France a obtenu, à la suite de déclarations d'exportation enregistrées le 28 février 1989, l'octroi de restitutions pour l'exportation vers la Chine de 205.100 tonnes de blé ; que, par une décision rendue exécutoire le 14 avril 1993, le directeur général de l'ONIC lui a réclamé le reversement d'une somme de 4.464.078,97 F qu'il estimait lui avoir indûment versée au titre desdites restitutions, au motif que 7.003 tonnes de blé n'avaient pas été placées sous contrôle douanier, en méconnaissance des stipulations précédemment rappelées ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour assurer le placement sous contrôle douanier des 205.100 tonnes de blé susmentionnées, l'administration des douanes, par un télex du 21 février 1989, a autorisé le stockage d'une partie de ces céréales dans les silos des fournisseurs de la société anonyme Y... France, en dehors des silos portuaires de Rouen habituellement utilisés à cet effet et dont les capacités étaient insuffisantes, sous réserve de la souscription d'un engagement attestant, notamment, la présence physique des marchandises dans les silos ; que, par une lettre du 27 février 1989, le directeur adjoint, chef du service des douanes du port de Rouen, a confirmé l'autorisation ainsi accordée, en a précisé les modalités d'application et a ainsi étendu le régime des magasins d'exportation, régi par le code des douanes, aux silos desdits fournisseurs ; que cette lettre précisait notamment que le directeur du silo portuaire devrait attester par télex au transitaire qu'il disposait des marchandises soit dans ses propres magasins, soit dans ceux situés hors de la zone portuaire, en précisant, dans ce dernier cas, les nom et adresse du ou des détenteurs des quantités déclarées ; que si, en application de ces consignes dont le strict respect avait été rappelé aux intéressés, le directeur du silo portuaire, par un télex du 12 mars 1989, a attesté que 7.003 tonnes de blé se trouvaient, le 28 février 1989, date de la déclaration d'exportation, hors des magasins portuaires dans les silos des coopéra-tives Coreal et Copanor, il résulte des procès-verbaux dressés par l'administration des douanes en 1991 et 1992 qu'à cette même date ces céréales avaient, en réalité, déjà été livrées dans les silos portuaires de Rouen ; que la société ne s'étant ainsi pas conformée aux indications qui lui avaient été données, l'administration des douanes n'était pas à même d'exercer les mesures de contrôle et de surveillance lui incombant ; que, par suite, c'est à bon droit que l'ONIC a estimé que ces 7.003 tonnes de blé n'avaient pas été placées sous contrôle douanier au sens des stipulations précitées ; que l'office est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a estimé que ces céréales avaient été placées sous contrôle douanier pour décharger la société anonyme Ferruzzi France de la somme qui lui avait été réclamée par l'ONIC ;
Considérant qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société anonyme Y... France devant le tribunal administratif ;
Considérant que l'octroi de restitutions par l'ONIC présente le caractère d'une décision purement pécuniaire et non pas celui d'une décision créant des droits au profit de ses bénéficiaires ; qu'ainsi l'office, s'étant avisé que la société anonyme Y... France ne remplissait pas une des conditions exigées pour l'octroi des restitutions, a pu légalement, même en l'absence de textes législatifs ou réglementaires le prévoyant expressément, rapporter partiellement sa décision initiale et demander à ladite société le reversement des restitutions indûment perçues ;
Considérant, d'autre part, que, dès lors qu'une des conditions auxquelles est subordonné le versement des restitutions n'est pas satisfaite, la société anonyme Y... France ne peut utilement se prévaloir ni du respect des autres formalités, ni de la circonstance qu'elle ne se serait rendue coupable d'aucun agissement frauduleux ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter la demande présentée par la société anonyme Y... France devant le tribunal administratif ;
Sur les conclusions de la société anonyme Y... France tendant à la condamnation de l'ONIC à lui payer des dommages et intérêts :
Considérant que la société anonyme Y... France ne peut se prévaloir d'aucune faute engageant la responsabilité de l'ONIC ; qu'il y a donc lieu de rejeter ses conclusions tendant à la condamnation de l'office à lui payer une somme de 200.000 F à titre de dommages et intérêts ;
Sur les conclusions de l'ONIC tendant à la condamnation de la société anonyme Y... France :
Considérant que l'ONIC, qui tient de l'article 164 du décret du 29 décembre 1962 le pouvoir d'émettre, si besoin est, un nouveau titre exécutoire à l'effet de fixer les sommes qui lui sont dues par la société anonyme Y... France, n'est pas recevable à demander au juge administratif de condamner ladite société à les lui payer ;
Sur les conclusions de l'ONIC tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner la société anonyme Y... France à payer à l'ONIC la somme de 5.000 F ;
Article 1er : L'article 1er du jugement n 9306409/3 en date du 7 juin 1993 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par la société anonyme Y... France devant le tribunal administratif de Paris, tendant à la décharge de la somme de 4.646.078,97 F qui lui a été réclamée par l'ONIC, sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la société anonyme Y... France tendant à la condamnation de l'ONIC sont rejetées.
Article 4 : La société anonyme Y... France est condamnée à payer à l'ONIC la somme de 5.000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.