Vu la requête, enregistrée le 25 juillet 1995 au greffe de la cour, présentée par Mme Marie-Thérèse de X..., demeurant ... ; Mme de X... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n 9405421/1 en date du 21 juin 1994 par lequel le tribunal admistratif de Paris a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1984 et 1985 dans les rôles de la ville de Paris, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de lui accorder la décharge demandée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n 87-502 du 8 juillet 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juillet 1997 :
- le rapport de Mme MARTIN, conseiller,
- et les conclusions de Mme MARTEL, commissaire du Gouvernement ;
Considérant, en premier lieu, que Mme de X..., associée gérante de la société civile d'exploitation agricole (SCEA) du Domaine de Caulaincourt, conteste les redressements résultant de la réintégration dans les résultats de la société, pour les exercices clos en 1984 et 1985, des intérêts non réclamés sur des avances consenties au groupement forestier de Caulaincourt et à la société civile d'exploitation agricole d'Espevilles ; que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ayant rendu son avis postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 8 juillet 1987, l'administration, en vertu des dispositions de l'article L.192 du livre des procédures fiscales dans la rédaction que lui a donnée cette loi, supporte la charge de prouver que la renonciation à percevoir des intérêts sur les avances consenties ne répondait pas à l'intérêt de la société ;
Considérant que l'administration soutient, à cet égard, que les deux entreprises bénéficiaires de ces avances n'avaient aucun lien financier ou commercial avec la SCEA du Domaine de Caulaincourt, qui n'a reçu de leur part aucune contrepartie à ces avances ; qu'alors que Mme de X... se borne à soutenir que la contrepartie serait constituée par la mise à la disposition gratuite de la SCEA d'une somme de 400.000 F par M. de X..., associé des deux sociétés, l'administration fait, à bon droit, valoir que ce dernier n'était pas le bénéficiaire des avances ; que, par suite, elle doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe ;
Considérant, en second lieu, que le vérificateur a constaté qu'alors que la part dans le capital social de la SCEA du Domaine de Caulaincourt détenue par Mme de X... était de 110.000 F, ses comptes courants avaient enregistré à la clôture des exercices 1984 et 1985 des soldes débiteurs se montant respectivement à 794.684 F et 813.017 F ; qu'il a estimé qu'en raison de ces prélèvements, la société avait dû procéder à des emprunts ou supporter des découverts bancaires ; que pour fixer à 74.491 F et 63.347 F le montant des intérêts regardés comme non déductibles au titre de ces deux exercices, l'administration a déterminé un taux moyen d'intérêt à partir du rapport entre le montant des intérêts supportés par la société et le total constitué par les avances, prêts et soldes créditeurs des comptes courants dont disposait cette dernière et a appliqué ce taux moyen à l'excédent des prélèvements de Mme de X... sur sa part dans le capital social ;
Considérant qu'aux termes de l'article 38-2 du code général des impôts, le bénéfice net imposable "est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt, diminuée des suppléments d'apports et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés", et qu'aux termes de l'article 39-1 du même code, "le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges" ; que les charges financières supportées durant l'exercice sont au nombre des charges déductibles à la condition d'avoir été effectivement exposées dans l'intérêt de l'entreprise ;
Considérant que, dans une société civile mentionnée à l'article 8 du code général des impôts, le capital engagé dans l'entreprise est à tout moment égal au capital effectivement versé, augmenté du solde créditeur ou diminué du solde débiteur des comptes courants des associés ; que le compte de chaque associé doit, à la clôture de chaque exercice, être crédité ou débité de la part lui revenant ou lui incombant dans les résultats bénéficiaires ou déficitaires de l'association et doit, en cours d'exercice, être crédité ou débité des compléments d'apports ou des prélèvements effectués par l'associé ; qu'aucune disposition législative n'oblige les associés à faire des suppléments d'apports ou à s'abstenir de faire des prélèvements à l'effet de maintenir engagé dans l'entreprise un capital minimum, les droits des créanciers étant garantis au-delà de l'actif par la responsabilité personnelle et illimitée des associés à leur égard ; que, par suite, ne peuvent être regardés comme anormaux les prélèvements effectués par un associé sur son compte courant tant que le montant cumulé de ce compte, crédité et débité ainsi qu'il a été dit plus haut, et de la part de l'associé dans le capital présente un solde créditeur ; que si, au contraire, le solde ainsi calculé devient débiteur et si l'entreprise doit, en raison de sa situation de trésorerie, recourir à des emprunts, les prélèvements effectués ne peuvent être regardés comme supportés dans l'intérêt de l'entreprise, mais dans l'intérêt de l'associé, et ne sont dès lors pas déductibles des résultats imposables ;
Considérant que Mme de X..., pour contester le redressement dont elle a fait l'objet, fait valoir que le compte courant non rémunéré de M. de X..., également associé de la société, était créditeur à hauteur de 948.034 F en 1984 et 913.639 F en 1985 et que ces sommes compensaient les soldes débiteurs de son propre compte courant ; qu'elle soutient qu'en conséquence, ses prélèvements personnels ne sont pas à l'origine de difficultés de trésorerie pour l'entreprise et que celle-ci, si elle a recouru à des emprunts qui ont généré des frais financiers, n'y a pas été contrainte par la situation débitrice des comptes courants d'associés ; que l'administration se borne à soutenir qu'elle ne pouvait retenir le montant du solde créditeur du compte courant de M. de X... que pour abonder, comme elle l'a fait, le montant des avances et prêts servant de base à l'estimation du taux moyen des intérêts supportés par la société ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que Mme de X... est fondée à soutenir que le solde des comptes courants d'associés, étant globalement créditeur en 1984 et 1985, n'a pu entraîner aucune difficulté de trésorerie pour l'entreprise et par suite aucune obligation d'emprunt et, en conséquence, l'administration n'invoquant aucun autre fondement légal de nature à justifier l'imposition, à demander la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie à raison de la réintégration dans les résultats de l'entreprise d'une quote part des charges financières supportées par cette dernière au cours desdites années à raison des emprunts qu'elle avait contractés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme de X... n'est que partiellement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Article 1er : Les bases de l'impôt sur le revenu de Mme de X... sont réduits au titre des années 1984 et 1985 de respectivement 74.491 F et 63.347 F.
Article 2 : Mme de X... est déchargée en droits et pénalités des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu au titre des années 1984 et 1985 résultant de la réduction des bases mentionnées à l'article 1er.
Article 3 : Le jugement n 9405421/1 en date du 21 juin 1994 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.