Vu le mémoire enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Paris le 22 février 1995 présenté pour M. Aloïsio X... demeurant à Nouméa, route de Carrigou B.P. n° 45 GA, Koe-Dumbéa, par la SCP Lyon-Caen-Fabiani-Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; M. X... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 novembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Nouméa a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mai 1994 par lequel le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire a prononcé la suspension de ses fonctions de brigadier-chef de la police nationale,
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10.000 F sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu le décret n° 68-70 du 24 janvier 1968 ;
Vu le décret n° 86-592 du 18 mars 1986 ;
Vu la code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 7 mars 1996 :
- le rapport de M. GIPOULON, conseiller,
- les observations de la SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation pour M. X...,
- et les conclusions de Mme BRIN, commissaire du Gouvernement ;
Sur la légalité externe de l'arrêté de suspension du 11 mai 1994 :
Sur l'absence de consultation préalable et de contreseing du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire :
Considérant qu'aucun texte n'imposait la consultation préalable du ministre et son contreseing alors qu'il avait délégué sa signature ;
Sur le moyen tiré de ce que M. X... n'a pas été mis en mesure de prendre connaissance de son dossier qui ne comportait pas les pièces capitales relatives à la suspension :
Considérant que la décision de suspension d'un agent constitue une mesure conservatoire prise dans l'intérêt du service ; qu'elle n'a pas à être précédée de la communication du dossier ; que le moyen invoqué est dès lors inopérant ;
Sur la légalité interne de l'arrêté du 11 mai 1994 :
Considérant qu'aux termes de l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 : "En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline" ; qu'à ceux de l'article 11 du décret du 18 mars 1986 "les fonctionnaires de police peuvent s'exprimer librement dans les limites résultant de l'obligation de réserve à laquelle ils sont tenus ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le brigadier chef X... en poste à Nouméa a, malgré divers rappels antérieurs de l'autorité hiérarchique d'avoir à respecter l'obligation de réserve, organisé dans son appartement en février 1994 le congrès constitutif d'un mouvement politique, puis tenu, au siège d'un autre mouvement politique aux options similaires aux siennes, une conférence de presse publique qui, rapportée dans la presse locale écrite et audio-visuelle a suscité sur le Territoire des réactions vives -procédant notamment de sa qualité de gradé de la police nationale- et dont M. X... ne pouvait que prévoir l'éventualité ; que même si les propos de M. X... étaient demeurés exempts de violence et d'agressivité et ne mettaient pas en cause le service de la police nationale, les faits susrelatés imputables à un fonctionnaire de police, au demeurant chargé de fonctions d'encadrement, et susceptibles d'avoir des incidences sur le fonctionnement du service de la police nationale sur le Territoire, contrevenaient à l'obligation de réserve que les dispositions suscitées imposaient expressément à M. X... de respecter, alors même que la loi du 9 novembre 1988 impartit à l'Etat la charge de "permettre aux populations de Nouvelle-Calédonie de réaliser librement leur destin" et qu'ainsi M. X... n'a pas en prenant position dans les circonstances susrappelées pour l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie par là même manqué à l'obligation de loyalisme ; que dans les circonstances de l'espèce les faits reprochés à M. X... ont pu être regardés comme des manquements suffisamment graves pour justifier, en attendant qu'il soit statué sur les poursuites disciplinaires, le prononcé d'une mesure de suspension ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouméa a rejeté sa requête ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article susvisé font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.