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05/11/1996 | FRANCE | N°95PA03204

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3e chambre, 05 novembre 1996, 95PA03204


(3ème Chambre)
VU l'ordonnance en date du 12 juillet 1995, enregistrée au greffe de la cour le 11 août 1995, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour le jugement de la requête présentée par le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE et enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 12 novembre 1993 ; le ministre demande d'annuler le jugement n 910432/3 du 16 juin 1993 par lequel le tribunal administratif de Paris a, sur la demande de la société Pierre Laforest, annulé la décision

du 31 juillet 1990 du directeur départemental du travail et de l...

(3ème Chambre)
VU l'ordonnance en date du 12 juillet 1995, enregistrée au greffe de la cour le 11 août 1995, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour le jugement de la requête présentée par le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE et enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 12 novembre 1993 ; le ministre demande d'annuler le jugement n 910432/3 du 16 juin 1993 par lequel le tribunal administratif de Paris a, sur la demande de la société Pierre Laforest, annulé la décision du 31 juillet 1990 du directeur départemental du travail et de l'emploi du Val-de-Marne infligeant à ladite société une pénalité de 179.460 F pour n'avoir pas, au titre de l'année 1989, satisfait à l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés, ainsi que la décision implicite de rejet par le ministre du recours hiérarchique formé contre celle-ci ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code du travail ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 octobre 1996 :
- le rapport de M. VINCELET, conseiller,
- les observations de la SCP ACD Audit Conseil Défense, avocat, pour la société Pierre Laforest,
- et les conclusions de Mme HEERS, commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'article L.323-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'année 1989, que tout employeur occupant au moins vingt salariés est tenu d'employer des travailleurs handicapés, des mutilés de guerre et assimilés dans la proportion de 4 % de l'effectif total de ses salariés et que, pour les entreprises à établissements multiples, cette obligation s'applique établissement par établissement ; qu'en outre, l'article L.323-4 de ce même code prévoit que l'effectif total des salariés visé au premier alinéa de l'article L.323-1 susmentionné est calculé selon les modalités définies à l'article L.431-2 relatif à la détermination des effectifs de référence pour la constitution des comités d'entreprise, sans que les salariés occupant certaines catégories d'emplois exigeant des conditions d'aptitudes particulières, déterminées par décret, puissent être décomptés dans cet effectif ; qu'il en résulte nécessairement que la notion d'entreprise à établissement multiple s'entend comme celle comportant des établissements distincts ;
Considérant que pour l'application des dispositions susrappelées, la notion d'établissement s'entend d'une unité de gestion dotée d'une autonomie suffisante par rapport au siège social de l'entreprise, notamment en matière de recrutement de personnel ; que l'intention du législateur, lorsqu'il a modifié, par la loi du 10 juillet 1987, le régime de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés, de ne pas faire peser sur les entreprises aux établissements multiples une "charge supplémentaire" et d'en faciliter le contrôle par les services des directions départementales du travail et de l'emploi, ne fait pas obstacle à ce que la notion d'établissement soit ainsi définie ; que si la circulaire ministérielle du 23 mars 1988, tout en réservant au demeurant l'appréciation souveraine des tribunaux, se réfère à une autre définition, arrêtée par l'INSEE, une telle référence est dépourvue de tout caractère règlementaire et ne saurait, par suite, prévaloir ;
Considérant qu'il n'est pas contesté en l'espèce que les agences régionales de la société Laforest ne jouissent d'aucune autonomie, notamment en matière de gestion du personnel, par rapport au siège social ; que, par suite, le MINISTRE DU TRAVAIL ET DES AFFAIRES SOCIALES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a retenu le caractère d'établissements distincts de ces agences pour annuler la décision infligeant à la société Laforest la pénalité prévue à l'article L.323-8-6 du code du travail ;
Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Laforest devant le tribunal administratif ;
Considérant que l'effectif total des salariés qui sert de référence à l'assujettissement de l'employeur à l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés est calculé selon les modalités définies à l'article L.341-2 du code du travail ; que ces dispositions imposent de prendre en compte notamment les travailleurs handicapés employés dans l'entreprise et les salariés à temps partiel selon des modalités spécifiques ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Laforest employait dans l'une de ses agences régionales un travailleur titulaire d'une rente d'accident du travail correspondant à une incapacité permanente de 25 % ; que, par ailleurs, un certain nombre de salariés à temps partiel auraient été pris en compte par l'administration comme salariés à temps complet, et qu'enfin l'agence de Fontenay-sous-Bois s'est acquittée d'une contribution conformément aux dispositions de l'article L.323-8-2 du code du travail ; que ces éléments, dont la réalité n'est pas contestée par l'administration, sont de nature à réduire le montant de la pénalité à laquelle la société Laforest a été assujettie ; qu'il y a lieu de renvoyer la société devant l'administration pour qu'il soit procédé au calcul du montant de la pénalité restant due selon les principes définis, et de rejeter pour le surplus les conclusions de la requête du MINISTRE DU TRAVAIL ET DES AFFAIRES SOCIALES, tendant au maintien de la décision ayant infligé une pénalité de 179.460 F à ladite société ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
Considérant qu'en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, il y a lieu de faire droit aux conclusions de la société Laforest tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui payer 5.000 F en remboursement des frais susvisés ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 16 juin 1993 est annulé.
Article 2 : La société Laforest est renvoyée devant le MINISTRE DU TRAVAIL ET DES AFFAIRES SOCIALES afin qu'il soit procédé à la liquidation de la pénalité restant due par application des principes déterminés aux motifs de la présente décision.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser à la société Laforest la somme de 5.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 95PA03204
Date de la décision : 05/11/1996
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

66-032-02-05,RJ1 TRAVAIL ET EMPLOI - REGLEMENTATIONS SPECIALES A L'EMPLOI DE CERTAINES CATEGORIES DE TRAVAILLEURS - EMPLOI DES HANDICAPES - REDEVANCES POUR INSUFFISANCE D'EMPLOI -Notion d'entreprise à établissements multiples au sens de l'article L. 323-1 du code du travail.

66-032-02-05 Il résulte des dispositions combinées des articles L. 323-1, L. 323-4 et L. 431-2 du code du travail qu'une entreprise à établissements multiples, au sens des dispositions de l'article L. 323-1, est une entreprise qui comporte des établissements distincts. Ne peuvent être regardées comme des établissements distincts, pour l'application des dispositions de l'article L. 323-1 du code du travail, les agences régionales d'une société qui ne disposent pas d'une autonomie suffisante par rapport au siège social de l'entreprise, notamment, en matière de gestion du personnel (1).


Références :

Circulaire du 23 mars 1988
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Code du travail L323-1, L431-2, L323-8-6, L341-2, L323-8-2
Loi 87-517 du 10 juillet 1987

1.

Cf. CAA de Lyon, 1993-12-21, Ministre du travail et de l'emploi c/ Laboratoires Garnier, T. p. 1065


Composition du Tribunal
Président : M. Duvillard
Rapporteur ?: M. Vincelet
Rapporteur public ?: Mme Heers, rapp.

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;1996-11-05;95pa03204 ?
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